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Toute clause d’apport du bail en société établie en termes généraux est réputée non écrite

Toute clause d’apport du bail en société établie en termes généraux est réputée non écrite

La clause d'apport du bail à une société agricole par laquelle le bailleur donne son agrément en termes généraux, sans mention du bénéficiaire, est contraire à la réglementation d'ordre public et doit être considérée comme non écrite.

Une clause du bail qui prévoit la possibilité de son apport à une société agricole et l’agrément du bailleur à l’opération selon des termes généraux, sans mention du bénéficiaire, restreint les prérogatives du bailleur en contradiction avec une règlementation d’ordre public. Elle doit donc être considérée comme non écrite, sans qu’aucun délai ne soit fixé pour la contester.

En l’espèce, dès la conclusion du bail à ferme, un bailleur s’est accordé avec son fermier par une clause insérée dans le contrat donnant « d’ores et déjà son accord pour l’apport par le preneur de son droit à une société ». Cette clause est malheureusement rédigée en des termes généraux. La société n’est donc pas connue ni immatriculée au RCS à la date de la signature du contrat et la stipulation ne permet pas d’identifier le bénéficiaire éventuel de l’apport du bail.

Le bail rural statutaire étant personnel et incessible, ladite clause d’agrément d’un bénéficiaire non désigné lors de son insertion doit être réputée non écrite. L’apport du bail en société ne se confond pas avec la mise à disposition du bail au profit d’une société, laquelle ne change pas les droits et obligations du bailleur et nécessite seulement d’avertir ce dernier (C. rur., art. L. 411-37 et L. 323-14 s’agissant d’un GAEC). En effet, l’apport d’un bail rural à une société transforme l’identité du preneur en titre et substitue à une personne physique, une personne morale (C. rur., art. L. 411-38).

Outil de transmission des exploitations agricoles par les professionnels, l’apport du bail à ferme à la société agréée par le bailleur facilite, il est vrai, la poursuite du bail des parcelles louées jusqu’alors par une personne physique au profit de personnes extérieures au cercle familial.  Elle évite une résiliation amiable du bail en cours consenti jusque-là au profit d’une personne physique et la conclusion d’un nouveau bail, cette fois au profit d’une personne morale.

Cette formule de cession de bail organisée par la loi portant sur le bail à rural a été étendue par touches législatives successives aussi aux améliorations du fonds que le fermier peut céder au nouvel exploitant (C. rur., art. L. 411-75). En cas d’apport du bail à une société, le titulaire du bail initial ne s’oblige plus personnellement à mettre en valeur le bien. Il pourra quitter la société devenue le seul interlocuteur du bailleur.

Formellement, pour un tel changement, l’apport d’un bail à ferme nécessite l’agrément préalable et écrit du bailleur à peine de nullité. Le refus du bailleur d’agréer la demande d’apport est discrétionnaire, sans recours judiciaire possible pour le fermier. Une fois l’apport du bail agréé, le preneur doit veiller dans tous les cas à « notifier » l’agrément écrit au bailleur (indivisaires, usufruitier…).  Ce dernier peut également en prendre acte par écrit selon les formalités de l’article 1216 du code civil (issue de l’ordonnance du 10 février 2016).

Si le preneur à bail apporte son bail à la société sans agrément préalable de son bailleur, il procèderait à une cession de bail interdite (C. rur., art. L. 411-31, II, 2°). Si cet accord peut être donné par avance dans un contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, la cession ne produira effet à l’égard du cédé que lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui sera notifié ou lorsqu’il en prendra acte.

Aucun délai n’est prévu pour faire déclarer non-écrite une clause d’agrément de l’apport souscrite de manière générale. La solution retenue est stricte et se calque sur celle adoptée dans une espèce semblable et relative à une clause prévoyant le transfert du bail, quel que soit le motif de cessation d’activité des preneurs, sans désignation précise du cessionnaire (Cass. 3e civ., 20 déc. 2018, n°17-20.936). Dans ces deux cas, les conditions de validité d’une clause de cessibilité du bail ou d’apport doivent s’inscrire dans le respect du principe d’incessibilité du contrat, tendant à prémunir le bailleur contre un changement, à son insu, de la personne de l’exploitant ou des conditions de l’exploitation.

L’ordre public du statut du fermage (C. rur., art. L. 415-12) implique que ce type de clauses générales soit déclaré non écrit.

Pour être valable, la clause devra être rédigée avec soins et permettre d’identifier, dès sa rédaction, l’identité du ou des cessionnaires projetés (descendants, conjoint ou partenaire pacsé) (C. rur., art. L. 411-35) ou, en cas d’apport, le nom exact de la société immatriculée au RCS. Le bailleur garde ainsi un pouvoir d’appréciation pour au besoin, le jour venu, contester l’opération préalablement acceptée.

Cass. 3e civ., 8 févr. 2024, n° 22-16.422, n° 74 FS-B – Site EditionsLégislatives 05/03/2024

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