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Agrivoltaïsme : Déposer le permis de construire avant le 9 mai 2024 ?

Agrivoltaïsme : Déposer le permis de construire avant le 9 mai 2024 ?

Avocat associé du cabinet Bignon Lebray, Charles-Eric Thoor livre dans une interview son analyse du Décret publié le 9 avril 2024 encadrant l’agrivoltaïsme. Il conseille aux porteurs de projet de déposer au plus vite leur permis de construire.

Quelle est la vocation de ce décret si attendu ?

L’idée est de cadenasser la vocation agricole des parcelles agricoles et de faire en sorte que si activité photovoltaïque il y a, elle ne sera que l’accessoire de l’activité agricole principale. Il y a un réarbitrage sur les priorités, qui est louable. Mais si l’idée de départ du législateur est bonne, sa traduction pratique, par les ministères, est inutilement complexe.

Le pouvoir réglementaire a dû préciser toutes les conditions de l’agrivoltaïsme avec parfois un numéro d’équilibrisme rédactionnel. L’exercice n’était pas facile, et cela se ressent à la lecture du décret publié plus d’un an après l’adoption de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (Aper).

Avez-vous un exemple en tête ?

La loi exige par exemple que les panneaux doivent permettre une « production agricole significative ». Pour apprécier cette condition, le pouvoir réglementaire nous dit dans le décret qu’il faut s’assurer qu’après l’installation des panneaux, la moyenne de rendement à l’hectare n’est pas inférieure à 90 % de celui d’une parcelle témoin. Il faut alors que l’exploitant agricole prenne une parcelle témoin, dépourvue de panneaux, et fasse une analyse statistique pour démontrer que le rendement de la parcelle avec panneaux n’est pas inférieur de plus de 10 % à celui de la parcelle témoin.

C’est écrit clairement, mais comment allez-vous démontrer cela, chiffres à l’appui, à un préfet, dans votre dossier de demande d’autorisation ? L’exploitant n’a pas de recul pour comparer tout ça, et comment choisit-il la parcelle témoin ? Le décret définit toute une litanie de critères pour nous dire ce que doit être une parcelle témoin, et ces critères n’étant même pas encore suffisamment définis, le décret renvoie à un arrêté complémentaire qui viendrait préciser le décret qui lui-même précise la loi. Cela va aboutir à des définitions trop précises et en réalité hors sol.

Qu’est-ce que cela change pour le porteur de projet ?

C’est important car le pétitionnaire va devoir prouver le respect de toutes ces conditions, dans son dossier de demande d’autorisation d’urbanisme (qui sera soit un permis de construire pour les plus grosses installations, soit une simple déclaration préalable, correspondant à un régime allégé en droit de l’urbanisme).

Alors que le maire a une compétence de principe pour délivrer les permis de construire et les déclarations préalables, le décret confère une compétence spécifique au préfet, pour instruire les demandes d’installations agrivoltaïques. Dans le dossier que doit constituer le porteur du projet, outre les plans et documents habituels au dépôt d’une demande de permis de construire, le paysan va devoir démontrer le respect d’obscurs critères, caractérisant une installation agrivoltaïque.

Avec toutes ces conditions, le dossier de demande devrait donc être épais ?

Il devra comporter toute une série de pièces spécifiques. Il faudra une description physique de la parcelle et de la zone témoin ainsi qu’une note technique justifiant que l’installation photovoltaïque fournit au moins un service à la production agricole (augmentation du potentiel agronomique, adaptation au changement climatique, protection contre les aléas météorologiques ou amélioration du bien-être animal). S’ajoute également une autre note technique justifiant que la production agricole est l’activité principale de la parcelle.

Un exploitant pourra-t-il lui-même rédiger tous ses documents ?

Un paysan seul peut tenter de monter son dossier, mais ce ne sera pas évident. Il sera tenté de se rapprocher des bureaux d’études. Ces derniers vont alors sortir diverses études et concepts pour obtenir l’autorisation d’urbanisme, et le service instructeur qui sera face à ces critères tellement lâches ne va pas vraiment les contrôler.

Comment voulez-vous qu’un fonctionnaire de catégorie B des services de la préfecture aille challenger ce que lui dit un bureau d’études s’agissant du potentiel agroécologique d’une parcelle ? Un tel critère est particulièrement difficile à caractériser, mais il faudra bien le démontrer. Et le paysan ne pouvant pas le prouver, il sera incité à payer un bureau d’études.

Nous sortons d’une période de manifestations où nos paysans n’en peuvent plus d’une surcharge administrative, et ce cadre réglementaire inutilement détaillé, est à contrecourant des attentes du secteur. Et tout cela va en réalité bloquer des projets. C’est d’autant plus regrettable, alors qu’il était possible de se fier à des critères plus simples en retenant par exemple que l’installation photovoltaïque ne devait pas dépasser plus de 10 % de la surface.

Quels seront les premiers projets concernés par ces nouvelles règles ?

Le décret précise qu’il s’applique aux installations dont la demande est déposée à compter d’un mois suivant sa publication. Le décret a été publié le 9 avril. Si vous déposez une demande à partir du 9 mai, vous serez confronté à toute la litanie du dossier. Un conseil ? Pour éviter de s’exposer à ces critères qui ne sont pas évidents, déposez votre permis avant cette date, quitte à aller voir la banque après. Une fois le permis en main, vous avez un délai de trois ans prorogeable deux fois d’un an pour l’exécuter.

Cette lourdeur administrative que vous critiquez se rencontrera également lors des contrôles qui seront réalisés ?

L’installation agrivoltaïque, et le cas échéant, la zone témoin qui lui est associée sont soumises à un contrôle préalable à sa mise en service. Un agent doit venir sur place avant que les panneaux ne soient branchés. Ce contrôle peut être effectué par un institut scientifique ou un organisme technique agricole (une chambre d’agriculture ou un expert foncier), l’exploitant va remettre un rapport de contrôle à la préfecture. Ce contrôle doit être réalisé tous les cinq ans et un arrêté du ministre doit venir préciser le contenu du rapport. Ce n’est pas le paysan qui va s’auto-contrôler. Il faudra qu’il passe par des experts qui vont facturer. Et c’est l’exploitant qui va payer.

Site LaFranceAgricole – Actualités 25/04/2024

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