La demande de salaire différé qui ne tend ni à liquider l'indivision ni à allotir le demandeur, n'a pas la même finalité que l'action en partage. L'interruption de la prescription est exclue.
Deux époux laissent à leur décès en 2002 et 2010, trois enfants. Deux mariés décèdent ultérieurement. Leur succèdent pour l’un son épouse donataire et l’universalité de ses biens meubles et immeubles, pour l’autre son épouse et ses 3 enfants. Ces derniers demandent lors des opérations de partage des successions des parents, le paiement d‘une créance de salaire différé due par la succession du père exploitant. L’action n’ayant pas été engagée dans les 5 ans du décès, l’épouse de l’autre fils, venant à ses droits, oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription.
La cour d’appel écarte la fin de non-recevoir. Elle retient que l’action en partage engagée par ce fils tend au même but que l’action en paiement d’un salaire différé : mettre fin à l’indivision en déterminant les droits respectifs des héritiers. Les juges du fond en déduisent, conformément à l’article 2241 du code civil, que l’action en versement d’un salaire différé est virtuellement comprise dans l’action en partage, de sorte que la prescription n’est pas acquise.
Cette décision est déconcertante et elle n’a aucune chance de prospérer. La créance de salaire différé a pour but de rémunérer le descendant qui a participé à la mise en valeur de l’exploitation familiale sans contrepartie. Le descendant exerce son droit après le décès du parent exploitant et au cours du règlement de la succession, le salaire différé s’ajoutant à ses droits successoraux. Mais le règlement du salaire différé peut intervenir du vivant de l’ascendant débiteur. Il peut remplir le descendant de ses droits à tout moment.
La première chambre civile fait table rase de la décision de la cour d’appel. La cassation est prononcée pour violation de l’article 2241 du code civil. A l’évidence, l’action en versement d’un salaire différé n’a pas la même finalité que l’action en partage. Elle ne tend ni à liquider l’indivision, ni à allotir son auteur.
Cass. 1er civ., 7 juil. 2021, n° 19-11.638, n° 508 F-B – Site EditionsLégislatives 26/07/2021