La personne physique dirigeante d’une personne morale, elle-même dirigeante d’une SAS placée en liquidation judiciaire, ne peut pas voir sa responsabilité pour insuffisance d’actif engagée si elle n’a pas la qualité de représentant permanent.
La responsabilité pour insuffisance d’actif, encourue sur le fondement de l’article L 651-2 du Code de commerce, est applicable aux personnes physiques représentants permanents des dirigeants personnes morales (art. L 651-1).
Lorsqu’une société par actions simplifiée (SAS) est dirigée par une personne morale qui a désigné un représentant permanent conformément aux statuts de cette société, la personne physique dirigeant cette personne morale ne peut pas voir sa responsabilité pour insuffisance d’actif engagée si elle n’a pas également la qualité de représentant permanent.
La Cour de cassation a énoncé pour la première fois ce principe dans l’affaire suivante. Une SAS ayant pour président une société de droit suisse est mise en liquidation judiciaire. Le dirigeant personne physique de la société de droit suisse est condamné en responsabilité pour insuffisance d’actif par une cour d’appel aux motifs, d’une part, que l’article L 225-20 du Code de commerce, qui impose à l’administrateur personne morale d’une société anonyme de désigner un représentant permanent, ne s’applique pas à la SAS et, d’autre part, que le dirigeant personne physique de la société dirigeante ne peut qu’avoir également la qualité de dirigeant de droit de la SAS, en application de l’article L 227-7 du même Code, selon lequel les dirigeants de la personne morale dirigeante d’une SAS encourent les mêmes responsabilités que s’ils étaient dirigeants en leur nom propre.
La Haute Juridiction casse la décision, faute pour les juges du fond d’avoir vérifié, comme il le leur était demandé, si la SAS n’avait pas stipulé dans ses statuts que sa présidente avait désigné une autre personne en qualité de représentant permanent.
à noter : Aucun texte n’impose aux personnes morales qui occupent les fonctions de président ou de dirigeant d’une SAS de désigner un représentant permanent, contrairement aux textes relatifs aux mandats d’administrateur et de membre du conseil de surveillance de société anonyme. La Cour de cassation admet cependant que les statuts d’une SAS puissent imposer une telle obligation.
Lorsqu’une SAS en liquidation judiciaire est dirigée par une personne morale, la responsabilité en cas d’insuffisance d’actif est encourue par le représentant légal de cette personne morale en l’absence de représentant permanent au sein de la SAS. Cette solution, qui va au-delà de la lettre de l’article L 651-1 du Code de commerce, est cependant conforme à l’objectif de ce texte qui est d’empêcher qu’une personne physique échappe à sa responsabilité en se dissimulant derrière l’écran de la personne morale dirigeante.
L’article L 651-1 prévoit la responsabilité pour insuffisance d’actif des représentants permanents des dirigeants personnes morales, sans distinguer selon que leur désignation est d’origine légale ou statutaire. Ainsi, si une personne morale dirigeante de SAS a désigné un représentant permanent conformément aux statuts de la société (comme c’était le cas en l’espèce), il ne fait aucun doute que ce représentant peut être condamné en comblement de passif.
Qu’en est-il si ce représentant permanent n’est pas le représentant légal de la SAS ? Ce dernier peut-il aussi être déclaré responsable ? Une lecture a contrario de l’arrêt précité du 13 décembre 2023 laissait penser que non, la Cour de cassation ayant précisé que la responsabilité pour insuffisance d’actif du représentant légal de la personne morale dirigeante pouvait être engagée « en l’absence d’obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent ». Cette interprétation est confirmée par la Haute Juridiction dans l’arrêt commenté : la désignation comme représentant permanent, en application d’une clause statutaire, d’une personne autre que le représentant légal exclut toute responsabilité pour insuffisance d’actif de ce dernier. A moins évidemment qu’il ne se soit comporté comme un dirigeant de fait de la SAS.
Cass. com. 20-11-2024 n° 23-17.842 F-B – L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 11/12/2024