Si la hausse des prix du gaz et de l'électricité n'a pas impacté pleinement les exploitations agricoles en 2022, l'année 2023 risque d'être plus critique. Tour d'horizon des aides mise en place par l'État pour les entreprises.
C’est un feu tricolore qui sera scruté de près cet hiver. Un feu rouge sur le site internet Ecowatt, ou sur l’application mobile, sera synonyme d’un risque de coupures “inévitables” d’électricité en cas d’absence de baisse de consommation dans la zone concernée. Non classées comme prioritaires, les exploitations agricoles ne seront pas épargnées par les mesures de délestage. Si la situation est tendue sur la disponibilité de l’énergie, elle l’est aussi sur son prix.
Difficile de suivre la cadence
L’attaque de l’Ukraine par la Russie n’est pas la seule cause de la hausse inédite des marchés du gaz et de l’électricité, alors que le gaz russe représentait plus de 40 % de l’approvisionnement européen. Après l’année 2020, la reprise économique, notamment en Asie, montrait déjà que les producteurs de gaz naturel avaient des difficultés à suivre la cadence.
Plusieurs phénomènes météorologiques se sont ensuite ajoutés pour expliquer les courbes toujours plus ascendantes des marchés. “En 2021, le manque de vent en Europe a engendré une baisse de la production éolienne. Et le manque d’eau en Amérique du Sud, puis en Europe en 2022, a diminué la production d’hydroélectricité “, constate le directeur d’Opera Energie, société de courtage en gaz et électricité pour les professionnels. L’expert cite aussi des “problèmes logistiques et techniques dans le golfe du Mexique, aux Pays-Bas et en Norvège”.
Pour continuer à répondre à la demande d’électricité, les fournisseurs devaient donc augmenter la production réalisée à partir de gaz naturel, ce qui a participé à accroître les besoins en gaz. “Aujourd’hui la demande est telle qu’ils doivent faire appel à tous les actifs de production disponibles pour la satisfaire : renouvelable, nucléaire, charbon et gaz dont le prix est actuellement supérieur au charbon”, ajoute-t-il.
Des craintes pour 2023/2024
La hausse du prix de l’électricité en France s’explique aussi par un autre phénomène. Couvrant normalement une partie importante de notre approvisionnement, notre parc nucléaire est loin d’être à sa pleine capacité. “Comme cette production nucléaire diminue de façon drastique, le marché doit, sans doute pour la première fois, gérer une situation qu’il ne sait pas bien gérer : la pénurie”, souligne le directeur d’Opera Energie. Mais ce n’est pas pour cet hiver qu’Opéra Energie a le plus de craintes.
Les risques de coupure “seront probablement plus élevés” pour l’hiver 2023-2024 en France, selon la société de courtage. La faute à un manque de terminaux de gaz liquéfié pour accueillir les méthaniers après leur périple en mer et aux difficultés d’EDF pour retrouver la pleine puissance de son parc nucléaire. Une situation qui devrait maintenir les prix à un niveau toujours haut.
De nombreux secteurs de l’agriculture sont concernés par une consommation importante d’électricité ou de gaz : les filières avicole et porcine, les irrigants, les unités de méthanisation, les ateliers de transformation, les productions sous serre, d’endives, ou encore celles qui nécessitent une mise en frigo des denrées telles que les pommes, etc. Mais toutes les exploitations ne sont pas touchées de la même manière par la hausse des tarifs de l’énergie. Certaines peuvent bénéficier du bouclier tarifaire mis en place par l’État dès 2022, d’autres encore, sont pour l’instant “protégées” par les contrats signés avec leur fournisseur.
Plusieurs aides
Les agriculteurs qui ont moins de 10 salariés, un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros et un compteur électrique de 36 kVA ou moins (tarifs réglementés bleu) bénéficient, comme toutes les TPE (très petites entreprises) et les particuliers, du bouclier tarifaire sur leurs factures d’électricité. L’augmentation des tarifs réglementés a été plafonnée en 2022 (+ 4 % au 1er février 2022) et le sera aussi en 2023 (+ 15 % au 1er février 2023).
Pour les entreprises qui ne peuvent pas bénéficier du bouclier tarifaire, un guichet d’aide au paiement des factures de gaz et d’électricité a été ouvert pour la période de mars à décembre 2022. Ce dernier concerne les dépenses d’énergie en électricité, gaz naturel et en achat de chaleur ou de froid depuis septembre 2022. Quatre périodes ont été définies pour le dépôt des demandes d’aide, avec des critères d’accès qui sont différents.
Hausses sur 2023
“Jusqu’à présent nous avons été très peu sollicités pour déposer des demandes pour l’aide gaz et électricité, observe un conseiller d’entreprise au Cerfrance Côtes-d’Armor. Tout d’abord parce que, pour la période de mars à août 2022, les critères d’accès à l’aide sont trop restrictifs. Ensuite parce que de nombreux agriculteurs sont couverts par le bouclier tarifaire, comme la plupart des producteurs de lait par exemple. Ou parce que leurs factures n’ont pas encore augmenté car ils possèdent un contrat d’achat d’électricité à prix fixe ou faiblement indexé, encore en cours.”
Ce conseiller s’attend à ce que les charges d’énergie, d’électricité et de gaz, des exploitations augmentent de manière plus importante en 2023 avec la fin de certains contrats (des offres groupées notamment) et l’obligation de les renégocier à de nouveaux tarifs.
Critères d’accès assouplis
“Pour la période de septembre à décembre 2022, les critères d’accès à l’aide gaz et électricité sont moins restrictifs “, poursuit le conseiller qui estime que davantage d’agriculteurs pourront en bénéficier.
À partir du 1er janvier 2023, une nouvelle aide sera mise en place, l’amortisseur électricité. Elle est destinée aux TPE (très petites entreprises) et aux PME (petites et moyennes entreprises) qui ne bénéficient pas du bouclier tarifaire. Ce dispositif permettra de prendre en charge 20 à 25 % de la facture totale d’électricité pour une entreprise, estime le ministère de l’Économie. Les fournisseurs d’électricité l’appliqueront directement sur la facture.
Le Ministre de l’Economie a aussi annoncé, le 8 décembre 2022, le maintien du guichet de l’aide gaz et électricité pour les entreprises qui, après avoir bénéficié de l’amortisseur électricité, seraient toujours éligibles à celle-ci.
Site LaFranceAgricole – Actualités 15/12/2022