Les députés de la majorité ont transmis à l’Assemblée nationale une proposition de loi comportant des mesures d’urgence pour renforcer le contrôle de l’accès au foncier via la cession de parts sociales.
Jean-Bernard Sempastous, député des Hautes-Pyrénées et de La République en Marche est à l’initiative de la proposition de loi pour accentuer le contrôle du foncier et mieux lutter contre le phénomène d’accaparementde. Sa recevabilité est actuellement examinée par les services de l’Assemblée nationale avant son dépôt définitif le mardi 9 février 2021 en fin de journée.
Le texte pourra évoluer au cours des débats parlementaires. En outre, le député socialiste Dominique Potier s’apprête lui aussi à déposer une autre proposition de loi sur le même sujet
1 – Pourquoi cette loi ?
Les motifs de la proposition de loi pointent du doigt le contournement des outils de régulation des marchés fonciers, la Safer en particulier, par certaines sociétés dont le nombre d’immatriculation augmente ces dernières années.
Un phénomène particulièrement mis en lumière en 2017 lorsqu’un investisseur chinois a pu acquérir des parts sociales lui permettant d’avoir la maîtrise de 2 600 hectares dans l’Indre et l’Allier au nez et à la barbe de la Safer. Cette dernière ne peut en effet agir sur le marché sociétaire que de manière limitée en exerçant son droit de préemption seulement lorsque l’intégralité des parts sociales d’une société agricole sont cédées.
Une mesure aisément contournée par certains par la cession de maximum 99 % des parts sociales. Un véritable « angle mort de la régulation » qui freine l’installation et la consolidation des exploitations et participe à la concentration excessive de foncier, selon les motifs de la proposition de loi. L’objectif de ce nouveau dispositif qui complète le contrôle des structures (l’autorisation d’exploiter notamment) est donc de « contrôler les agrandissements objectivement excessifs opérés sous couvert d’un cadre sociétaire ».
2 – Qui sera visé par ce nouveau contrôle ?
Toute personne physique ou morale (société notamment) qui devient titulaire de parts sociales d’une société détenant des terres agricoles rentrera dans le champ de ce nouveau dispositif si le mouvement de parts sociales le conduit à contrôler (en tant que propriétaire, locataire ou associé) une superficie dépassant le « seuil d’agrandissement excessif ». Cette personne rentrera également dans le champ de cette nouvelle régulation s’il dépasse déjà ce seuil avant la cession de parts sociales.
Cette superficie plancher déclenchant le contrôle sera fixée par le préfet de région en hectares, par région naturelle ou par territoire présentant une cohérence en matière agricole. Les modalités de cette fixation seront prévues par décret, mais ce seuil devra être compris entre une fois et trois fois la surface agricole utile régionale moyenne fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA).
Sont exemptées de ce contrôle les cessions de parts sociales réalisées à titre gratuit (donation et succession) et les acquisitions et de rétrocessions amiables réalisées par les Safer.
3 – Quelle procédure est prévue par la proposition de loi ?
La procédure devra être déclinée précisément par Décret notamment en ce qui concerne le délai pour obtenir une autorisation et le coût de la procédure. Jean-Bernard Sempastous évoquait la semaine dernière un délai de 6 mois et un montant de 200 €.
Dans les grandes lignes, la demande d’autorisation liée à ce nouveau dispositif sera fusionnée avec l’obligation déclarative préalable (DIA) déjà existante en matière de cession des parts sociales. Cette dernière obligation, datant de la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014, visait à offrir une transparence de ce marché aux yeux de la Safer.
Une fois la demande déposée, elle sera instruite par le comité technique départemental de la Safer qui devra rendre un avis et vérifier si le seuil d’agrandissement excessif est dépassé. La décision définitive d’autoriser la prise de participation dans la société reviendra au préfet qui aura la liberté de suivre ou non le conseil de la Safer.
Si le détenteur de parts sociales ne déclare pas sa prise de participation, il risquera de voir celle-ci annulée sur demande du préfet ou de la Safer.
4 – Que pourra décider le préfet ?
Le dépassement du seuil d’agrandissement excessif ne sera pas systématiquement synonyme de refus de la part du préfet. Il pourra autoriser le mouvement de parts sociales s’il considère qu’elle ne « porte pas une atteinte caractérisée à l’installation d’agriculteurs, à la consolidation d’exploitation et à la vitalité du territoire », selon les motifs de la proposition de loi.
Il pourra également l’autoriser si l’acquéreur de parts sociales accepte de « libérer une surface compensatoire, par vente ou bail rural à long terme soumis au statut du fermage, au profit d’un agriculteur en phase d’installation ou de consolidation ». Cet engagement ne pourra être pris que par l’intermédiaire de la Safer. L’objectif de la proposition de loi est de sécuriser cette vente ou location de terres par le respect d’un cahier des charges d’une durée pouvant aller de 10 à 30 ans.
Site LaFranceAgricole – Actualités 03/02/2021