Un Arrêté du 17 mars 2023, paru au Journal Officiel du 21 mars 2023, applique la conditionnalité sociale de la Pac : à la suite d’une sanction de l’inspection du travail, un employeur agricole pourra perdre 1 à 5 % de ses aides Pac, selon les cas.
C’est une des nouveautés majeures de la conditionnalité de la Pac pour la période 2023-2027 : désormais, les employeurs agricoles pourront voir leurs aides réduites de 1 % à 5 %, selon les cas, après une sanction infligée par l’Inspection du travail. Cette « conditionnalité sociale de la Pac » vient donc ajouter des pénalités prises sur les aides Pac, à une condamnation administrative ou judiciaire.
Quels agriculteurs sont concernés ?
Les agriculteurs concernés sont ceux qui touchent des aides Pac et qui emploient du personnel, quel que soit le statut (CDI, CDD, saisonniers, apprentis). Sont inclus les agriculteurs qui emploient des stagiaires ou qui font appel à la délégation selon la réalité du lien de subordination telle que l’évalue l’inspecteur du travail (personnel prêté, prestation de service, détachement…). Si l’agriculteur ne touche pas d’aide Pac l’année du contrôle de l’inspection du travail, il ne sera pas concerné. Toutefois, s’il touche des aides Pac l’année du contrôle mais qu’il n’en touche plus l’année suivante, date de l’application effective de la réduction des aides, il n’échappera pas au mécanisme et devra rembourser le montant concerné.
Comment ça se passe ?
En pratique, l’inspection du travail effectue un contrôle chez un agriculteur de l’application du droit social. Ce contrôle est indépendant de ceux conduits par l’Agence de services et de paiement (ASP). Si son enquête aboutit à une décision exécutoire, c’est-à-dire une sanction administrative ou un procès-verbal ouvrant à des poursuites judiciaires, elle la notifie à l’ASP.
Les aides Pac sont alors réduites sur la base des versements en cours, mais la pénalité sera appliquée en année n + 1 voire n + 2. L’exploitant reçoit une lettre de fin d’instruction de la part de l’ASP. Il a la possibilité de contester la sanction sur ces aides Pac, par un recours administratif.
Quelles sont les pénalités ?
L’Arrêté du 17 mars 2023 donne une grille des cas de non-conformité en matière de conditionnalité sociale et le taux de réduction des aides en cas d’infraction et de récidive dans les trois ans. Selon les cas, les pénalités vont de 1 % à 5 % pour le premier constat. Ce taux est systématiquement triplé en cas de récidive.
Le premier taux de pénalité (1 %) concerne souvent des négligences administratives. Par exemple, ne pas avoir écrit une évaluation spécifique du risque chimique dans le Document unique d’évaluation des risques (DUER). La majorité des sanctions, celles au taux de pénalité de 3 %, sont liées à la conduite normale du personnel. Par exemple, ne pas avoir défini de moyen de prévention, de secours et de lutte contre les incendies, ou ne pas avoir informé les salariés des conditions d’utilisation des équipements de travail.
Enfin, les taux les plus élevés (5 %) ont trait à des fautes majeures : ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés ou encore ne pas avoir établi de DUER. La pénalité sur les aides Pac ne remplacera pas la sanction de la justice sociale ou administrative qui ne manquera pas d’arriver dans de tels cas.
Les différents taux de réductions sont cumulatifs mais le cumul des taux de réduction sera plafonné selon la gravité de l’anomalie.
La France fait-elle du zèle ?
La conditionnalité sociale des aides Pac résulte de la réforme de 2023 et de l’application, par l’Arrêté du 17 mars 2023, de trois directives anciennes. Les directives 89/391 et 2009/104 ont trait à la santé et la sécurité au travail. La France est volontaire pour contrôler leur application au titre de la conditionnalité de la Pac dès 2023 alors qu’à l’échelle de l’Union européenne cela ne sera obligatoire qu’à partir de 2025. L’Autriche et l’Italie appliqueront aussi ces directives de manière anticipée en 2023, l’Espagne et le Portugal pour 2024.
Enfin, la directive 2019/1152 incite à des conditions de travail transparentes et prévisibles. En clair, elle régit le contrat de travail en précisant, par exemple, son contenu ou ses délais pour le donner au salarié. La France ne peut pas l’intégrer au mécanisme de la conditionnalité sociale de la Pac dès 2023 parce qu’elle n’a pas apuré son attirail législatif en ce sens. Elle s’est engagée à l’appliquer en 2024.
L’application de ces directives n’est pas homogène en Europe : la fréquence et la sévérité des contrôles, les dates, les détails des points contrôlés, et les taux de réduction ne sont pas homogènes. Les taux ne sont pas fixés par les directives ou par le réglement 2021/2115 établissants les plans stratégiques de la Pac. Ce qui fait dire à la FNSEA que la conditionnalité sociale, telle qu’elle est appliquée, pourrait contenir son propre risque de distorsion de concurrence au sein de l’Union européenne.
La grille nationale des cas de non conformité et les sanctions
Points de contrôle | Non-conformités | Réduction au 1er constat | Réduction au 2ème constat sur trois ans | ||
Directive 89/391/CEE : mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la SST | |||||
Protection de la santé et de la sécurité au travail | Ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs | 5% | 15% | ||
Respect des principes généraux de prévention | Ne pas respecter les principes généraux de prévention | 5% | 15% | ||
Responsable de la prévention des risques professionnels | Ne pas avoir désigné de salarié compétent ou ne pas s’être appuyé sur une expertise extérieure, conformément aux dispositions légales, pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels (PRP) de l’entreprise | 1% | 3% | ||
Premiers secours, incendie | Ne pas avoir défini de moyens de prévention et de secours, et de lutte contre l’incendie | 3% | 9% | ||
Absence de signalisation par panneaux du matériel de premiers secours ou non-respect des mesures relatives au risques d’incendies et d’explosions et d’évacuation | 3% | 9% | |||
Danger grave et imminent | Non-respect du droit d’alerte et de retrait en cas de danger grave et imminent (DGI) | 3% | 9% | ||
Evaluation des risques | Ne pas avoir établi de DUERP ou ne pas avoir tenu le DUERP à la disposition des personnes concernées | 5% (non élaboration) ou 3% (non mise à disposition) | 15% ou 9% | ||
Absence d’évaluation spécifique du risque chimique | 1% | 3% | |||
Mesures de protection | Ne pas avoir déterminé les mesures de prévention | 1% | 3% | ||
Ne pas avoir déterminé les mesures de prévention spécifiques au risque chimique ou biologique ou électrique | 3% | 9% | |||
Accessibilité des informations (information des travailleurs sur les risques) | Ne pas avoir donné aux travailleurs et à leurs représentants l’accès aux informations prévues à l’article 35 du règlement (CE) n° 1907 / 2006 (REACH) | 3% | 9% | ||
Ne pas avoir fait bénéficier les stagiaires, CDD et TT affectés à des postes à risques particuliers de l’accueil et de l’information adaptés | 3% | 9% | |||
Ne pas avoir informé les travailleurs des conditions d’utilisation des équipements de travail | 3% | 9% | |||
Ne pas avoir tenu à disposition du CSE la documentation relative aux équipements de travail | 1% | 3% | |||
Consultation et participation des travailleurs | Ne pas avoir présenté les mesures du plan de prévention au CSE OU remis le programme de formation à la sécurité au CSE | 1% | 3% | ||
Information et formation des travailleurs | Ne pas avoir assuré une information et la formation des travailleurs en SST | 3% | 9% | ||
Ne pas avoir assuré une formation spécifique en fonction de certains risques / une formation renforcée pour les CDD et travailleurs temporaires | 3% | 9% | |||
Ne pas avoir assuré la formation SST des représentants des travailleurs | 1% | 3% | |||
Ne pas avoir formé les travailleurs chargés de l’utilisation et de la maintenance des équipements de travail | 3% | 9% | |||
Information et formation aux travailleurs externes | Ne pas avoir assuré l’information des travailleurs externes en matière de SST | 3% | 9% | ||
Ne pas avoir, s’agissant d’une installation mentionnée au code de l’environnement, formé les chefs d’entreprises extérieures et les travailleurs indépendants intervenants | 3% | 9% | |||
Directive 2009/104/CE : prescriptions minimales de SST des équipements de travail | |||||
Obligations générales | Ne pas avoir mis à la disposition des travailleurs des équipements de travail conformes | 3% | 9% | ||
Avoir fait travailler une femme enceinte avec marteau piqueur mû à l’air comprimé | 3% | 9% | |||
Avoir affecté des jeunes sur quadricycles et tracteurs agricoles | 3% | 9% | |||
Vérification des équipements de travail | Ne pas avoir procédé aux vérifications requises des équipements de travail | 3% | 9% | ||
Equipements présentant des risques spécifiques | Ne pas avoir informé les travailleurs des conditions d’utilisation et de maintenance des équipements de travail | 3% | 9% | ||
Ne pas avoir délivré d’autorisation de conduite | 3% | 9% | |||
Ne pas s’être assuré que les travailleurs ont reçu une formation concernant l’utilisation d’échafaudages | 3% | 9% | |||
Ne pas s’être assuré que les travailleurs ont reçu une formation concernant l’utilisation de cordes lors de travaux en hauteur | 3% | 9% | |||
Ergonomie et SST | Ne pas avoir pris en compte les principes ergonomiques | 1% | 3% | ||
Information des travailleurs | Ne pas avoir informé les travailleurs chargés de l’utilisation ou de la maintenance des équipements de travail | 3% | 9% | ||
Ne pas avoir tenu à disposition du CSE la documentation relative aux équipements de travail | 1% | 3% | |||
Formation des travailleurs | Ne pas avoir assuré de formation aux travailleurs en matière de SST | 3% | 9% | ||
Ne pas avoir assuré la formation des travailleurs à la conduite d’engins automoteurs | 3% | 9% |
Site LaFranceAgricole – Actualités – 21/03/2023