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Transmission d’exploitation : quand l’apport à une EARL avec option pour le report d’imposition constitue un abus de droit

Transmission d’exploitation : quand l’apport à une EARL avec option pour le report d’imposition constitue un abus de droit

L'abus de droit est constitué dès lors que l'opération, en permettant l'articulation du régime de faveur de l'article 151 octies du CGI avec celui dont bénéficient les jeunes agriculteurs, avait pour seule finalité d'éluder l'impôt sur la plus-value.

L’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposable, l’acte constitutif d’un abus de droit, soit que cet acte a un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice de l’application littérale d’un texte ou d’une décision à l’encontre des objectifs poursuivis par ses auteurs, il n’a pu être inspiré par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si l’acte n’avait pas été passé ou réalisé, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à son activité réelle (LPF, art. 64).

En l’espèce, l’abus de droit est constitué par le fait de rechercher comme seule finalité de reporter, puis d’éluder l’impôt sur la plus-value, en dissimulant, en réalité, du fait de l’interposition d’une EARL, puis de l’apport en nature opéré par la suite, la mutation à titre onéreux de l’exploitation individuelle de l’exploitant.

Un exploitant exerce à titre individuel une activité d’élevage porcin jusqu’au 31 mai 2014. Il crée une EARL le 1er juin 2014 et plus d’un mois après, il apporte en nature à la société la totalité de son exploitation. Il exerce alors l’option pour le régime spécial des plus-values et des profits sur stocks défini à l’article 151 octies du CGI. Le 1er décembre 2014, il cède la totalité des parts sociales de l’EARL à son fils, éligible aux aides à l’installation, puis il démissionne de la gérance et prend sa retraite.

En 2017, l’EARL fait l’objet d’une vérification pour les trois exercices précédents qui donne lieu à une proposition de rectification remettant en cause l’application des dispositions de l’article 151 octies du CGI au motif que la constitution de l’EARL constitue un abus de droit au sens de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales. L’exploitant et son épouse déposent une réclamation préalable qui est rejetée le 5 juin 2019. Contestant les impositions supplémentaires, ils saisissent le tribunal administratif de Rennes qui rejette leur demande. Ils font appel devant la cour administrative d’appel de Nantes, qui repousse à nouveau leur requête pour les motifs suivants.

La cour relève que l’administration fiscale apporte la preuve d’éléments précis attestant du caractère fictif des actes en cause et de l’intention du contribuable d’éluder la charge fiscale normale. Elle constate que l’exploitant crée son EARL le 1er juin 2014, avec un apport en numéraire de 7 500 € avant de réaliser l’apport en nature de son exploitation pour une valeur de 372 870 €, portant le capital à 380 370 €. Parallèlement, son fils dépose son dossier de demande des aides à l’installation des jeunes agriculteurs qui lui sont accordées par une décision du 25 novembre 2014. Cinq jours après, l’exploitant cède à son fils qui s’installe l’intégralité des parts de l’EARL pour une valeur globale de 380 370 €. Lors de l’apport en nature à l’EARL, l’exploitant réalise une plus-value d’un montant de 123 817€.

À la suite de l’option exercée pour l’application des dispositions de l’article 151 octies du CGI, l’intégralité de ladite plus-value a été réintégrée dans le premier exercice de la société clos le 31 décembre 2014. Les juges constatent que, conformément aux dispositions prévues par l’article 73 B du CGI, l’EARL a pratiqué l’abattement accordé aux jeunes agriculteurs bénéficiaires des aides, soit 100 % pour l’exercice au cours duquel la décision d’octroi des aides est intervenue, permettant ainsi à l’EARL de bénéficier d’une exonération totale d’imposition. Ils remarquent enfin que l’exploitant, âgé de 62 ans, s’inscrivait dans une logique de cessation d’activité à très court terme, sans s’engager dans un quelconque projet de développement. Quant au fils, son intention de reprendre l’activité de son père n’était pas établie alors qu’il ressortait des documents du dossier le recrutement d’un salarié dès le projet initial. L’exploitant a perçu lors de la cession une somme de 160 370 € en consentant à son fils l’abandon du solde, soit 220 000 €, par acte de donation-partage du 16 mai 2015.

La cour conclut que cette opération caractérise un montage artificiel dénué de toute substance et élaboré sans autre finalité que de reporter, puis d’éluder l’impôt sur la plus-value, en dissimulant en réalité, du fait de l’interposition de la société puis de l’apport en nature opéré par la suite, la mutation à titre onéreux de l’entreprise individuelle du père exploitant. Elle confirme le jugement du tribunal administratif rejetant la demande de décharge en droits et pénalités de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu de l’exploitant. Le Conseil d’État, par une décision du 7 juin 2024, décide qu’aucun des moyens avancés par ce dernier et son épouse n’est de nature à permettre l’admission du pourvoi présenté devant lui.

CE, 7 juin 2024, n° 474375 – CAA Nantes, 17 mars 2023, n° 21NT02479

Site EditionsLégislatives 16/09/2024

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