Si l'engagement individuel de conservation des titres court à compter du terme de l'engagement collectif, la cession des titres par le donataire durant l'engagement collectif, même au profit d'un associé lié par cet engagement, rend impossible le respect de son engagement individuel.
La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, modifiée douze fois en 20 ans, a connu un vif succès puisqu’en 2018-2020, 2 000 pactes « Dutreil » par an ont été signés. Il faut bien comprendre l’enjeu qu’il représente s’agissant d’entreprises ayant une valeur importante car il réduit l’assiette des droits de mutation de 75 %. Cet avantage considérable est en quelque sorte compensé par des obligations dont l’application s’avère souvent complexe et dont on percevait depuis le début qu’elles pourraient s’avérer pleines de mauvaises surprises conduisant à la remise en cause de l’exonération. Un arrêt de la Cour de cassation illustre à nouveau ces difficultés.
Par acte sous seing privé en date du 12 octobre 2006, deux époux et une société E, actionnaires d’une société X, avaient pris l’engagement collectif pour eux et leurs ayants cause à titre gratuit, de conserver les actions de cette société durant 2 ans. Par acte notarié en date du 7 novembre 2006 les époux E avaient donné 21 actions de la société X à chacun de leurs deux enfants et cette donation avait bénéficié de l’exonération prévue par l’article 787 B du CGI. Par des actes de janvier et mai 2007 l’une des donataires avait vendu 20 des 21 actions reçues dans la donation à la société E qui avait cosigné l’engagement collectif.
L’administration avait notifié une proposition de rectification et à la suite émis un avis de recouvrement pour obtenir le paiement de 101 115 € au titre des droits de mutation à titre gratuit. La donataire ayant contesté cet avis, la cour d’appel avait fait droit à sa demande mais sur pourvoi de la Direction générale des finances publiques la Cour de cassation censure la décision.
L’article 787 B du CGI impose que la transmission ait lieu pendant la durée de l’engagement collectif, or tel avait été le cas puisque la donation avait eu lieu 1 mois après cet engagement pris pour 2 ans. Les donataires avaient alors pris l’engagement « individuel » de conserver les actions reçues pendant un délai qui était à l’époque de 6 ans. Il y avait donc dans ce cas deux engagements qui se superposaient et la doctrine administrative précise que dans ce cas l’engagement individuel de conservation pris par les donataires commence à courir à compter de la fin de l’engagement collectif de conservation. Dans le cas soumis, l’engagement collectif était toujours en cours au moment de la cession, or il est précisé que pendant la durée de l’engagement collectif des signataires peuvent effectuer entre eux des cessions. Par ailleurs, l’article 787 B i) du CGI admet la possibilité d’une donation pendant la durée de l’engagement individuel au profit d’un descendant. Dans le cas soumis, il n’y avait pas donation à un descendant mais cession à une société, et l’article 787 B i) du CGI ne pouvait donc s’appliquer.
Des termes de l’arrêt, il résulte d’ailleurs que ce texte n’était pas visé par l’arrêt d’appel qui s’en tenait apparemment à la disposition précédente qui visait la cession au profit d’un signataire de l’engagement collectif pendant la durée de celui-ci. Or dans le cas soumis, la société cessionnaire avait bien cette qualité. On aurait pu penser que dans la mesure où la durée de l’engagement individuel a pour point de départ la fin de la durée de l’engagement collectif, la cession avait eu lieu sous le régime prévu pendant cet engagement et qu’il ne remettait pas en cause l’exonération, mais la Cour de cassation, pour censurer l’arrêt d’appel, relève que l’engagement individuel s’oppose nécessairement, une fois la mutation à titre gratuit intervenue, à toute donation ou cession à titre onéreux, même si le bénéficiaire est membre de l’engagement collectif. Autrement dit, le donataire ou l’héritier est lié par son engagement individuel dès la donation ou le décès, même si sa durée se calcule à compter de la fin de l’engagement collectif.
Cass. com., 29 nov. 2023, n° 21-25.329, n° 771 B – Site EditionsLégislatives – Actualités 12/12/2023