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Le Sénat pousse à soutenir la filière du chanvre

Les sénateurs ont adopté une résolution qui pousse le gouvernement à soutenir la filière du chanvre en France, aussi bien pour les débouchés industriels que pour le bien-être.

“Dans le chanvre, tout est bon ; c’est comme dans le cochon”, résume le sénateur Christian Klinger au pupitre du Sénat, pendant la discussion, le 17 novembre 2022, d’une proposition de résolution de Guillaume Gontard sur le développement économique du chanvre en France.

Cette résolution a reçu un soutien d’une large majorité des sénateurs. Les explications de vote exposées au préalable ont insisté sur l’intérêt agroécologique de la culture, sur la rémunération des agriculteurs, et sur les occasions de réindustrialiser les territoires ruraux avec les entreprises de transformation de l’aval de la filière. “La diversité des soutiens montre toute l’importance de ce sujet ainsi que toute sa complexité”, se réjouit, en réaction, Dominique Faure, secrétaire d’État chargée de la Ruralité.

Les syndicats actifs dans la construction d’une filière du CBD (Association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC), le Syndicat professionnel du chanvre (SPC) et l’Union des professionnels du CBD (UPCBD) ont salué unanimement son adoption et se sont félicités du travail commun mené avec les parlementaires.

Manque de visibilité

L’objectif de cette résolution était aussi de pousser le gouvernement à clarifier la réglementation sur les usages du chanvre. Là encore, le consensus est assez partagé pour déplorer le manque de visibilité sur ce point. La secrétaire d’État n’a pas fait d’annonce de déblocage rapide. Elle renvoie au nouveau conseil scientifique, établi depuis février 2022 et piloté par l’interprofession Interchanvre : “une feuille de route est en cours de rédaction”.

Toutefois, trois points saillants ont émergé des débats sénatoriaux pour mettre en mouvement la filière rapidement :

– Les économies d’énergie dans la construction;

– La valorisation de la captation de carbone;

– La clarification de la réglementation autour du CBD, un composé non-psychotrope contenu essentiellement dans la fleur.

Économie d’énergie

La paille de chanvre utilisée dans la construction des bâtiments a des qualités isolantes qui font consensus. Pourtant, son utilisation ne reçoit pas les soutiens publics des autres isolants. “Un amendement en ce sens a été déposé à l’occasion du projet de loi de finances pour 2023”, se réjouit Guillaume Gontard. La sénatrice Laure Darcos explique que la situation pourrait se débloquer dans les prochains mois.

Des nouvelles règles professionnelles sont en cours de validation. “Mais une autre entrave à l’utilisation du chanvre dans les bâtiments résulte de l’impossibilité pour les maîtres d’ouvrage de le valoriser avec les certificats d’énergie, qui demande une garantie sur les matériaux” : elle appelle donc la profession à lever ce frein pour pousser à l’emploi réel de ce matériau biosourcé qui répond bien à la logique de la sobriété énergétique.

Label bas carbone

La piste de la valorisation des qualités agroécologiques du chanvre par l’intermédiaire des certificats carbone est envisagée. L’interprofession travaille actuellement avec le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire en ce sens, explique Franck Barbier, agriculteur, président d’Interchanvre et de Planète Chanvre (chanvrière). Il intervenait lors d’une conférence organisée, en même temps que le débat au Sénat, par l’Afja (Association française des journalistes agricoles). “On est assez confiant”, a-t-il confié à La France Agricole.

Globalement, les sénateurs partagent cette confiance. La sénatrice Vanina Paoli-Gaslin souligne la capacité de stocker rapidement le gaz carbonique impliqué dans le réchauffement climatique : “Un hectare de chanvre absorbe sur une année 15 tonnes de CO2, soit l’équivalent d’un hectare de forêt”, avance-t-elle comme plusieurs de ses collègues. La secrétaire d’État Dominique Faure veut donc l’intégrer dans le marché des crédits carbone pour verser cette rémunération aux agriculteurs.

Mais la filière veut aller plus loin en plaçant sa réflexion à l’échelle de l’ensemble de la valorisation de la culture.  À la différence du label bas carbone qui valorise le carbone accumulé dans le sol durant le cycle de la plante, la filière vise la valorisation du stockage du carbone sur le long terme, du fait des débouchés du chanvre industriels (isolation, construction, textile). Les rémunérations proposées aujourd’hui via le label bas carbone pour des grandes cultures alimentaires arrivent autour des 50 € l’hectare au maximum, a-t-il expliqué. “Nous, on est sur des modèles où on pense pouvoir dépasser les 200 € l’hectare. C’est Interchanvre qui porterait ça. […] Cela ramènerait l’intégralité de cette rémunération à l’agriculteur, plutôt que de passer [par un tiers] qui prendrait une partie.”

La question du CBD

Enfin, le troisième point saillant de la discussion porte sur la filière du CBD. Autrement appelé cannabidiol, le CBD est une molécule non-psychotrope mais relaxante contenue dans la fleur du chanvre. Mais la fleur contient une autre molécule, le THC, qui, elle, est une drogue euphorisante interdite. Toute la difficulté de séparer les deux circuits a conduit à une pelote juridique entortillée dont tout le monde espère le dénouement par une décision du Conseil d’État dans les prochains mois.

C’est sur ce point que les oppositions sont les plus fortes entre les sénateurs. Guillaume Gontard propose de relever à 1% le seuil de tolérance du THC dans les variétés autorisées pour le CBD. Beaucoup de ses collègues demandent d’en rester au seuil européen de 0,3 %, qui est déjà plus élevé que celui de 0,2 % resté dans la législation française. D’autres font valoir que repousser cette clarification risque de faire rater une occasion de développement agricole et industriel.

Jean-Claude Tissot approuve l’idée de Guillaume Gontard en faveur d’un label pour la production de chanvre fleur française. Il y voit une rémunération attractive pour l’agriculteur puisqu’il témoigne d’un prix de vente de la fleur de l’ordre de 600 euros le kilogramme en 2022. Des producteurs expérimentés évoquaient il y a deux ans un rendement de 800 kg à 1 tonne de fleurs par hectare.

La filière se projette

La sécheresse printanière et estivale n’a pas épargné le chanvre industriel, dont les rendements, très hétérogènes, pourraient reculer en moyenne de 15 à 20 % en 2022, indiquait Franck Barbier, président de l’interprofession Interchanvre. Lorsque l’implantation a été bonne, la puissance du système racinaire a permis, dans certains bassins de production, une progression des rendements, illustrant la bonne résilience de cette plante, a-t-il souligné. En revanche, la sécheresse précoce a pu pénaliser la levée, et les fortes chaleurs la fécondation. À première vue, la Vendée a subi des dégâts relativement importants contrairement à l’Aube ou l’Île-de-France, a précisé à La France Agricole Joël Lagneau, attaché de direction chez Interchanvre.

Concurrence avec les autres cultures

Avec 22 000 hectares cultivés en 2022, les surfaces ont triplé en dix ans. “Au regard des développements industriels qui sont prévus et des demandes du marché, on peut s’attendre à [un doublement] des surfaces d’ici à cinq ans”, a indiqué Franck Barbier. Mais l’envolée des prix des céréales et des oléagineux amène une forte concurrence dans l’assolement. Cette problématique se retrouve aussi pour la production de semences. C’est pourquoi la rémunération des producteurs fait partie des priorités de la filière pour garantir un approvisionnement des usines, a-t-il expliqué. “Il est important que les industriels aillent chercher de la valeur sur les marchés techniques pour redescendre cette rémunération aux producteurs.”

Site LaFranceAgricole – Actualités 21/11/2022

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