La disparition de l'utilité du chemin ou d'une portion de celui-ci pour l'un des propriétaires riverains n'est pas de nature à le priver du droit d'usage qui lui est conféré par la loi.
Les chemins d’exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils ne peuvent être supprimés que du consentement de tous les propriétaires qui ont le droit de s’en servir.
Ces voies de communication rurales et privées, affectées à l’usage commun de tous les propriétaires riverains, obéissent à un régime juridique particulier, différent, sur plusieurs points, de celui applicable aux servitudes, et en particulier à la servitude légale de passage pour cause d’enclave. Ainsi, notamment, la qualification de chemin d’exploitation n’est-elle pas subordonnée à l’absence de desserte suffisante des immeubles concernés.
Malgré tout, selon la jurisprudence, la qualification de chemin d’exploitation nécessite que le chemin présente, pour le demandeur, un intérêt ou une utilité, qui sont caractérisés par le simple fait que le chemin dessert les parcelles riveraines lui appartenant. Aussi, pourrait-on se demander si l’usage du chemin peut encore être revendiqué lorsque son intérêt a disparu pour l’un au moins des riverains. C’est la question qui était posée à la Cour de cassation.
En l’espèce, les propriétaires d’un immeuble desservi par un chemin ont assigné leurs voisins en remise en état de la portion d’un chemin d’exploitation appartenant à ces derniers, sur laquelle ils avaient implanté des piquets et une clôture, obstruant le passage. Bien qu’ayant retenu la qualification de chemin d’exploitation, les juges du fond avaient cru pouvoir rejeter leur demande, en retenant qu’ils pouvaient accéder à leur fonds en empruntant la première portion du chemin d’exploitation, et en rejoignant ensuite les parcelles leur appartenant, contiguës entre elles. Les juges du fond ont également relevé que la commodité d’exploitation des vignes des demandeurs ne constituait pas une utilité suffisante, au sens de l’article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, pour justifier l’atteinte au droit de propriété des défendeurs, résultant de leur passage, et qu’il leur appartenait, lors de la replantation de leurs parcelles, d’adopter un sens de plantation des vignes permettant le passage des engins agricoles entre les parcelles contiguës leur appartenant.
Autrement dit, la disparition de l’utilité du chemin ou d’une portion de celui-ci pour l’un des propriétaires riverains n’est pas de nature à le priver du droit d’usage qui lui est conféré par la loi.
Ainsi motivée, la décision n’a pas échappé à la cassation. Elle est prononcée, sur le visa des articles L. 162-1 et L. 162-3 du code rural et de la pêche maritime. Selon la Cour de cassation en effet, ayant constaté l’existence d’un chemin d’exploitation, les juges du second degré ne pouvaient pas en refuser l’usage à l’un des propriétaires riverains, sans constater l’accord de tous pour sa suppression.
Car la faculté légale d’utilisation des chemins d’exploitation ne se perd pas par un défaut prolongé d’usage. Le simple fait qu’il ne présente plus de réelle utilité pour l’un des usagers n’autorise pas non plus sa suppression. Ainsi, le propriétaire d’un fonds traversé par un chemin d’exploitation ne peut-il se prévaloir de la cessation de l’état d’enclave d’un autre fonds desservi par ce chemin pour demander la suppression du droit de passage sur le chemin du propriétaire de ce fonds.
Cass. 3e civ., 12 sept. 2024, n° 23-15.391, n° 464 D – Site EditionsLégislatives 07/10/2024