Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, le prêt consenti par l’employeur à un salarié peut valablement prévoir le remboursement anticipé du prêt en cas de licenciement ou de démission. Au contraire, la 1e chambre civile de la Cour écarte une telle clause, qu’elle juge abusive.
Un salarié conclut avec son employeur un contrat de prêt pour l’acquisition d’un appartement. Le contrat de prêt contient une clause de déchéance de terme prévoyant le remboursement du prêt en cas de départ du salarié de l’une des sociétés du groupe pour quelque cause que ce soit, démission ou licenciement. L’employeur licencie le salarié et lui réclame le remboursement du solde du prêt.
La chambre sociale de la Cour de cassation juge que l’employeur pouvait se prévaloir de la clause de remboursement de prêt. La clause d’un prêt consenti par un employeur, selon laquelle le remboursement de ce prêt sera anticipé en cas de départ du salarié de l’entreprise, ne constitue pas une condition purement potestative de celui qui s’oblige au remboursement du prêt dès lors que l’anticipation de ce remboursement relève tant de l’initiative de l’employeur en cas de licenciement que de celle du salarié en cas de démission.
à noter : La chambre sociale confirme une solution ancienne, l’employeur pouvant se prévaloir d’une telle clause à condition que le licenciement ne soit pas abusif.
Ce n’est toutefois pas la solution retenue par la 1e chambre civile de la Haute Juridiction. Sur le fondement des dispositions du Code de la consommation, réputant non écrites les clauses abusives figurant dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels (art. L 212-1 et L 241-1), elle considère que la clause stipulant la résiliation de plein droit du prêt consenti par un employeur à un salarié en cas de rupture du contrat de travail est abusive car elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du salarié ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt. L’application de la réglementation sur les clauses abusives par la 1e chambre civile au contrat de prêt conclu entre l’employeur et le salarié est la conséquence d’une décision de la CJUE selon laquelle :
– le salarié concluant avec son entreprise un contrat de crédit, réservé à titre principal aux membres du personnel, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à des fins privées, doit être considéré comme un « consommateur » , au sens de l’article 2, b) de la directive 93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;
– l’entreprise doit être considérée comme un « professionnel » au sens de l’article 2, c) de la même directive lorsqu’elle conclut un tel contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale.
Dans l’affaire commentée, le salarié n’avait pas, semble-t-il, invoqué le caractère abusif de la clause de remboursement anticipé pour demander que son application soit écartée. Mais, même dans un tel cas, le juge doit écarter d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat (C. consom. art. R 632-1, al. 2). Et il doit relever d’office le caractère abusif d’une clause au regard d’un autre fondement que celui invoqué par le consommateur.
Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-17.878 F-D, D. c/ Sté Axa assistance France
L’@ctualité en ligne, www efl.fr 20/06/2024