Les règles prévues par l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme relatives à la protection des espaces et milieux montagnards n'ont pas pour objet de prévenir les risques pour une espèce animale que pourrait présenter un projet ayant bénéficié d'un permis de construire.
Dans les zones de montagne définies par l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, la protection des espaces, milieux et paysages caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard doit être prise en compte par les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols (C. urb., art. L. 122-1 et L. 122-9). A ce titre, les autorisations d’urbanisme délivrées au sein de ces territoires doivent être compatibles avec les exigences de protection de l’environnement montagnard et comporter, notamment, des dispositions de nature à concilier l’occupation du sol projetée et les aménagements s’y rapportant avec l’exigence de préservation de l’environnement montagnard prévue par la loi (CE, 24 avr. 2012, n° 346439). Dans un arrêt mentionné, le Conseil d’État précise l’étendue de ces exigences, qui ne recouvrent que la préservation des milieux et habitats naturels (CE, 17 janv. 2024, n°462638).
Remarque : cette décision ne remet pas en cause l’application des dispositions relatives à la protection des espèces animales ou végétales issue de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, y compris dans le cadre de projets de construction autorisés en zone de montagne. Ainsi, lorsqu’un tel projet porte sur des travaux devant faire l’objet d’une dérogation au titre de la législation sur les espèces protégées prévue par l’article L. 411-2 du même code, le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable ne peut pas être mis en oeuvre avant la délivrance de cette dérogation (C. urb., art L. 425-15 ; C. envir., art. L. 411-2, I, 4°).
En l’espèce, le préfet de la Loire avait délivré deux permis de construire en vue de l’implantation de neuf éoliennes. Plusieurs associations ont exercé un recours pour excès de pouvoir contre ces décisions au motif, notamment, des risques que présenterait le projet litigieux pour deux espèces de chouettes. Par un premier arrêt avant dire droit rendu sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, la cour administrative d’appel de Lyon a sursis à statuer sur l’appel et enjoint à la société titulaire des permis de régulariser les autorisations litigieuses en soumettant à l’examen du préfet le respect, par les projets de parcs éoliens en cause, des dispositions générales du code de l’urbanisme relatives à l’aménagement et à la protection de la montagne (CAA Lyon, 3 juin 2021, n° 19LY02840). Le préfet ayant délivré les permis de construire modificatifs à l’issue de ce contrôle, la cour a rejeté l’appel par un second arrêt (CAA Lyon, 26 janv. 2022, n°19LY02840). L’association s’est pourvue en cassation contre ces deux décisions. Son pourvoi est rejeté.
Le Conseil d’État approuve l’interprétation stricte faite par le juge d’appel de Lyon des termes de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme, qui ne protègent que les « espaces, paysages et milieux » caractéristiques du patrimoine montagnard. En conséquence, il confirme que ces dispositions n’ont pas pour objet de prévenir les risques qu’un projet serait susceptible de causer à une espèce animale, même caractéristique de la montagne. Elles permettent uniquement de contester l’atteinte que causerait ce projet aux milieux montagnards et, par suite, aux habitats naturels qui s’y trouvent situés.
Cette décision du Conseil d‘État devrait mettre fin aux divergences des cours administratives d’appel sur la question de la protection animale au titre de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme. En effet, dans une affaire similaire, la cour administrative d’appel de Toulouse avait estimé que la protection d’une espèce en voie de disparition devait être prise en compte au titre de la préservation des milieux caractéristiques du patrimoine naturel montagnard. En conséquence, elle avait confirmé l’annulation des permis de construire délivrés au motif que l’implantation du parc éolien n’était pas compatible avec la protection de l’avifaune et qu’il ne comportait aucune mesure permettant de concilier le projet avec l’exigence de protection de l’espèce protégée (CAA Toulouse, 4e ch., 19 janv. 2023, n° 19TL00620).
Remarque : sur le plan procédural, cette affaire a donné l’occasion au Conseil d’Etat de préciser qu’aucun texte ni aucun principe général du droit ne prévoit que la composition d’une formation de jugement statuant définitivement sur un litige doive être distincte de celle ayant précédemment décidé, dans le cadre de ce même litige, de surseoir à statuer dans l’attente d’une mesure de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. Dès lors, un arrêt ne peut être jugé irrégulier au motif qu’il a été rendu par la formation qui s’était déjà prononcée dans le cadre de l’arrêt avant-dire droit.
Site EditionsLégislatives 24/01/2024