Le Sénat adopte une loi sur la prévention des incendies qui entend reconnaître le rôle des agriculteurs dans la prévention des départs de feux.
Le Sénat a adopté en première lecture le 4 avril 2023 une loi pour remettre de l’ordre dans la prévention contre les incendies de forêts. Plus technique que lyrique, ce texte est assez consensuel pour assurer une présentation rapide devant l’Assemblée nationale avec le regard bienveillant du gouvernement. « Il s’agit de montrer aux propriétaires forestiers, aux riverains des forêts, aux élus locaux et aux associations de protection de l’environnement que nous sommes capables d’avancer ensemble pour faire face au changement climatique », salue Dominique Faure, la ministre en charge des Collectivités territoriales et de la Ruralité.
Et de renforcer le rôle des agriculteurs dans la prévention, pourrait ajouter le sénateur de la Haute-Saône, Olivier Rietmann, auteur de la loi et agriculteur lui-même. « Les agriculteurs ont fait preuve d’un dévouement remarquable en Gironde. Nous devons mettre à l’honneur leur rôle crucial dans la prévention », souligne-t-il.
Il rejoint ainsi un autre sénateur impliqué dans l’élaboration de cette loi, Jean Bacci, qui a fait ses calculs : « Un euro de prévention préserve vingt euros d’une forêt en feu », avance-t-il pour donner une mesure au concept de la « valeur du sauvé ».
Le travail de nuit
Le préfet pourra interdire certains travaux agricoles de jour, essentiellement la moisson, dans les zones et durant les périodes où le risque d’incendie est très sévère. Il devra toutefois le faire en lien avec les organisations professionnelles agricoles.
Dans ce cas, les exploitants concernés bénéficieraient d’une indemnisation à hauteur des coûts nets induits. Cependant, la loi renvoie à un futur arrêté les conditions de mise en œuvre de ce défraiement.
Les coupes tactiques
Le texte donne une assise juridique à une pratique mise en œuvre en urgence en 2022 dans la Gironde et les Landes pour la première fois depuis 1949, les coupes tactiques. « C’est un outil qui a montré son efficacité et qui est un changement majeur de notre doctrine opérationnelle », se réjouit Pascal Martin, sénateur de la Seine-Maritime.
Les coupes tactiques consistent à couper à ras la végétation pour sevrer l’incendie qdurant sa progression. Les services de secours peuvent prescrire de telles coupures à l’interface entre une terre agricole et une parcelle forestière.
Réduire les taxes de défrichement
Les sénatrices et sénateurs proposent de retirer de la définition du défrichement, et donc de ses obligations de reboisement ou de paiement des indemnités de défrichement, les parcelles où l’agriculteur a signé avec l’État un contrat de mise en valeur agricole ou pastorale à l’intérieur d’un plan de protection des forêts contre l’incendie.
Cette nouvelle possibilité s’ajoute à celles déjà listées depuis 2016 (remise en valeur de parcelles abandonnées, plantation d’oliveraies, de noyeraies, de chênes truffiers, de vergers à châtaignes, taillis à courte rotation).
Préemption des communes
La loi instaure un droit de préemption des communes en cas de vente d’une parcelle de bois dans les massifs forestiers stratégiques au regard de la défense des forêts contre les incendies.
La parcelle devra être administrée selon les règles du régime forestier. La sénatrice de la Côte d’Or Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission spéciale préalable à la loi, précise que ce droit, attendu par les communes forestières, devrait rester exceptionnel.
Informer par les documents d’urbanisme
Un ensemble d’articles favorisent la circulation de l’information sur les périmètres de protection contre les incendies, en particulier à travers les documents d’urbanisme comme les plans locaux d’urbanisme (PLU) ou les cartes locales.
Ces contraintes seront donc plus facilement accessibles aux acheteurs ou aux loueurs d’une parcelle concernée.
Pousser au déboisement
Parmi les mesures phares de la loi, figure un renforcement des obligations légales de débroussaillement, par exemple en majorant les sanctions en cas de non-respect ou en conditionnant la vente d’un terrain au respect de ces obligations.
Pour Olivier Rietmann, il s’agit d’un axe « essentiel », qui permet de « limiter les départs de feux, d’en diminuer l’intensité, la propagation, et de rendre les habitations mieux défendables ».
La question des moyens
Globalement, les sénateurs se sont félicités d’une loi qui améliore à chaque niveau l’efficacité de la lutte contre les feux de forêts. Au-delà des feux spectaculaires de l’été, le changement climatique incite à agir. Selon la mission de contrôle préalable à la loi, les surfaces brûlées en région méditerranéenne pourraient augmenter de 80 % d’ici à 2050.
Près de 50 % des landes et forêts métropolitaines pourraient être concernées par un risque incendie élevé, contre un tiers en 2010. La période à risque fort sera trois fois plus longue, avec des feux hivernaux qui devraient se multiplier. « Ce texte combat le risque à sa racine », résume le sénateur de la Drôme.
Mais plusieurs élus rappellent que la loi sera inefficace si elle n’est pas accompagnée de l’argent nécessaire. « L’état devra mettre les moyens », prévient la sénatrice de la Gironde. Et même, « à moyens constants, les acteurs ne pourront pas faire face parce que le dérèglement climatique s’accélère », renchérit le sénatrice de la Dordogne.
Site LaFranceAgricole – Actualités 06/04/2023