Entreprenez !
Nous nous occupons du reste.
Ordre des experts comptables
Un projet de loi pour protéger l’activité professionnelle des indépendants

Un projet de loi pour protéger l’activité professionnelle des indépendants

Le projet de loi « dédié » concrétisant une partie des mesures du plan de soutien aux indépendants a été présenté au conseil des ministres du 29 septembre. A retenir : la création d’un statut unique d’entrepreneur individuel et l’élargissement des conditions d’accès à l’ATI.

Le 16 septembre 2021, le chef de l’Etat présentait un plan d’action en faveur des travailleurs indépendants se déclinant en une vingtaine de dispositions fiscales, sociales et administratives. La plupart des mesures « sociales » sont intégrées dans le PLFSS pour 2022 et dans un projet de loi « dédié » en faveur de l’activité professionnelle indépendante.

Présenté en conseil des ministres le 29 septembre 2021, ce dernier vise principalement à créer un statut unique d’entrepreneur individuel et à sécuriser les parcours et les transitions professionnelles des travailleurs indépendants, notamment en élargissant les conditions d’éligibilité à l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) et en permettant l’ouverture de procédures de surendettement pour le traitement des dettes sociales de certains dirigeants de sociétés.

Faisant l’objet d’une procédure accélérée, ce projet de loi débutera son parcours législatif le 25 octobre au Sénat.

Un statut unique pour l’entrepreneur individuel, séparant les patrimoines privé et professionnel

Une définition précise de l’entrepreneur individuel ainsi que les caractéristiques de son statut seraient inscrites dans le Code de commerce aux nouveaux articles L 562-22 et suivants (Projet art. 1er).

Serait entrepreneur individuel la « personne physique qui exerce en nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ». Son patrimoine professionnel, constitué des biens, obligations et sûretés nécessaires à son activité, serait séparé de son patrimoine privé.

L’article 1er du projet de loi entrerait en vigueur à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de la publication de la loi au Journal officiel (Projet art. 14).

Les créances nées postérieurement à son entrée en vigueur seraient soumises aux nouvelles dispositions organisant la séparation des patrimoines privé et professionnel de l’entrepreneur individuel (Projet art. 14).

L’entrée en vigueur effective de ces dispositions nécessiterait toutefois l’adoption d’un décret devant définir les conditions de leur application.

– Les cotisations sociales ne pourraient être recouvrées que sur le patrimoine professionnel

Projet art. 1er et 3

La nature professionnelle des dettes de l’entrepreneur individuel envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales serait confirmée et inscrite dans un nouvel article L 562-22 du Code de commerce. Ces organismes ne pourraient donc poursuivre le recouvrement de leurs créances que sur le patrimoine professionnel de l’intéressé.

Toutefois, l’article 3 du projet de loi prévoit que les Urssaf et les CGSS puissent rechercher, sur le patrimoine professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel, le recouvrement des sommes suivantes :

– l’impôt sur le revenu dû par les auto-entrepreneurs (micro-entrepreneur relevant du régime micro-social) ;

– la CSG et la CRDS dues par l’intéressé.

L’article L 133-4-7 du CSS serait modifié en conséquence.

En outre, le droit de gage de ces organismes pourrait porter sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel :

– en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des prescriptions de la législation de la sécurité sociale, rendant impossible le recouvrement des cotisations et contributions sociales et des pénalités et majorations afférentes ;

– pour le recouvrement des sommes visées ci-dessus.

Ce principe serait inscrit dans un nouvel article L 562-23 du Code de commerce.

– Le régime de l’EIRL serait fermé

Projet art. 5

La création d’un statut unique d’entrepreneur individuel s’accompagnerait de la suppression du statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) (Projet art. 5 et 14).

Cette extinction du régime de l’EIRL devrait être progressive : à compter de l’entrée en vigueur de la loi, il serait en effet impossible de créer de nouvelles EIRL. Il serait également impossible, à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi, de transmettre, en cas de décès de l’entrepreneur individuel ayant opté pour ce régime, celles qui existent. Cependant, le régime de l’EIRL demeurerait en vigueur pour les actuelles EIRL.

A notre avis : Les règles relatives à l’assiette des cotisations dues par les travailleurs indépendants ayant opté pour ce statut devraient être maintenues pour les EIRL demeurant existantes.

Les conditions d’éligibilité à l’ATI seraient élargies

Projet art. 9

Aujourd’hui, l’ATI est ouverte aux travailleurs qui étaient indépendants au titre de leur dernière activité et (C. trav. art. L 5424-27, R 5424-70 et R 5424-71) :

– dont l’entreprise fait l’objet soit d’un jugement d’ouverture de liquidation judiciaire, soit d’une procédure de redressement judiciaire lorsque l’adoption du plan de redressement est subordonnée par le tribunal au remplacement du dirigeant ;

– justifiant d’une durée d’activité minimale ininterrompue de 2 ans ;

– justifiant être effectivement à la recherche d’un emploi ;

– dont l’activité indépendante a généré un revenu annuel moyen d’au moins 10 000 € sur les deux dernières années ;

– dont les ressources personnelles sont inférieures au montant mensuel du RSA pour une personne seule (soit 565,34 € en 2021).

Pour mémoire, le montant de l’ATI est égal à 26,30 € par jour (soit un montant forfaitaire de 800 € en moyenne par mois) et est versé pendant 182 jours calendaires (soit une durée d’indemnisation maximale de 6 mois) (C. trav. art. D 5424-74, 1o et D 5424-75).

 

 

– Un nouveau cas d’ouverture de droit serait créé

Afin de mieux protéger les travailleurs indépendants contre le risque de défaillance de leur entreprise, le projet de loi propose d’élargir les conditions d’éligibilité à l’ATI pour que les travailleurs indépendants involontairement privés de leur activité puissent bénéficier de l’allocation plus précocement, sans attendre qu’une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire soit engagée. Il s’agit de mieux sécuriser les transitions professionnelles des indépendants en améliorant le « filet de sécurité » existant (Etude d’impact p. 83).

L’accès à l’ATI serait ainsi ouvert aux travailleurs indépendants dont l’entreprise a fait l’objet d’une déclaration de cessation totale et définitive d’activité auprès soit du centre de formalités des entreprises compétent, soit de l’organisme unique mentionné à l’article L 123-33, al. 2 du Code de commerce, lorsque cette activité n’est pas économiquement viable. Le caractère non viable de l’activité serait attesté par un tiers de confiance désigné dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat.

Au plan formel, cette mesure serait inscrite dans un nouvel alinéa (3o) à l’article L 5424-27 du Code du travail.

S’agissant de la déclaration de cessation d’activité, le projet de loi intègre la réforme en cours des centres de formalités des entreprises (CFE). Rappelons en effet que l’article 1er de la loi 2019-486 du 22-5-2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a substitué aux différents réseaux de CFE un guichet unique électronique devant constituer l’interface entre les organismes actuellement destinataires des informations collectées par les CFE et les travailleurs indépendants (FRS 10/19 inf. 8 p. 24). Ce guichet unique, mis en place en 2021, entrera en vigueur au 1er janvier 2023. D’ici là, les CFE coexistent avec lui (Décret 2021-300 du 19-3-2021 art. 22 s.). En pratique, les travailleurs indépendants remplissant les conditions déclareraient la cessation d’activité de leur entreprise, jusqu’au 31 décembre 2022 auprès du CFE dont ils relèvent et, à compter du 1er janvier 2023, auprès de l’organisme unique mentionné à l’article L 122-33 du Code de commerce.

Les critères d’appréciation du caractère non viable de l’activité seraient fixés par décret en Conseil d’Etat.

Selon l’étude d’impact, le critère de non-viabilité économique serait apprécié en se fondant sur une baisse du revenu fiscal de l’indépendant de 30 % d’une année sur l’autre (Etude d’impact p. 45).

– Un délai de carence serait institué entre deux demandes d’ATI

Afin d’encadrer cette nouvelle ouverture de droit, le projet de loi prévoit qu’une même personne ne pourrait pas prétendre à l’ATI pendant une période de 5 ans à compter de la date à laquelle elle a cessé d’en bénéficier au titre d’une activité antérieure.

Au plan formel, cette disposition figurerait dans un nouvel article L 5424-29 du Code du travail.

– Entrée en vigueur

Ces dispositions entreraient en vigueur au plus tôt le 1er janvier 2022 ou, si la loi n’est pas publiée avant cette date, le premier jour du mois suivant sa publication (Etude d’impact p. 47). Il faudrait toutefois qu’à ces dates le décret d’application soit paru.

A noter : Le plan d’action en faveur des travailleurs indépendants prévoit d’autres aménagements afin d’améliorer l’accès à l’ATI. Il en est ainsi de l’assouplissement de la condition de revenu minimum qui devrait être mise en œuvre par décret en 2022. A compter de cette date, le travailleur indépendant n’aurait plus à justifier que de revenus antérieurs d’activité égaux ou supérieurs à 10 000 € minimum sur l’une des deux dernières années d’activité non salariée (et non plus comme aujourd’hui à 10 000 € par an les 2 années précédentes).

Une mesure pour le traitement des dettes sociales des gérants majoritaires de SARL

Projet art. 8

Les conditions de recevabilité d’une demande pour le traitement d’une situation de surendettement d’un particulier seraient modifiées afin que cette situation puisse être caractérisée, non seulement pour des dettes personnelles, mais aussi pour des dettes professionnelles de l’intéressé.

Sur le plan formel, cette mesure, inscrite à l’article 8 du projet de loi, conduirait à une modification des articles L 711-1 et L 711-2 du Code de la consommation.

Selon le dossier de presse du plan d’action en faveur des indépendants et l’étude d’impact du projet de loi, cette mesure permettrait, dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel, l’effacement de la dette personnelle de cotisations sociales dues par le gérant majoritaire d’une société à responsabilité limitée (SARL) même si cette dette constitue l’unique passif de l’intéressé.

Les travailleurs indépendants qui exercent leur activité professionnelle en leur nom propre peuvent faire l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Tel est le cas notamment des entrepreneurs individuels, des associés de sociétés en nom collectif (SNC) ou des associés commandités des sociétés en commandite simple ou par action. Contrairement à ces travailleurs indépendants, les gérants majoritaires de SARL, qui agissent au nom de la société et non en leur nom personnel, ne peuvent pas faire l’objet d’une procédure.

Or, ils sont, comme les autres travailleurs indépendants, personnellement redevables du paiement de leurs cotisations et contributions sociales auprès des organismes sociaux même s’ils exercent leur activité en société (Cass 2e civ. 26-5-2016 no 15-17.272 F-PB : RJS 8-9/16 no 596).

Pour cette raison, leurs cotisations et contributions sociales constituent une dette personnelle ne pouvant pas entrer au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de leur société (Cass. soc. 4-3-1999 no 96-14.229 D : RJS 4/99 no 62).

Étant de nature professionnelle, cette dette personnelle ne pouvait pas faire l’objet d’un effacement dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel qui relève du dispositif du traitement du surendettement des particuliers (Avis Cass. 8-7-2016 no 1670005 : RJS 11/16 no 725).

L’article 39 de la loi 2020-734 du 17 juin 2020 a modifié l’article L 742-22 du Code de la consommation afin de permettre le traitement des dettes professionnelles dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel.

Toutefois, les conditions d’admission d’une demande de traitement du surendettement sont demeurées inchangées. Le surendettement demeure caractérisé « par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir » (C. consom. art. L 711-1).

Ainsi, le gérant majoritaire de SARL ne peut pas solliciter le traitement de sa situation de surendettement si son passif est exclusivement de nature professionnelle. Il se trouve ainsi privé de toute solution de traitement de ses dettes professionnelles.

A notre avis : Le dossier de presse du plan d’action en faveur des travailleurs indépendants ainsi que l’exposé des motifs du projet de loi évoquent seulement la situation du gérant majoritaire de SARL. Toutefois, cette mesure bénéficierait également aux autres travailleurs indépendants privés de la possibilité de faire l’objet d’une procédure collective, notamment aux associés de sociétés civiles professionnelles ou d’exercice libéra.

En l’absence de dispositions contraires, ces mesures entreraient en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

Le circuit financier de la formation professionnelle des indépendants serait simplifié

Projet art. 10

En vertu de l’article L 6312-2 du Code du travail, les travailleurs indépendants bénéficient personnellement d’un droit à la formation professionnelle qu’ils peuvent utiliser, notamment, dans le cadre de leur compte personnel de formation (CPF) ou du conseil en évolution professionnelle (CEP). A cet effet, ils sont soumis à des contributions financières.

A l’heure actuelle, ces contributions sont recouvrées par les organismes sociaux (Urssaf, caisse de la MSA ou CGSS) qui les reversent ensuite au fonds d’assurance formation (Faf) compétent dans le secteur d’activité en vue de financer toutes les actions de formation de leurs indépendants. A ce stade, les Faf sont les suivants :

– le Fafcea et les 18 conseils de formation au sein des chambres régionales des métiers et de l’artisanat (Faf des CMAR) pour les artisans ;

– l’Agefice pour les commerçants ;

– le FIF-PL pour les professions libérales (hors médecins) ;

– le FAF-PM pour les médecins ;

– le Vivea pour les exploitants agricoles ;

– la section dédiée de l’opérateur de compétences (Opco) du secteur agricole (Ocapiat) pour les marins pêcheurs ;

– la section dédiée de l’Opco des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, de la communication, des télécommunications, du sport, du tourisme, des loisirs et du divertissement (Afdas) pour les artistes- auteurs.

L’article 10 du projet de loi contient deux mesures de simplification et d’harmonisation en la matière : fusionner les Faf dans le secteur de l’artisanat et harmoniser le circuit financier de la formation de tous les indépendants.

En premier lieu, le projet propose de fusionner, à compter du 1er janvier 2023 (Projet art. 14, III), les deux Faf compétents dans le secteur de l’artisanat. Ainsi, le Fafcea (en charge du financement des formations « métiers ») et les Faf des CMAR (en charge du financement des formations transversales et non techniques) deviendraient un seul et unique Faf de droit commun visé à l’article L 6332-9 du Code du travail.

Sans impact financier, cette fusion poursuivrait l’objectif de simplifier les démarches de l’artisan qui n’aurait plus qu’un seul interlocuteur pour toute demande de financement de formation, qu’elle soit technique ou transversale.

A noter : Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, il a été envisagé de regrouper l’ensemble des Faf des travailleurs indépendants dans un Faf unique. Une autre solution a été étudiée : créer des sections dédiées au sein des Opco compétents dans les secteurs concernés, comme c’est déjà le cas pour les marins pêcheurs et les artistes auteurs. Finalement, il a été décidé de procéder à l’étape préalable prévue par le présent projet avant de poursuivre toute réflexion sur une modification en profondeur du réseau des FAF.

Le projet de loi prévoit également d’harmoniser, pour tous les indépendants, le circuit des fonds de la formation professionnelle en s’inspirant du système de reversement et d’affectation applicable dans les entreprises.

Ainsi, l’ensemble des contributions collectées auprès des indépendants par les organismes sociaux seraient reversées à France compétences puis affectées par celui-ci aux opérateurs en charge du financement de la formation professionnelle, à savoir :

– la caisse des dépôts et consignations pour le CPF ;

– les opérateurs habilités pour le CEP ;

– les Faf pour les autres actions de formation.

Cette mesure entrerait en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la loi, et au plus tôt le 1er janvier 2022 pour les contributions dues à compter de cette date. S’agissant en particulier des artisans, il serait prévu, jusqu’au 31 décembre 2022, que France compétences reverse les fonds collectés au Fafcea, à charge pour lui de verser aux Faf des CMAR la fraction qui leur revient (Projet art. 14, III).

Projet de loi n° 869 – L’@ctualité en ligne, www efl.fr 07/10/2021

Newsletter

Recevez les dernières informations juridiques, fiscales, économiques et sociales directement dans votre messagerie !

Conditions générales et politique de confidentialité

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription est confirmée.