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Crise agricole : ce qui a été fait et ce qui reste à faire

Crise agricole : ce qui a été fait et ce qui reste à faire

Si le Gouvernement a réagi rapidement en mettant en oeuvre une série de mesures d'urgence, de nombreux chantiers sont en cours en France mais aussi à l'échelle européenne.

La colère du monde agricole aura eu des conséquences immédiates : le Gouvernement, pressé par les exploitants agricoles, les syndicats, les médias et la tenue de salon de l‘agriculture, a mis en œuvre un plan de bataille et de communication dès le début du mois de février. Les annonces, réunions, plans, tables rondes, actions se sont multipliés au cours du mois afin que des mesures concrètes soient prises et que le temps nécessaire à la mise en œuvre des suivantes soit acceptable pour les exploitants. Il est donc temps de faire le point sur ce qui a réellement été fait, ce qui le sera dans les prochains mois et ce qui devra attendre.

Les mesures déjà en place

Les mesures d’urgence

Très rapidement, deux dossiers qui avaient cristallisé les débats ont été traités. Dès le 5 février, le guichet de demande d’avance sur le remboursement du tarif réduit d’accise sur les produits énergétiques (D. n° 2024-76, 2 févr. 2024 : JO, 4 févr.).

Dans les mêmes délais, le dispositif d’aide aux éleveurs bovins et ovins visant à compenser les coûts et pertes subies en raison de la maladie hémorragique épizootique (MHE) a été mis en place. La maladie touchait en effet la région Occitanie de laquelle le mouvement de contestation était parti. Il s’agissait donc de faire rapidement lever les barrages routiers. Ce dispositif a depuis été revu pour intégrer de nouveaux cas (D. n°2024-81, 3 févr. 2024, mod. par D. n° 2024-136, 23 févr. 2024 : JO, 24 févr).

La simplification régionale

Le « mois de la simplification » lancé au niveau départemental semble avoir porté ses fruits : pas de modifications sur le fond mais des améliorations procédurales des arrêtés préfectoraux concernant par exemple la révision de la liste des espèces nuisibles, le brûlage de déchets verts, ou le barème d’évaluation des nuisances sonores. Cet effort de simplification devrait être étendu au niveau national notamment concernant l’automatisation de l’identification animale ou encore la suppression de la double déclaration assureur/État en cas d’événement climatique majeur.

La protection des intérêts français

Les clauses miroirs, destinées à protéger les exploitants français de la concurrence déloyale ont également été au centre des préoccupations. La première a été prise rapidement concernant le thiaclopride. Depuis le 25 février, l’importation en France de fruits et légumes contenant cette substance en volume trop important est prohibée (Arr. 23 févr. 2024, NOR : AGRG2405380A : JO, 24 févr.).

Enfin, la dérogation « jachères » a été renouvelée pour toute l’année 2024, le ministère de l’agriculture ayant fait usage de la faculté accordée par l’Union européenne.

La transparence alimentaire

Le Gouvernement a par ailleurs sonné le glas du steak végétal et des saucisses de tofu. Un décret réglemente en effet les dénominations pouvant être utilisées pour les préparations qui ne contiennent que très peu de produits carnés (D. n° 2024-144, 26 févr. 2024 : JO, 27 févr).

Les mesures par filière

Comme annoncé, le plan Elevage a été renforcé pour intégrer des mesures de transparence concernant l’origine des viandes et aligner les contraintes liées aux installations classées sur celles appliquées dans le reste de l’UE.

Le nouveau plan Loup, qui a notamment vocation à indemniser les éleveurs dont les troupeaux sont victimes de prédation, majore lesdits dispositifs de compensation.

Le plan Ambition bio 2027 tente quant à lui de relancer la filière de l’agriculture biologique en prévoyant des mesures sur toute la chaîne, de la production à la consommation. Il est en outre adossé à une rallonge budgétaire pour l’aide aux exploitations en difficulté.

Le calendrier des mesures à venir

Le délicat sujet des phytosanitaires encore en suspens

Le contenu du plan Ecophyto 2030 est apparemment connu. Après avoir suspendu son adoption au moment de la crise agricole, le Gouvernement a revu sa copie pour conserver l’objectif de 50% de réduction de l’usage de produits phytosanitaires tout en modifiant les conditions de calcul de ce ratio. Reste que ce plan, qui devait être officiellement signé durant le salon de l’agriculture, n’est toujours pas paru. A suivre donc…

Vers un EGAlim 4

La phase de contrôle par la DGCCRF des contrats issus du dernier round des négociations commerciales a été massivement relayée par les ministères. Quatre procédures ont été lancées fin janvier pour absence de contractualisation mais l’identité des contrevenants n’a pas encore été dévoilée afin de respecter le principe du contradictoire.

Avant l’été, une nouvelle loi EGAlim devrait être mise en discussion devant le Parlement. Le projet sera fondé sur les conclusions d’une mission parlementaire chapeautée par les députés Alexis Izard (Renaissance) et Anne-Laure Babault (MoDem). Gabriel Attal en a fixé les objectifs principaux : un meilleur encadrement des centrales d’achat, l’interdiction pour un industriel de négocier avec les grands et moyennes surfaces avant d’avoir négocié avec les agriculteurs et la meilleure prise en compte des indices de coûts de production. L’idée d’un prix plancher, évoquée par le Président de la République lors du salon de l’agriculture, devrait être débattue dans ce cadre.

Le PLOAA lancé à l’été

Le calendrier d’adoption du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA) semble enfin établi. Le projet, actuellement soumis à l’examen du Conseil d’État, sera présenté en Conseil des ministres fin mars. Il passera en première lecture devant les deux assemblées avant les Jeux Olympiques et reprendra son chemin après cette pause ludo-estivale.

Comme prévu, le PLOAA créera un guichet unique à l’installation porté par le Réseau France Chambres d’agricultures. Les installations seront également encouragées par la mise en place d’un fonds permettant de garantir des prêts ouverts aux jeunes agriculteurs, aux nouveaux installés mais aussi aux exploitants en conversion.

Des décrets de simplification à paraître

Plusieurs mesures réglementaires seront revues avant l’été, notamment les obligations de débroussaillement et le régime applicable aux haies.

Par ailleurs, les mesures qui devaient initialement figurer dans le pacte adossé au PLOAA, qui en constitue le volet réglementaire, telles que la modification de l’ordre de priorité du contrôle des structures au bénéfice de l’agriculture biologique et la sécurisation et l’accélération des projets agricoles (notamment les bâtiments d’élevage en ICPE) et de stockage de l’eau (mégabassines), devraient finalement être publiées avant l’été.

La LF 2025 déjà mise à contribution

Bruno Lemaire a annoncé dès le début de la crise agricole le relèvement de plusieurs seuils d’exonération :

– concernant l’exonération de plus-values sur la transmission de PME (CGI, art. 238 quindecies), le seuil de 500 000 € pour une exonération totale sera porté à 700 000 € et celui d’1 M€ pour une exonération partielle à 1,2 M € en cas de reprise de l’exploitation agricole par un JA ;

– pour l’exonération de droits de mutation en cas de transmission à titre gratuit de biens ruraux donnés à bail à long terme et de parts de GFA (CGI art. 793 bis), le seuil actuel de 500 000 € en cas d’engagement de conservation pour 10 ans passera à 600 000 € en cas de transmission à un JA ;

– l’exonération de plus-values professionnelles de l’article 151 septies du CGI sera ouverte aux JA en cas de cession à leur bénéfice de l’exploitation sur une longue période.

Par ailleurs, un crédit d’impôt complémentaire devrait voir le jour.

Les mesures portées devant l’UE

Le ministre de l’Agriculture a porté au niveau européen une demande d’évolution de la réglementation sur la conditionnalité des aides PAC relative aux prairies (BCAE 1, 2 et 9), ainsi qu’un relèvement du plafond des aides de minimis agricoles (Min. agri., Communique de presse, 26 févr.).

Afin de protéger le revenu de nos agriculteurs, une extension du cadre de la loi EGAlim à l’ensemble de l’UE est demandée, ainsi que la création d’une sorte d’Interpol des négociations commerciales qui pourrait mener des enquêtes et appliquer des sanctions au-delà des simples frontières d’un État.

Le volet de la concurrence déloyale porte également sur les accords d’importation avec les pays tiers, notamment le projet d’accord de libre-échange entre le Marché commun du Sud (Mercosur) dont la signature est pour l’instant suspendue. Concernant le cas particulier de l’Ukraine, exonérée de droits de douane pour l’importation dans l’Union européenne de nombreux produits, la France souhaite que des clauses de sauvegardes soient adoptées au niveau européen, le dossier est lui aussi porté devant les instances de l’UE.

La France va enfin œuvrer à l’échelle européenne pour une plus grande transparence sur l’étiquetage de l’origine des produits agricoles et des ingrédients de produits alimentaires. Le règlement européen « Information des consommateurs » pourrait être réformé en ce sens.

Site EditionsLégislatives 01/03/2024

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