La prochaine Pac s’appliquera pour cinq ans dès 2023. Au travail depuis 2018, les 27 États membres de l’Union européenne se sont mis d’accord le 28 juin 2021. Voici les nouvelles règles du jeu.
Enfin ! Vendredi 25 juin 2021, les représentants des trois institutions européennes (Conseil, Parlement et Commission), sont parvenus à un accord sur la prochaine Pac qui s’appliquera de 2023 à 2027. L’Accord a aussitôt été validé par le Conseil des ministres de l’Agriculture à une écrasante majorité le 28 juin 2021.
Cependant, il devra encore être voté en plénière par le Parlement à l’automne. Ce n’est pas trop tôt. Trois ans après la première proposition de la Commission européenne et après huit mois de négociations intenses à Bruxelles, il était temps de fixer les règles du jeu de la nouvelle Pac. Les États ont quelques mois pour les décliner sur leurs territoires, dans un plan national stratégique (PSN) à soumettre à la Commission avant la fin de l’année, pour une mise en œuvre au 1er janvier 2023.
Si les débats ont été si longs et parfois houleux, c’est qu’il fallait trouver le bon équilibre entre un virage écologique de l’agriculture, plébiscité par le Parlement et la Commission, et un pragmatisme défendu par les États, soucieux des réalités du terrain et des revenus de leurs agriculteurs. Toute la difficulté était donc de mettre le curseur sur l’ambition environnementale de la future Pac. Si le Conseil a obtenu gain de cause pour des flexibilités dans l’élaboration des PSN, le Parlement a tenu bon sur le droit des travailleurs agricoles, l’articulation avec le Pacte Vert et l’organisation commune des marchés.
La voie du verdissement
Finalement, cet accord « ouvre la voie à une Pac plus équitable, plus verte, plus respectueuse des animaux et plus souple », s’est félicitée la Commission européenne à l’issue des négociations. « C’est la réforme la plus ambitieuse depuis 1992. Cette nouvelle Pac est alignée sur le Pacte vert et intègre une nouvelle dimension sociale », a renchéri Norbert Lins (PPE, droite), négociateur au Parlement.
La future Pac est-elle vraiment plus verte ? Oui, selon les négociateurs, qui énumèrent la conditionnalité des aides renforcée (lire ci-dessous), un minimum de 35 % du deuxième pilier aux mesures environnementales et climatiques et, surtout, les fameux écorégimes. Ces nouvelles aides, qui rémunéreront des pratiques favorables à l’environnement, disposeront en moyenne de 25 % du premier pilier. Le Conseil (qui voulait un budget de 20 %) et le Parlement (qui voulait 30 %) ont fini par couper la poire en deux. Enfin, il y a cette promesse d’alignement des PSN aux objectifs du Pacte vert : la Commission sera chargée d’en examiner la conformité et la contribution. Une notion encore assez floue, car un PSN ne pourra être réellement retoqué qu’en cas de non-respect de la législation en matière environnementale et climatique. Si pour les États, la marche est déjà haute, pour plusieurs eurodéputés écologistes, cette réforme manque cruellement d’ambition environnementale.
L’accord concerne aussi le règlement sur l’Organisation commune des marchés (OCM). Son rapporteur, l’eurodéputé Éric Andrieu (Sociaux démocrates) ne regrette pas d’avoir mouillé la chemise : « C’est la première fois que la Pac se conclue par davantage de régulations que de dérégulation. » Non seulement les outils de gestion de crises seront plus simples à déclencher, mais aussi et surtout, explique-t-il, la Commission s’est engagée à mettre en place une législation spécifique sur les normes environnementales et sanitaires des produits importés. Un rapport d’audit a été promis d’ici juin 2022.
Autre avancée notable de cette réforme : la conditionnalité sociale obligatoire dès 2025. Ainsi, les autorités nationales vérifieront le bon respect du droit du travail et les contrevenants verront leurs aides Pac confisquées.
« Bon » pour la France
Très engagé dans les négociations, le ministre français de l’Agriculture, Julien Denormandie, a salué « un bon accord pour la France, et un bon accord pour l’Union européenne. Cette nouvelle Pac répond à une triple ambition : économique, environnementale et sociale. »
Il s’est même félicité : « Cet accord conforte les orientations que la France a défendues tout au long de cette négociation et permet la préparation du plan stratégique national conformément aux orientations annoncées le 21 mai. » Il n’aura donc pas à changer de cap et peut terminer les concertations avec les syndicats pour ficeler une première version du PSN français d’ici la fin de l’été.
Voici le détail des points clés qui ont été tranchés au niveau européen. Les arbitrages européens devront être respectés dans le plan stratégique national français.
Définition de l’agriculteur « actif »
Chaque État membre doit donner obligatoirement une définition des agriculteurs actifs (ou « véritables »), ayant un minimum d’activité agricole, qui pourront toucher les aides Pac.
Les critères à retenir sont en cours d’élaboration. Ils pourraient intégrer une limite d’âge, de revenu, de temps de travail agricole, de diplôme ou d’assurance professionnelle.
Ciblage des aides et convergence des paiements de base (DPB)
La convergence doit débuter dès 2023 pour atteindre 85 % au plus tard en 2026, avec un plafond individuel de pertes de 30 %. Le plafonnement des aides directes au-delà de 100 000 € et la dégressivité de 85 % au-delà de 60 000 € sont facultatifs.
Le ministre ne veut pas aller au-delà du niveau imposé par Bruxelles. La convergence, actuellement de 70 % se poursuivra jusqu’à 85 %.
Paiements redistributifs (PR)
Les États doivent consacrer 10 % du premier pilier aux paiements redistributifs ou pour des soutiens équivalents.
Maintien du PR avec une enveloppe de 10 % du premier pilier, pour les 52 premiers hectares (comme actuellement).
Ecorégimes
Ces nouvelles aides rémunéreront les pratiques favorables à l’environnement, allant au-delà de la conditionnalité.
25 % du budget du premier pilier devra leur être consacré. Mais pour 2023 et 2024, il sera possible de n’y consacrer que 20 %. En cas de sous-utilisation par rapport aux niveaux planchers, les États devront compenser avant la fin de la période par un renforcement des écorégimes sur les années suivantes ou par des investissements sur des mesures environnementales du 2e pilier (hors ICHN). Les États sont libres de définir leurs écorégimes.
Le ministre a annoncé des écorégimes « simples et accessibles à tous », avec deux niveaux de paiement (base et supérieur). Il reste à définir les critères pour trois voies d’accès aux écorégimes : les bonnes pratiques (maintien des prairies permanentes, interrangs enherbés, diversité des assolements avec intégration de légumineuses), la certification (bio, HVE et niveau 2 + à définir) et les infrastructures agroécologiques (IAE).
Aides couplées
Les États pourront affecter 13 % du budget du premier pilier pour les aides couplées et 2 % supplémentaires aux protéagineux.
L’enveloppe de 13 % + 2 % est maintenue au niveau actuel. Le ministre a déjà acté le doublement des aides aux protéines végétales, une nouvelle aide à l’UGB bovine, et une nouvelle aide aux petits producteurs de légumes et petits fruits.
Soutiens aux petits agriculteurs
Possibilité pour les États de proposer une aide forfaitaire ou à l’hectare pour les petits agriculteurs, plafonnée à 1 250 €.
Le ministre n’a pas retenu cette possibilité.
Soutiens à l’installation
Les États doivent consacrer 3 % du premier pilier aux jeunes via des mesures du premier ou du deuxième pilier. L’âge limite pour un jeune agriculteur doit se situer entre 35 ans et 40 ans.
Les soutiens passeront de 2 % à au moins 3 % pour financer le paiement additionnel, les aides à l’investissement, et les dotations pour les JA. La définition du jeune reste à préciser.
Gestion des risques
Les États sont libres de mettre en place des outils assurantiels. Indemnisation en cas de pertes supérieures à 20 % de production ou de revenu. Possibilité d’y consacrer 3 % du premier pilier.
Le ministre a choisi de renforcer les aides à l’assurance, avec un taux de subvention à 70 % et un seuil de déclenchement et franchise à 20 %.
MAEC (mesures agroenvironnementales et climatiques)
Les MAEC doivent rémunérer les pratiques allant au-delà de la conditionnalité et distinctes des écorégimes. Les MAEC forfaitaires sont possibles mais doivent être dûment justifiées.
La France a choisi de simplifier les MAEC. Le choix d’une MAEC « système transition », qui sera une aide forfaitaire à l’exploitation, pourra être défendu à Bruxelles.
BCAE 4 : Bandes tampons le long des cours d’eau
La règle est d’établir des bandes tampons le long des cours d’eau d’au minimum 3 mètres, sans apport d’engrais ni de pesticides.
BCAE 9 : Part des surfaces improductives
Les exploitations doivent retirer de la production au moins 4 % de leurs terres arables. Ce pourcentage peut être ramené à 3 % si au moins 7 % de la surface agricole utile est en dérobées et/ou en cultures fixatrices d’azote (sans utilisation de phytos). Les exploitations ayant plus de 75 % de la surface agricole utile en surfaces ou cultures fourragères et légumineuses, et celles de moins de 10 hectares sont dispensées.
BCAE 8 : Rotation des cultures
La rotation des cultures à la parcelle est la règle, mais des adaptations sont possibles. Ainsi, l’introduction de légumineuses dans la rotation et la diversification des cultures à l’échelle de l’exploitation pourront être autorisées si elles améliorent ou préservent les sols. Les exploitations ayant plus de 75 % de la surface agricole utile en surfaces fourragères et légumineuses, et celles de moins de 10 hectares sont dispensées. Les États peuvent fixer une surface maximale pour une culture afin de limiter la monoculture.
Site LaFranceAgricole – Actualités 01/07/2021