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Conditions de la prorogation d’une société après son terme : deux précisions opportunes

Selon la Cour de cassation, un juge peut autoriser la prorogation d'une société après son terme sans être tenu de rechercher si les associés ont omis de bonne foi de proroger auparavant. Il n'a pas non plus à constater que tous les associés souhaitent proroger dès lors que les statuts permettent la prorogation à une majorité plus faible.

Un groupement forestier agricole (GFA) est constitué en 1979 pour une durée de quarante ans. Par ordonnance de 2020, le président d’un tribunal judiciaire constate l’intention des associés de proroger la société et autorise la consultation de ces derniers, à titre de régularisation dans un délai de trois mois. Un associé demande la rétractation de cette décision au motif que la régularisation ne peut être autorisée qu’à la double condition suivante : (i) les associés ont omis de bonne foi de proroger avant l’échéance du terme de la société et (ii) leur intention unanime de procéder à la prorogation est caractérisée.

Aux visas des articles 1844-7, 1° du code civil, relatif à l’expiration du terme des sociétés, et 1844-6 du même code, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir rejeté cette demande. A cet effet, elle rappelle en préambule que l’article 1844-6 dispose :

« La prorogation de la société est décidée à l’unanimité des associés, ou, si les statuts le prévoient, à la majorité prévue pour la modification de ceux-ci.

Un an au moins avant la date d’expiration de la société, les associés doivent être consultés à l’effet de décider si la société doit être prorogée.

A défaut, tout associé peut demander au président du tribunal, statuant sur requête, la désignation d’un mandataire de justice chargé de provoquer la consultation prévue au deuxième alinéa.

Lorsque la consultation n’a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, peut constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois, le cas échéant en désignant un mandataire de justice chargé de la provoquer. Si la société est prorogée, les actes conformes à la loi et aux statuts antérieurs à la prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par la société ainsi prorogée. »

Puis, la Cour observe que la recevabilité de la demande prévue par ce dernier alinéa n’est  conditionnée :

– ni à une recherche de la raison pour laquelle les associés ont omis de proroger la société avant son terme, peu important donc que cette omission ait eu lieu de bonne foi ou non ;

– ni au constat d’une intention unanime des associés dès lors que « les statuts de la société prévoient que la prorogation peut être décidée à la majorité qu’ils fixent ». Il suffit de constater que des associés représentant cette majorité ont l’intention de proroger la société, ce qui résultait, en l’espèce, d’un procès-verbal d’huissier dressé en 2020.

La solution, publiée au bulletin, précise opportunément le régime de la récente procédure de régularisation de la prorogation de société (C. civ., art. 1844-6, al. 4, mod. par loi n° 2019-744, 19 juill. 2019, art. 4).

Deux points méritent l’attention.

Pas de bonne foi requise dans l’omission de la prorogation

D’abord, la régularisation n’impose pas de rechercher si les associés ont omis de bonne foi de proroger la société dont le terme est arrivé à échéance. La Cour s’en tient ici au respect de la lettre de l’article 1844-6, al. 4, quoique le texte ait été pensé pour bénéficier aux associés qui ont « oublié », « de bonne foi », de proroger la société avant sa date d’expiration (v. présentation de l’amendement du Sénateur Soilihi, Proposition de loi n° 790, enregistrée le 4 août 2014, comm. art. 9). Le fait est qu’en l’espèce, aucun « oubli » n’était caractérisé, une assemblée générale portant sur la prorogation ayant été convoquée avant l’expiration du terme.

Demande ou décision de prorogation : même majorité requise

Ensuite, les juges précisent de quelle manière doit être caractérisée « l’intention » des associés visée par l’article 1844-6, alinéa 4, qui permet d’autoriser la consultation à titre de régularisation. L’intention unanime des associés de procéder à la prorogation n’est pas exigée dès lors que « les statuts de la société prévoient que la prorogation peut être décidée à la majorité qu’ils fixent ». Cette possibilité de déroger à la règle de l’unanimité pour proroger la société est expressément mentionnée à l’alinéa 1er de l’article 1844-6. Ainsi, l’intention des associés visée à l’alinéa 4 se caractérise à la lumière de l’alinéa 1er relatif aux modalités de la décision de prorogation. En l’espèce, les statuts prévoyaient une « majorité en nombre des associés représentant au moins les trois quarts du capital social ». Un procès-verbal d’huissier de justice ayant été produit et mentionnant que quatre associés sur cinq, représentant 273 parts sur 303, étaient favorables à la prorogation de la société, le juge en a déduit l’intention des associés de proroger la société. On notera que la preuve étant par principe libre (C. civ., art. 1358), d’autres supports, tels par exemple qu’un P-V. d’assemblée, devraient permettre au juge de constater cette intention.

Cass. com., 30 août 2023, n° 22-12.084, n° 524 F-B – Site EditionsLégislatives 19/09/2023

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