Le dispositif de report des délais et échéances est une nouvelle fois aménagé par deux Ordonnances. La première, n°2020-560 du 13 mai 2020, modifie le régime général tandis que la seconde, n° 2020-546 du 11 mai 2020, parue deux jours plus tôt, adapte les délais liés à l’urbanisme et à l’aménagement.
De nouvelles dates butoir sont fixées pour la reprise de la computation. Dans la majorité des cas, il convient de retenir le 23 juin 2020 à minuit, date à laquelle le report prendra fin et les délais recommenceront à courir. Mais des reprises anticipées ou a posteriori sont également mises en place dans des secteurs particuliers. Pour l’urbanisme et l’aménagement par exemple, ce sera le 23 mai 2020.
Pour mémoire, un report global des délais a été institué par une Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 sur le cours des procédures administratives. Une « période juridiquement protégée », courant du 12 mars à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, et durant laquelle les délais sont suspendus, a été instaurée.
Le mécanisme a ensuite été modifié à plusieurs reprises pour s’adapter au mieux au contexte. Ainsi, une ordonnance n° 2020-427 du 15 avril y a intégré un régime spécial pour les enquêtes publiques et les délais en urbanisme et en aménagement. Celui-ci a été affiné par une Ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020.
Ce dispositif très complet doit pourtant être revu pour tenir compte de deux événements :
– d’une part la levée des mesures de confinement depuis le 11 mai,
– de l’autre la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet (L. n° 2020-546, 11 mai 2020, art. 1er, I : JO, 12 mai).
Du fait de cette prolongation, la « période juridiquement protégée » de l’Ordonnance n° 2020-306 se trouvait automatiquement allongée jusqu’au 10 août (date de cessation de l’état d’urgence + 1 mois). Or le gouvernement, qui espère un redémarrage de l’activité avec le déconfinement, ne souhaite pas cristalliser les procédures jusqu’au milieu de l’été.
C’est donc au 23 juin 2020 à minuit que le mécanisme de report des délais cessera de s’appliquer dans la majorité des cas. Des reprises de délai spéciales sont également mises en place pour éviter que des échéances ne tombent en une période peu favorable.
23 juin pour la majorité des délais
La nouvelle date butoir du 23 juin concerne une grande partie des délais et échéances initialement reportés par l’Ordonnance n° 2020-306. L’Ordonnance vise, par une formulation la plus large possible, « les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus » à l’exception donc des régimes dérogatoires (Ord. n° 2020-306, art. 1er, I).
Remarque : plusieurs actes ont été expressément exclus de ce régime de report, soit dans la première ordonnance, soit par des décrets. L’ordonnance modificatrice ajoute un nouveau cas d’exclusion, celui des délais pour l’établissement des actes de l’état civil relatant des événements survenus à compter du 24 mai 2020. Ainsi, à compter de cette date, les actes de l’état de civil, en particulier les déclarations de naissance, devront pouvoir être établis dans les délais prévus par la loi.
La date n’a pas été fixée au hasard. La fin de l’état d’urgence sanitaire était initialement prévue le 23 mai et le report des délais était censé perdurer un mois au-delà de cette limite, soit jusqu’au 23 juin (Ord. n° 2020-306, art. 1er, I). La fin du mécanisme de report à cette date avait donc déjà été anticipée par les acteurs économiques.
23 mai pour les délais en urbanisme et en aménagement
Une reprise plus rapide est prévue pour les délais liés notamment aux autorisations d’urbanisme et aux droits de préemption urbain et des SAFER. La suspension des délais prendra fin le 23 mai à minuit.
Une Ordonnance n° 2020-539 du 7 mai remet les compteurs en marche. Les délais suivants qui n’avaient pas expiré avant le 12 mars 2020 reprennent leurs cours à compter du 24 mai 2020 pour la durée restant à courir :
– délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir. Afin de garantir l’effectivité des recours, le délai restant à courir ne peut pas être inférieur à sept jours.
Remarque : l’Ordonnance inclut désormais dans le champ de la suspension les délais applicables aux recours formés à l’encontre des agréments des locaux d’activité en Ile-de-France (C. urb., art. L. 510-1) lorsqu’ils portent sur un projet soumis à autorisation d’urbanisme, ainsi que les délais applicables aux recours administratifs préalables obligatoires dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial (C. com., art. L. 752-17) ;
– délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l’urbanisme. La suspension porte également sur les délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction ;
– délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration mentionnée ci-dessus ;
– délai dans lequel une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou une autorisation d’urbanisme tacite ou explicite peut être retirée (C. urb., art. L. 424-5). Il s’agit là d’un nouveau cas de suspension qui ne figurait pas dans le dispositif initial ;
– délais applicables aux procédures de récolement (C. urb., art. L. 462-2) ;
– délais imposés dans le cadre des demandes d’autorisation de division prévues par le livre Ier du code de la construction et de l’habitation ainsi que des demandes d’autorisation d’ouverture, de réouverture, d’occupation et de travaux concernant des ERP et des IGH prévues par le même livre, lorsque ces opérations ou travaux ne requièrent pas d’autorisation d’urbanisme ;
– délais relatifs aux procédures de préemption urbaines et au droit de préemption des SAFER à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’administration peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement.
Le cas des délais administratifs ci-dessus listés qui auraient commencé à courir entre le 12 mars et le 23 mai 2020 inclus est également réglé : la totalité du délai court à compter du 24 mai.
Remarque : pour les décisions, accords ou avis délivrés en vue de la construction, de l’installation, de l’aménagement et des travaux concernant les infrastructures de communications électroniques, un dispositif dérogatoire complémentaire a été mis en place. Les délais recommencent à courir à compter du 9 mai (D. n° 2020-536, 7 mai 2020, art. 1er, 1° : JO, 8 mai).
30 mai pour les procédures de consultation du public
Pour les délais prévus s’agissant de la consultation ou de la participation du public, la fin du report est confirmée pour le 30 mai 2020 inclus. La première Ordonnance prévoyait son arrêt 7 jours après la fin de l’état d’urgence (Ord n° 2020-306, art. 7). Ce délai d’une semaine est donc respecté mais il s’appliquera dès le 24 mai, et non le 10 juillet.
23 juin pour les astreintes, clauses pénales, résolutoires ou prévoyant une déchéance.
Lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, ces mesures sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet si ce délai a expiré depuis le 12 mars (Ord. n° 2020-306, art. 4). Il était prévu que la suspension perdurerait durant le mois suivant la fin de la période juridiquement protégée.
Ce n’est donc qu’à compter du 24 juin (23 mai + 1 mois) que les astreintes prendront cours et les clauses produiront leurs effets si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. Attention toutefois, le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 est suspendu jusqu’au 23 mai uniquement.
30 juin pour les enquêtes publiques
La possibilité de dématérialiser les enquêtes publiques (Ord n° 2020-306, art. 12) prendra fin le 30 juin 2020 inclus. Toutes les procédures organisées après cette date devront revenir aux modalités de droit commun.
Les enquêtes démarrées entre le 12 mars et le 23 juin inclus qui ne seraient pas encore achevées peuvent en revanche se poursuivre selon la voie dématérialisée. L’autorité compétente pourra toutefois décider de revenir au droit commun pour la durée de l’enquête restant à courir.
23 juillet pour les délais de procédure
On connaît désormais la date que devront respecter les actes, recours, actions en justice, formalités, inscriptions, déclarations, notifications ou publications prescrits par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit, et qui auraient dû être accomplis à compter du 12 mars (Ord. n° 2020-306, art. 2). La suspension prendra fin le 23 juillet (23 mai + 2 mois). Une fois cette date passée, les actes et formalités devront à nouveau être accomplis dans les délais pour ne pas être considérés comme tardifs.
23 août pour les procédures de contrôle fiscal et les reconductions de contrat
Pour les contrats qui devaient être résiliés à compter du 12 mars ou ceux renouvelés tacitement depuis cette date, la suspension est prolongée jusqu’au 23 août inclus (23 juin + 2 mois).Par ailleurs, le mécanisme de report des contrôles de l’administration fiscale non achevés au 12 mars 2020 ou nés après cette date est prolongé. La suspension des délais perdurera jusqu’au 23 août 2020 inclus, ce qui laisse aux contribuables un peu plus d’un mois après le nouveau terme de l’état d’urgence sanitaire pour s’adapter.
Les délais concernés portent notamment sur la durée des opérations sur place pour les PME ou le délai dont dispose le contribuable pour présenter ses observations suite à l’envoi d’une proposition de rectification (Ord n° 2020-306, art. 10). Les procédures de rescrits n’en bénéficient pas : la suspension des délais s’arrêtera le 23 juin 2020 à minuit.
23 septembre pour les mesures administratives et juridictionnelles
Le dispositif de report de certaines mesures administratives et juridictionnelles telles les autorisations, permis et agréments ou les mesures conservatoires, d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction (Ord n° 2020-306, art. 3) ne suivra pas le même rythme que le régime général.
Les mesures venant à échéance entre le 12 mars et le 23 juin sont désormais prorogées pour 3 mois, soit jusqu’au 23 septembre inclus. Si l’Ordonnance avait été laissée en l’état, le délai aurait expiré au 23 août (date de fin du report + 2 mois), une date bien mal choisie pour accomplir les formalités nécessaires. Le report est donc passé à 3 mois à compter du 23 juin.
Ord. n° 2020-560, 13 mai 2020, art. 1er : JO, 14 mai
Rapport au Président de la République, Ord. n° 2020-560, 13 mai 2020, art. 1er : JO, 14 mai
Ord. n° 2020-539, 7 mai 2020 : JO, 8 mai
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