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Un agriculteur condamné pour trouble anormal de voisinage

Un agriculteur condamné pour trouble anormal de voisinage

Un exploitant agricole a été condamné à indemniser les propriétaires d’habitations voisines car l’extension irrégulière de son élevage de bovins était à l’origine de troubles anormaux de voisinage.

Une exploitation agricole fait construire deux bâtiments pour agrandir son élevage de bovins. Les permis de construire sont annulés. Les propriétaires des habitations voisines se plaignent de troubles anormaux de voisinage en raison des bruits, des odeurs et de la présence d’insectes provenant de l’exploitation et réclament des dommages-intérêts à l’exploitant. L’exploitant fait valoir que les milieux naturels, les sons et les odeurs qui les caractérisent font partie du patrimoine commun de la nation (C. envir. art. L 110-1) et que la nature essentiellement rurale du lieu où il exerce son activité agricole traditionnelle d’élevage permet d’exclure l’anormalité des troubles allégués.

Ces arguments sont écartés et l’exploitant est condamné à verser des dommages-intérêts à ses voisins.

Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; l’article L 110-1 du Code de l’environnement, qui vise à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, concerne la protection des espaces, ressources et milieux naturels, il n’a ni pour objet ni pour effet d’exonérer les exploitants agricoles de la responsabilité qu’ils encourent lorsque les nuisances générées par leur exploitation excèdent, compte tenu de la situation des fonds, les inconvénients normaux du voisinage.

Les troubles étaient bien anormaux, au regard notamment de la situation des fonds concernés, et les nuisances en provenance de l’exploitation litigieuse excédaient, par leur nature, leur récurrence et leur intensité, les inconvénients normaux du voisinage :

– l’exploitant avait construit une stabulation avec une fosse sous caillebotis, dont la façade complète était ouverte sur l’extérieur ; le cheptel de l’exploitation était passé d’un maximum de 170 bovins à une moyenne de 250 ;

– la nouvelle stabulation se situait à une distance comprise entre 21 et 96 mètres de 22 habitations ; en raison de cette proximité, les permis de construire avaient été annulés car de nature à porter atteinte à la salubrité publique, nonobstant la dérogation préfectorale obtenue par l’exploitant ;

– la preuve était apportée des troubles allégués, consistant, après la modification importante des conditions d’exploitation résultant de l’augmentation du cheptel et de la localisation des nouveaux bâtiments, en des odeurs nauséabondes, des bruits d’animaux, de machines, et aussi en la présence envahissante d’insectes ;

– si la commune où était située l’exploitation n’était pas une métropole urbaine, les propriétés respectives des parties, à usage d’habitation, n’étaient pas isolées en pleine campagne mais situées en zone UA du plan local d’urbanisme (zone urbaine ancienne d’habitat et de services) ; les bâtiments agricoles litigieux se situaient en zone urbaine du village, correspondant au noyau ancien de la commune, au sein de laquelle sont en principe interdites les constructions et installations dont la présence est incompatible avec la vie de quartier en raison des nuisances occasionnées notamment par le bruit et les émanations d’odeurs ou de poussière.

A noter : L’interdiction de causer à autrui des troubles anormaux de voisinage résulte d’une jurisprudence constante ; son non-respect engage la responsabilité civile extracontractuelle de l’auteur du trouble, indépendamment de toute faute commise par celui-ci. Ainsi, la non-conformité à la réglementation d’un élevage industriel de bovins ne suffit pas, il faut en outre que les nuisances invoquées excèdent les troubles normaux de voisinage. Dans l’affaire commentée, si faute il y avait, elle était surtout le fait des pouvoirs publics qui avaient accordé les permis de construire et une dérogation aux règles de distance minimale d’implantation par rapport aux habitations.

Les juges du fond apprécient souverainement si le trouble invoqué excède les inconvénients normaux de voisinage mais ils doivent le faire de manière concrète au regard des faits et circonstances de l’espèce (cf. Cass. 2e civ. 18-6-1997 no 95-20.652 F-D), notamment en tentant compte du lieu d’implantation de l’exploitation incriminée. Mais, même en milieu rural, les nuisances causées par des animaux d’agrément (Cass. 2e civ. 11-9-2014 no 13-23.049) ou d’élevage peuvent constituer des troubles anormaux de voisinage.
En ce domaine, l’article L 110-1 du Code de l’environnement n’offre aucune protection aux exploitants agricoles. Ces derniers sont toutefois exonérés de responsabilité lorsque les plaignants se sont installés dans le voisinage après le début de l’exploitation et que celle-ci s’est poursuivie dans les mêmes conditions. L’exploitant agricole perd le bénéfice de cette exonération s’il augmente de manière significative son cheptel .

Cass. 3e civ. 7-12-2023 n° 22-22.137 FS-D, Sté Verschuere c/ X

L’@ctualité en ligne, www efl.fr 12/02/2024

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