Entreprenez !
Nous nous occupons du reste.
Ordre des experts comptables
Méthanisation et photovoltaïsme, une route semée d’embûches

Méthanisation et photovoltaïsme, une route semée d’embûches

Méthanisation et photovoltaïsme ne sont pas la panacée, pour Alessandra Kirsch. Experte chez Agriculture Stratégies (1), elle détaille les risques liés à ces deux types d’installations, censées garantir un revenu complémentaire aux agriculteurs.

Derrière les promesses de revenus confortables et stables, la route de la méthanisation et du photovoltaïsme est semée d’embûches. Tarifs de rachat moins avantageux, investissements et charges en hausse, productions parfois concurrentielles à l’activité agricole, patrimoine encombrant… Attention aux nids-de-poule.

Panneaux solaires cherchent rentabilité

« À l’origine, l’objectif du photovoltaïsme était de couvrir les toitures des hangars, rappelle Alessandra Kirsch, directrice des études d’Agriculture Stratégies, lors d’un débat organisé par l’Ifocap (institut de formation des cadres paysans), le 10 janvier 2023 à Paris. Entre 2006 et 2011, les tarifs de rachat, avantageux, pouvaient permettre de racheter un bâtiment. » Mais depuis, ils ont été rabaissés par décret. « Ça peut rester rentable sur le long terme selon la durée de vie des panneaux, mais ce n’est pas l’eldorado », juge-t-elle. Même si l’agriculteur touche des revenus stables, avec des contrats parfois signés sur 20 ans, il rentabilise moins vite ses installations.

Du côté de l’agrivoltaïsme, il faut en plus jouer avec le risque de compétition avec les productions agricoles. La loi d’accélération des énergies renouvelables, adoptée le 7 février 2023, cadre enfin ces projets. En principe, tout projet d’installation de panneaux au sol doit se faire de manière réversible, en complément des activités agricoles, leur rendant des services (ombre, abri, etc.). Les retombées financières sont alléchantes, avec des loyers allant jusqu’à 2 000 euros par hectare ou plus, mais des doutes subsistent. « Entre le propriétaire et le fermier, qui touche le loyer ? Comment sont gérés les litiges ? », s’inquiète l’experte.

Méthaniseurs trop gourmands

Même constat du côté de la méthanisation. Selon les campagnes, en particulier en cas de sécheresse, la méthanisation peut concurrencer les besoins de l’élevage. « Notamment pour la paille, le maïs ou les résidus d’industrie comme la pulpe de betteraves », insiste Alessandra Kirsch. Sans compter que les recettes varient selon les projets, car tous les apports ne se valent pas. Les chiffres communément admis, repris par la chambre d’agriculture de la Bougogne-Franche-Comté, indiquent qu’une tonne de lisier génère moins de 10 m³ de méthane, alors qu’une tonne de graisse agro-industrielle en génère près de 450 m³. Les matières sèches végétales, comme les ensilages de céréales ou d’herbe, approchent 100 m³ par tonne.

Comme pour les installations photovoltaïques, la rentabilité des méthaniseurs a chuté depuis la baisse des tarifs de rachat, actée par un arrêté de 2020. Le législateur a voulu limiter l’emballement pour ce type de projets. Ces dernières années, le soutien financier a coûté plus cher que prévu avec la multiplication des projets. Selon Alessandra Kirsch, le total des aides atteint 16,8 milliards d’euros, subventions et rachat compris, pour près de 2 400 porteurs en 2020. Un chiffre pharaonique, quand on sait que le budget de la Pac 2021-2027 pour la France est à peine 3,5 fois plus élevé, alors qu’il concerne plus de 300 000 agriculteurs. « Cela peut interroger », observe-t-elle.

Un patrimoine lourd, de la construction à la transmission

En méthanisation, les investissements de départ sont toujours conséquents, variant de 300 000 euros à plusieurs millions d’euros. Or, depuis un an, les devis grimpent avec l’inflation. Conjugué à une baisse des tarifs de rachat, cela compromet la rentabilité des nouveaux projets. De plus, les subventions sont inégales selon les régions. Il ne faut pas non plus oublier le coût des salariés, car les méthaniseurs doivent être nourris en continu par une main-d’œuvre régulière. En général, une exploitation emploie un équivalent temps plein en plus.

En 30 ans, pour produire la même richesse, le capital nécessaire aux exploitations a augmenté de 59 %, selon le rapport du CGAAER publié à la fin de l’année 2022. Un patrimoine alourdi par des investissements comme les méthaniseurs ou les panneaux solaires, qui représentent parfois la valeur de la ferme tout entière.

« Quand on en arrive à doubler le capital initial pour un revenu complémentaire, ça pose question », estime Alessandra Kirsch. Et à la transmission, l’endettement de départ peut refroidir plus d’un repreneur. De nouveaux formats d’installations voient le jour, avec un capital partagé avec des investisseurs extérieurs comme TotalEnergies ou Engie. Si le modèle agricole français reste familial, l’enjeu de la reprise des exploitations pourrait populariser l’ouverture du capital.

(1) Agriculture Stratégies est un groupe de réflexion étudiant les effets des politiques sur l’agriculture.

Site LaFranceAgricole – Actualités 17/02/2023

Newsletter

Recevez les dernières informations juridiques, fiscales, économiques et sociales directement dans votre messagerie !

Conditions générales et politique de confidentialité

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription est confirmée.