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Pas de limite environnementale aux coupes rases de bois

Pas de limite environnementale aux coupes rases de bois

La coupe rase de bois n'est, à elle seule, soumise à aucune évaluation environnementale, une telle évaluation n'étant exigée que si l'opération vise à « reconvertir les sols ». Selon le Conseil d'État, cette disposition ne méconnaît pas les exigences européennes.

Dénonçant l’enrésinement de la forêt morvandelle par la coupe à blanc de ses feuillus, le syndicat mixte du Parc naturel du Morvan a enjoint le Gouvernement de durcir la réglementation environnementale applicable. Face à son refus, il a saisi le Conseil d’État, mettant notamment en cause la conformité du dispositif français aux exigences européennes. Sa requête fut toutefois rejetée.

Dans les bois et forêts qui ne présentent pas de garantie de gestion durable, réaliser une coupe est soumis à autorisation préfectorale si elle porte sur une surface d’un seul tenant qui excède le seuil fixé par arrêté départemental et que plus de la moitié du volume des arbres est enlevée (C. for., art. L. 124-5). Dans les départements de Côte d’Or, de la Nièvre, de Saône-et-Loire et de l’Yonne, le seuil est fixé à 4 hectares, sauf dans certaines communes du massif du Morvan où il est abaissé à 2 hectares « afin de mieux prendre en compte les enjeux environnementaux et paysagers sur le territoire du Parc naturel régional du Morvan » (Arr. interdépartemental n° 2021-49, 3 juin 2021).

L’incidence de ce type de coupe n’est en revanche soumise à aucune évaluation environnementale, ni systématique, ni même au cas par cas si elle n’est pas réalisée « en vue de la reconversion des sols » (C. envir., annexe à l’art. R. 122-2, rubrique 47). Quelques tempéraments existent. L’autorité administrative peut notamment soumettre le projet à un examen au cas par cas s’il lui paraît susceptible « d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine » (C. envir. art. R. 122-2-1). Dans la mesure où la destination forestière des parcelles est conservée et où des tempéraments sont prévus (l’arrêt rappelle aussi les règles applicables en cas de défrichement), le Conseil d’État juge la réglementation conforme à la directive européenne prise en matière d’évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement (Dir. 2011/92/UE, 13 déc. 2011 ; CJUE, 7 août 2018, n° C-329/17, Gerhard Prenninger et autres) ;

Ces coupes ne font pas non plus, par principe, l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 si elles ne portent pas sur des forêts situées, au moins pour partie, dans le périmètre d’un site Natura 2000. Malgré tout, l’autorité administrative peut d’office, par décision motivée, les soumettre à cette évaluation si elles sont susceptibles d’affecter de manière significative un tel site, que les bois ciblés soient ou non situés dans son périmètre (C. envir., art. L. 414-4, R. 414-19 et R. 414-27 ; C. for., art. R. 122-24). Le Conseil d’État retient ainsi que la règlementation ne méconnaît pas non plus la directive européenne « Habitats » (Dir. 92/43/CEE, 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, art. 6).

Enfin, aucune disposition du code forestier ou du code de l’environnement ne dispense un projet de coupes de l’obligation d’obtenir une dérogation en cas d’incidences sur des espèces protégées ou leurs habitats. En conséquence, la règlementation française ne contrevient pas non plus à ce titre à la la directive « Habitats » précitée, ou encore à la directive « Oiseaux » (Dir. 2009/147/CE, 30 nov. 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages), ni même aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement transposant ces directives dans le droit national. Le Conseil d’État relève en outre qu’ « aucune méconnaissance des exigences de ces deux directives ne saurait être tirée de l’absence d’articulation entre ces deux législations indépendantes ».

Remarque : un rapport du « comité spécialisé gestion durable des forêts » titré « Objectif Forêt » a été remis au ministère de l’agriculture le 26 juillet 2023 en vue de l’élaboration du plan national de renouvellement forestier (https://agriculture.gouv.fr/rapport-objectif-foret). La stratégie de coupe rase qui y est contenue est notamment dénoncée par plusieurs ONG environnementales comme incompatible avec les engagements internationaux sur la biodiversité et le climat. Plus globalement, elles considèrent que ce rapport est inapproprié et dénué de vision sur le long terme.

CE, 5 févr. 2024, n° 462924 – Site EditionsLégislatives 19/03/2024

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