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Protection des personnes lors de l’épandage des produits phytopharmaceutiques : le nouveau dispositif à la loupe

Protection des personnes lors de l’épandage des produits phytopharmaceutiques : le nouveau dispositif à la loupe

La redéfinition des règles par décret et arrêté esquive toujours la question des substances suspectées d'être cancérogènes

En juillet 2021, le Conseil d’État avait donné six mois aux autorités gouvernementales pour remédier aux défaillances de la réglementation relative à la protection des riverains lors de l’utilisation des pesticides. Le respect – in extremis – du délai imparti ne met pas pour autant l’État à l’abri de nouveaux épisodes contentieux, d’ores et déjà annoncés par les associations environnementales. Un Décret et un Arrêté du 25 janvier 2022, publiés sans modification à l’issue de la consultation publique préalable, ont en effet été rédigés a minima ; ils confortent le dispositif très critiqué des chartes d’engagement sans définir les mesures de précaution attendues.

Plusieurs illégalités avaient été relevées en juillet 2021 à l’encontre du décret et de l’arrêté du 27 décembre 2019, eux-mêmes édictés à la suite d’une injonction.

La première était relative à l’insuffisance des modalités d’information des personnes susceptibles d’être exposées à l’épandage, lors de l’élaboration des chartes d’engagement et avant chaque utilisation des pesticides. Le décret s’était en effet borné à imposer une concertation avec les seuls représentants des personnes habitant à proximité des zones traitées, en violation du principe d’information et de participation du public. Malgré les impératifs européens, aucun des deux textes n’avait pris en considération les personnes autres que les riverains, pourtant susceptibles d’être présentes lors des épandages, et rien n’avait été prévu pour dispenser une information avant chaque pulvérisation.

Le Décret du 25 janvier 2022 soumet désormais l’approbation préfectorale des chartes d’engagement à une consultation préalable du public organisée selon les modalités de l’article L.123-19-1 du code de l’environnement et impose aux chartes d’engagement de prévoir des modalités d’information des résidents et personnes présentes à proximité des zones de traitement avant chaque utilisation des pesticides, mais sans donner de consignes précises, ce que ne fait pas non plus l’arrêté (C.rur., art. D. 253-46-1-5 et D. 253-46-1-2 mod. par D., art. 1er).

En conséquence, les chartes d’engagement existantes devront être complétées dans un délai de 6 mois, soit avant le 26 juillet 2022 (D., art.2), latence qui autorise de fait les pulvérisations de printemps dans les conditions antérieures. De façon notable, le mécanisme de la charte d’engagement est élargi aux usages non agricoles des pesticides : les gestionnaires d’infrastructures linéaires (voies ferrées notamment) pourront y avoir recours (C. rur., art. D. 253-46-1-4 nouv.).

Ces progrès substantiels risquent néanmoins d’être ruinés par l’absence de réaction législative : le paragraphe III de l’article L. 253-8 du code rural, dont l’inconstitutionnalité avait été constatée en mars 2021, est resté inchangé. L’incompétence négative alors relevée, faute pour le législateur d’avoir défini les conditions et limites de l’information et de la participation du public conformément à l’article 7 de la Charte de l’environnement, n’a pas disparu : le texte restreint toujours sommairement le champ de la concertation aux seuls habitants proches des zones de traitement. Dès lors, la remédiation réglementaire empiète de nouveau sur le champ législatif, illégalité déjà constatée par le juge administratif en juillet 2021.

La méconnaissance du principe de précaution par les dispositions réglementaires de 2019 reste également un argument pertinent à l’encontre de l’arrêté du 25 janvier 2022. S’agissant des produits dont la cancérogénicité, la mutagénicité ou la toxicité pour la reproduction est suspectée (dits « CMR2 »), les distances de protection de 10 mètres pour les cultures hautes et de 5 mètres pour les cultures basses avaient été jugées d’autant plus faibles qu’elles pouvaient au surplus être réduites à 5 et 3 mètres par les chartes d’engagement. Contre toute attente, ces règles n’ont pas été redéfinies, les autorités gouvernementales ayant de nouveau sollicité l’expertise de l’ANSES qui doit restituer un avis avant octobre 2022…. Cette prise de risque est d’autant plus surprenante que l’agence a déjà préconisé de retenir une distance minimale de 10 mètres au vu de la faiblesse méthodologique des études disponibles pour évaluer l’exposition au risque (ANSES, Avis, 14 juin 2019, n° 2019-SA-0020).

  1. n° 2022-62, 25 janv. 2022 : JO, 26 janv.

Arr. NOR : AGRG2202398A, 25 janv. 2022 : JO, 26 janv.

Site EditionsLégislatives 28/01/2022

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