L’assemblée générale d’une SARL a été annulée car elle a été tenue par l’associé majoritaire sans tenir compte de la décision du gérant, associé minoritaire, de l’ajourner.
Un conflit apparaît entre les deux associés d’une société à responsabilité limitée (SARL). L’associé majoritaire, qui détient 95 % du capital social, demande au gérant, associé minoritaire, de réunir une assemblée pour étudier la situation de la société et sa gestion. Le gérant convoque cette assemblée pour le 31 mars 2021 mais il ajourne cette dernière en raison de la crise sanitaire, par lettre recommandée envoyée le 29 mars au soir. Prétendant ne pas avoir reçu cette lettre à temps, l’associé majoritaire tient l’assemblée à la date prévue. Au cours de cette assemblée, il décide de révoquer le gérant.
Un tribunal refuse d’annuler l’assemblée à la demande du gérant, jugeant que ce dernier avait commis un abus de pouvoir en ajournant l’assemblée, car l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2021 permettait la tenue d’une assemblée à distance pendant la crise sanitaire.
La cour d’appel de Paris infirme cette décision et annule l’assemblée litigieuse : la personne qui a convoqué une assemblée peut l’ajourner et aucune disposition n’impose de délai ni de motifs pour procéder à cet ajournement. Si les associés ont déjà été convoqués, la décision d’ajournement doit être portée à leur connaissance par les mêmes formalités. Ces derniers ne peuvent pas passer outre cette décision et se réunir à la date initialement fixée ; dans un tel cas, la nullité est encourue, à moins que tous les associés aient été présents ou représentés.
En l’espèce, la lettre recommandée avait été présentée le 31 mars avant l’heure de l’assemblée à l’associé majoritaire, qui ne l’avait pas réceptionnée. Ce dernier avait toutefois maintenu l’assemblée au mépris de l’ajournement. En outre, il n’avait pas respecté les statuts de la société imposant que toute assemblée soit présidée par le gérant.
A noter : L’arrêt commenté fournit une rare illustration de nullité pour violation d’une décision d’ajournement.
Une très ancienne décision avait retenu une solution similaire : elle avait jugé qu’était nulle l’assemblée d’une société anonyme (SA) qui avait été tenue par des actionnaires alors qu’elle avait été ajournée par le conseil d’administration sans nouvelle date de réunion. En effet, le conseil, qui avait seul qualité pour fixer la date de l’assemblée, avait la capacité exclusive pour la proroger ; en admettant que le conseil avait commis une faute en ne prenant pas les mesures pour que l’assemblée ordinaire ait lieu avant le 30 juin, les actionnaires n’avaient pas pour autant le droit de se constituer en assemblée. En outre, l’assemblée litigieuse s’était tenue en violation des statuts, qui imposaient qu’elle soit présidée par le président du conseil d’administration.
Plus récemment, a été annulée l’assemblée d’une société par actions simplifiée tenue en violation grossière d’une ordonnance du juge des référés qui l’avait ajournée.
Comme le rappelle la cour d’appel de Paris, l’assemblée de SARL tenue malgré son ajournement par le gérant échapperait à la nullité si tous les associés étaient présents ou représentés (C. com. art. L 223-27). Il en est de même dans les SA et les sociétés en commandite par actions.
CA Paris 12-9-2024 n° 22/02179, X c/ SARL Holding du Triangle d’Or
L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 19/11/2024