Les effets de l'insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, de sorte que la cessation de l'activité professionnelle de la personne précédemment immatriculée ne met pas fin, par elle-même, à ses effets.
La solution ici énoncée ne surprendra pas, même si elle est particulièrement bienvenue. La question soumise à la Cour de cassation portait une fois encore sur la portée de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale.
Toutefois, en l’espèce, le débiteur qui était un artisan, avait cessé son activité professionnelle le 5 décembre 2017, date à laquelle il avait été radié du répertoire des métiers. Neuf mois plus tard, le 4 septembre 2018, il est mis en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire le 2 octobre 2018. Le liquidateur obtient alors du juge-commissaire l’autorisation de vendre l’immeuble d’habitation appartenant à l’ancien artisan et à son épouse, constituant leur résidence principale.
La Cour de cassation rappelle tout d’abord que par application de l’article L. 526-1 du code de commerce, l’insaisissabilité de plein droit des droits de la personne immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de cette personne. Elle en déduit que les effets de l’insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits de ces créanciers ne sont pas éteints. Dès lors la cessation de l’activité professionnelle de la personne qui était immatriculée ne met pas fin à ses effets. Par voie de conséquence, l’arrêt d’appel qui a autorisé la vente de la résidence principale par le liquidateur est cassé pour violation du texte précité.
La solution ne surprend pas puisque dans un arrêt du 17 novembre 2021, la Cour de cassation avait déjà jugé que la cessation d’activité ne met pas fin par elle-même aux effets de la déclaration d’insaisissabilité. Certes, dans cet arrêt, il s’agissait d’une déclaration d’insaisissabilité, alors que dans l’arrêt ici commenté la résidence principale était insaisissable de plein droit par l’effet de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. Même s’il était peu douteux que la solution soit remise en cause sous le nouveau régime, l’affirmation de son maintien est bienvenue.
En outre, cette décision est dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation. Les créanciers dont la créance est née à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur n’ont aucun droit sur sa résidence principale, et il n’est aucune raison qu’à la faveur de la fin d’activité ou encore de la clôture de la procédure collective, la solution varie. Et il nous semble que cette solution ne devrait pas être remise en cause par la loi n° 2022-172 du 14 février 2022. Même lorsque la liquidation judiciaire de l’entrepreneur individuel appréhende les deux patrimoines, les créanciers dont la créance est née de l’activité professionnelle n’ont en principe aucun droit sur la résidence principale, sauf renonciation, ni pendant la procédure, ni après, ni après la cessation d’activité du débiteur. Et la solution est parfaitement conforme à l’esprit du dispositif de protection de la résidence principale de l’entrepreneur individuel.
Cass. com., 11 sept. 2024, n° 22-13.482, n° 517 B – Site EditionsLégislatives 01/10/2024