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Nos voisins européens encouragent les petits élevages extensifs

Nos voisins européens encouragent les petits élevages extensifs

Six grands pays d'élevage de l'Union européenne ont dévoilé les principales orientations politiques prises dans le cadre de leur plan stratégique national (PSN), pour les filières lait et viande de ruminants.

La conférence “La Pac dans tous ses états”, coorganisée le 16 novembre 2022 à Paris par l’Institut de l’élevage (Idele) et la Confédération nationale de l’élevage (CNE), a été l’occasion de sonder les représentants des six plus grands pays producteurs de lait et de viande de ruminants de l’Union européenne (UE) sur leurs arbitrages nationaux pour la Pac 2023-2027.

Après une matinée de débat dédiée aux systèmes d’élevage français, la parole a été donnée aux Pays-Bas, à l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, l’Irlande et à la Pologne pour exposer les grandes lignes directrices fixées dans le cadre de leur plan stratégique national (PSN). Si le montant total alloué est assez similaire par rapport à la précédente Pac, la composition des aides connaît, elle, de nettes évolutions, avec l’arrivée des écorégimes notamment.

1- Pays-Bas : vers un équilibre entre nature et agriculture

Aux Pays-Bas, “les conditions de soutien sont très proches de la ligne de base de la législation européenne”, explique Martijn Weijten, conseiller aux affaires agricoles de l’ambassade des Pays-Bas en France. Un transfert du budget du 1er pilier vers le 2e pilier est prévu, jusqu’à 30 % sur cinq ans, représentant un fonds supplémentaire de 108 millions d’euros par an. L’État renforce en parallèle ses cofinancements nationaux pour accélérer sa transition vers des pratiques plus vertueuses.

S’agissant du paiement de base, la prime à l’hectare passera de 220 à 165 €/ha. À cela s’ajoute une redistribution de 54 €/ha pour les quarante premiers hectares.

Sur les écorégimes, le pays a fixé trois niveaux (bronze, argent et or), pour des montants d’aides allant de 60 à 200 €/ha. “Les agriculteurs pourront prétendre à un certain seuil en fonction des points qu’ils auront cumulés au travers de vingt-deux éco-activités ciblées sur la préservation du climat, de l’eau et de la biodiversité”, indique Martijn Weijten. L’État souhaite que 70 % de la surface agricole utile (SAU) puisse émarger aux écorégimes d’ici à 2027.

2- Espagne : soutien aux systèmes les plus durables

En Espagne, “le budget de la Pac sera alloué aux différents types d’interventions (aides directes, interventions sectorielles, développement rural) sans effectuer de transfert entre les deux piliers”, indique Miguel Angel Riesgo Pablo, conseiller pour l’agriculture à l’ambassade d’Espagne en France.

Parmi les nouveautés, le gouvernement a acté la mise en œuvre du paiement redistributif sur les premiers hectares, favorisant ainsi les petites et moyennes structures.

Les écorégimes pèseront pour 23 % du budget des aides directes. “C’est l’engagement de mettre en œuvre une pratique agricole plus ambitieuse sur le plan environnemental que la ligne de base que représente la conditionnalité”, relève le conseiller. Sept pratiques possibles ont été identifiées autour de l’élevage extensif, du fauchage durable et de la mise en place d’îlots de biodiversité, avec des montants unitaires allant de 40 à 62 €/ha.

Concernant l’aide de base au revenu, le niveau du paiement de base varie de 56 à 407 €/ha en fonction des régions agricoles – le pays en compte 20 – mais aussi au sein d’une même région selon le type de surface cultivée (terres arables non irriguées ou irriguées, cultures permanentes, pâturages permanents). La convergence des paiements de base se poursuit, pour atteindre 85 % d’ici à 2027.

Dans le cas des aides couplées à l’élevage, attribuées par tête de bétail, l’enveloppe a été revalorisée de 11,5 % fixant le montant total à 543 millions d’euros. “Les aides associées à ce secteur ciblent les filières ou les systèmes de production dont la compétitivité est la plus engagée en favorisant la durabilité des systèmes de production“, reprend Miguel Angel Riesgo Pablo. Par exemple, la production dite durable de lait de vache bénéficie d’une augmentation d’aides de 30 %. Dans les secteurs ovin et caprin, elle est de 17 %.

3- Italie : pour des progrès en santé animale

En Italie, les paiements de base représenteront 48 % du budget des aides découplées, contre 55 % auparavant. Le gouvernement s’est fixé d’atteindre une convergence de 85 % en 2026, avec une limitation des pertes à 30 % par exploitation.

Les écorégimes, qui représentent 25 % du budget, ont été classés selon cinq thématiques. Pour l’élevage, deux seuils ont été définis en lien avec la réduction de l’usage des antibiotiques et le bien-être animal. En bovins, l’aide passe ainsi d’une soixantaine d’euros à 240 €par an et par tête en fonction du niveau d’engagement des producteurs. Une autre thématique intitulée “systèmes fourragers extensifs” incite à introduire des légumineuses dans la rotation des cultures. Un montant annuel est établi autour de 110 €/ha.

Les paiements redistributifs (10 % du budget) font aussi leur apparition pour les 14 premiers hectares, ce qui bénéficiera principalement aux exploitations à la SAU inférieure à 50 ha.

Dans les aides couplées animales, la primeur est donnée aux systèmes laitiers engagés dans une démarche de progrès en santé animale (ClassyFarm), ou ceux situés en zone de montagne. En bovin viande, les animaux enregistrés dans les livres généalogiques ou inclus dans les plans de gestion de la race reçoivent un montant d’aide supérieur. Même logique pour les productions de jeunes bovins sous signes de qualité.

Pour Alberto Menghi, agroéconomiste au Centre de Recherche sur les Productions Animales (CRPA), les nouvelles orientations de la Pac sont déconnectées des réalités du commerce. “En suivant cette politique, on perd de vue l’objectif initial, qui est de vendre des produits de consommation à des prix abordables”, estime-t-il.

4- Allemagne : les écorégimes ne convainquent pas

Outre-Rhin, un transfert du 1er pilier vers le 2e pilier va s’opérer, à hauteur de 15 % d’ici à 2027. Par ailleurs, le paiement de base passera de 171 € à 156 € par hectare. Là encore, une part significative du budget total (23 %) sera consacrée aux écorégimes, avec une série de mesures incitatives en faveur de pratiques extensives.

“La baisse des paiements de base, qui sera difficilement comblée, crée une grande source de frustrations pour les agriculteurs, qui continuent de rendre les mêmes services”, confie Udo Hemmerling, secrétaire général adjoint du Deutscher Bauernverband, le principal syndicat agricole allemand. Ce nouveau système semble encore “moins attrayant pour les exploitations laitières et celles en système tout herbe”, reprend l’expert, qui craint une adhésion limitée aux écorégimes.

S’agissant des paiements redistributifs, une aide de 69 €/ha est attribuée pour les 40 premiers hectares, et une de 42 €/ha s’applique pour les 41 à 60 autres hectares.

Contrairement à la précédente Pac, une aide couplée a été ajoutée. Elle bénéficie aux vaches allaitantes, pour un montant moyen de 78 €/tête en 2023, et aux petits ruminants de plus de 10 mois (35 €/tête).

5- Irlande : un encouragement aux bonnes pratiques environnementales

Côté irlandais, aucun transfert de fonds n’est prévu entre les piliers. Le 1er pilier se compose à 61 % de l’aide de base au revenu, pour un montant moyen de 158 €/ha. Une convergence de 85% des droits à paiement est appliquée d’ici 2026.

Viennent en complément les paiements redistributifs, qui pèsent 10 % du budget annuel total. Un soutien de 43 €/ha est mis en place sur les 30 premiers hectares.

Les écorégimes (25 % du budget) se décomposent en une série de huit pratiques annuelles présentant des avantages environnementaux et applicables à tous types d’exploitations. “Les agriculteurs doivent au moins mettre en place deux actions pour bénéficier de l’aide”, rapporte Jerome Walsh, du ministère de l’agriculture irlandais. Le taux de paiement dépend de la participation : le montant va jusqu’à 66 €/ha si les 129 000 agriculteurs s’engagent. “Nous pensons que cette action sera assez populaire”, soutient-il.

Par ailleurs, l’Irlande, qui souhaite développer la production de protéagineux, prévoit un plan d’aide dédié à hauteur de 7 millions d’euros par an, représentant plus du double du montant annuel actuel.

Aucune aide couplée n’est allouée à l’élevage dans le 1er pilier, mais des soutiens financiers de type MAEC interviennent dans le 2e pilier si les éleveurs adhèrent aux programmes nationaux de réduction des émissions de carbone et pour le bien-être animal (BEA). “L’engagement de l’Irlande en faveur des bonnes pratiques environnementales et du BEA est souligné par le cofinancement national de 60 % supplémentaire pour abonder les fonds européens du 2e pilier”, précise Jerome Walsh.

6- Pologne : une logique encore très productiviste

“Au niveau du PSN polonais, dont la quatrième version a été validée le 31 août 2022, un transfert du 2e pilier vers le 1er (et non l’inverse) a été opéré à hauteur d’1,6 millions d’€, après un débat assez intense au sein de la population”, révèle Marie-Christine Le Gal, conseillère agricole à l’ambassade de France à Varsovie.

Ainsi, les aides directes comprennent un paiement de base autour de 118 €/ha et des paiements redistributifs de 40 €/ha pour les 30 premiers hectares, dans les exploitations agricoles de 1 à 300 hectares.

Par ailleurs, la Pologne maintient les aides couplées pour les productions de jeunes bovins (75 €/tête), vaches laitières (96 €/tête), ovins (26 €/tête) et caprins (11 €/tête).

Six écorégimes ont été définis et axés notamment sur les pratiques bas carbone et le bien-être animal, avec un système à points (1 point = 22 €). “Au-delà de 150 UGB, les aides sont stoppées et elles sont dégressives si la taille de cheptel augmente”, précise Marie-Christine Le Gal.

“Le gouvernement polonais affiche une ambition de fond de sortir de ce modèle agricole très productiviste, afin de mieux coller aux attentes des consommateurs. Les agriculteurs souhaitent aussi que leur production soit attractive et ce, sur d’autres aspects que le prix”, témoigne la spécialiste. Mais la Pologne peine à suivre les objectifs ambitieux fixés à l’échelle de l’Europe sur la réduction des produits phytosanitaires, des engrais ou encore des antibiotiques. “Le changement de paradigme semble d’autant plus difficile à l’heure où la guerre en Ukraine se poursuit et où des millions de personnes viennent trouver refuge sur le sol polonais”, ajoute-t-elle.

Site LaFranceAgricole – Actualités – 23/11/2022

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