Quand l'absence de contrepartie fait obstacle à l'action en résiliation.
L’interdiction faite au preneur de sous louer les biens pris à bail rural (C. rur., art. L. 411-35) suppose qu’il existe une contrepartie à l’occupation, par un tiers, des terres ou bâtiments affermés, peu important que cette mise à disposition ne porte que sur une partie du fonds ou qu’elle ne soit pas de nature à compromettre la bonne exploitation de ce fonds (Cass. 3e civ., 14 nov. 2019, n° 18-12.170). Les réalités économiques de la filière hippique peuvent être source de difficultés dans la mise en oeuvre de ce grand principe du statut du fermage.
Dans le cadre d’un bail conclu pour l’exploitation d’une pension de chevaux, le preneur a mis le fonds à la disposition d’un tiers. A cette occasion, les propriétaires des chevaux hébergés ont signé un avenant au contrat de dépôt conclu avec le preneur, aux termes duquel il était précisé que le tiers, auto-entrepreneur, assurait désormais la « responsabilité » et l’entretien des animaux. Le bailleur a cherché, en vain, à obtenir la résiliation du bail rural. En effet, la cour d’appel a estimé que le tiers ne bénéficiait pas d’une sous-location dès lors que la preuve d’une contrepartie versée au preneur initial (bien que l’existence d’une dette du tiers vis-à-vis du preneur ait été relevée) n’était pas rapportée mais également en raison du fait que ce dernier demeurait bien le gérant de la pension de chevaux, ses clients ayant souhaité faire appel à un tiers pour assurer l’entretien quotidien des chevaux, en qualité de prestataire de service, certains le rémunérant directement.
En somme, si l’on comprend bien la décision, le preneur assumait l’hébergement et la mise à disposition des installations, alors que le tiers procédait à la nourriture et l’entretien des chevaux en pension. Il s’agit-là d’un équilibre fragile, lié à l’absence de contrepartie directe servie par le tiers au preneur initial, la renonciation à une recette ne pouvant lui être assimilée (Cass. civ. 3e, 4 nov. 2014, n° 13-18488). Sa fragilité tient également au fait que le simple gardiennage des équidés, sans assurer de « préparation en vue de leur exploitation », ne constitue pas une activité agricole, au sens de l’article L. 311-1 du code rural (Cass. civ. 3e, 13 mai 2009, no 08-16.421 : Bull. civ. III, no 105). Les praticiens sont invités à la prudence, ce d’autant plus que le Gouvernement a récemment indiqué qu’il n’envisage pas de favoriser la sous-location temporaire des boxes d’écuries assujettis au statut du fermage (Rép. min. n°31336 : JOAN Q. 3 nov. 2020, p. 7830).
CA Limoges, 19 oct. 2020, n° 19/00913
Site EditionsLégislatives 04/02/2021