L’Union européenne cherche à encadrer les nouvelles techniques de sélection génomique. La question de la brevetabilité des végétaux qui en sont issus est au cœur des débats. L’Union française des semenciers (UFS) nous éclaire et partage sa position sur le sujet.
La brevetabilité des végétaux issus des nouvelles techniques génomiques (NGT ou NBT) anime les négociations sur le projet de règlement qui vise à encadrer l’usage de ces techniques sur le Vieux continent. Les députés européens se sont pour leur part accordés sur son interdiction. Le brevet reste à ce jour peu utilisé par les obtenteurs en Europe, où le COV, pour certificat d’obtention du végétal, est privilégié.
Pour l’UFS, l’Union française des semenciers, la cohabitation de ces deux systèmes de protection intellectuelle applicables à la sélection végétale est nécessaire pour « favoriser une protection efficace des innovations, sans bloquer l’accès au progrès ». Elle s’oppose donc à la non-brevetabilité demandée par les eurodéputés mais soutient plusieurs évolutions pour maintenir un bon équilibre entre brevet et COV.
Hausse possible du nombre de brevets avec les NBT
En Europe, une variété ne peut pas être protégée par un brevet, mais par un COV. Elle peut en revanche contenir des éléments brevetés, issus des biotechnologies, telle qu’une séquence modifiée du génome, comme l’expliquait le 5 juin 2024 Magali Pla, directrice propriété industrielle et intelligence technologique chez Limagrain, lors d’une « masterclass » organisée par l’UFS sur le sujet. La séquence en question doit alors satisfaire les critères de nouveauté et d’inventivité inhérents au brevet. Ainsi, « on peut s’attendre à ce que le nombre de brevets en Europe augmente si les NBT sont autorisées », signalait l’experte.
Dans certains pays européens dont la France, le brevet comprend, comme le COV, le principe de « l’exemption du sélectionneur ». Il permet à un autre semencier de s’appuyer sur une variété protégée par un COV pour sa recherche, sans autorisation et sans compensation. Pour le brevet, elle est dite « limitée » : « une variété commercialisée contenant un trait breveté peut être utilisée librement à des fins de sélection, mais devra faire l’objet d’un accord si la nouvelle variété contient toujours ce trait breveté », détaillait Magali Pla. L’UFS souligne qu’elle restera « vigilante quant à l’impact de plusieurs traits brevetés au sein d’une même variété qui pourrait mettre à mal ce principe », si l’usage des NBT et la brevetabilité des innovations qui en sont issues étaient autorisés.
Étude d’impact attendue pour 2025
Une étude d’impact de la brevetabilité des végétaux ou parties des végétaux issus des NBT, par la Commission européenne, est attendue pour juin 2025. Elle a été demandée par les eurodéputés qui s’inquiètent notamment des éventuelles conséquences de ces brevets sur l’accès des agriculteurs aux matériels de reproduction des végétaux. À ce sujet, l’UFS estime que les semenciers ont tout intérêt à proposer des prix « économiquement accessibles » pour rester compétitifs, notamment face à la semence de ferme. Cette dernière « est régie en Europe par les mêmes dispositions règlementaires pour le COV et le brevet.»
Si le Parlement s’est accordé sur une position commune, les membres du Conseil (qui représente les États membres) ne sont pas encore parvenus à faire de même. Sans accord de leur part, les négociations entre ces deux entités ne peuvent commencer. La Hongrie, qui assure la présidence tournante du Conseil depuis le 1er juillet, semble maintenir le sujet à son agenda, mais « plusieurs diplomates jugent faible la probabilité d’un accord » rapide, indiquait l’AFP le 27 juin.
Site LaFranceAgricole – Actualités 19/07/2024