La Cour de justice rappelle et précise les conditions strictes auxquelles les Etats membres de l’Union européenne sont soumis pour pouvoir imposer la mention d’une indication d’origine sur une denrée alimentaire.
Le règlement européen 1169/2011 du 25 octobre 2011, dit « règlement Inco », impose l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance (lieu dont provient la denrée mais qui n’est pas le pays d’origine) dans deux cas :
– l’absence de cette mention est susceptible d’induire en erreur le consommateur sur l’origine ou la provenance réelle de la denrée alimentaire ;
– il s’agit de viandes de volailles ou d’espèces porcine, ovine ou caprine.
Les Etats membres de l’Union européenne peuvent néanmoins adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires, pour certaines catégories de denrées alimentaires, lorsqu’elles sont justifiées par au moins une des raisons suivantes : la protection de la santé publique, la protection des consommateurs, la répression des tromperies, la protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d’origine enregistrées, et la répression de la concurrence déloyale.
En application de cette disposition, les Etats membres ne peuvent imposer l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance que s’il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance ; ils doivent prouver à la Commission européenne que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information.
Un producteur laitier a engagé un recours devant le Conseil d’Etat pour obtenir l’annulation du Décret 2016-1137 du 19 août 2016 imposant l’indication de l’origine française, européenne ou non européenne du lait.
Interrogée par voie de question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les conditions de validité d’un texte national imposant d’indiquer l’origine ou la provenance d’une denrée alimentaire.
La Cour considère que les deux exigences posées par le règlement Inco, à savoir l’existence d’un « lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance » et la preuve « que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information », doivent être appréhendées non pas de façon combinée mais successivement. La condition relative à la preuve ne doit être examinée que si le lien avéré est établi. En effet, l’appréciation de l’existence d’un tel lien doit être objective et ne pas tenir compte de l’association subjective qu’une majorité des consommateurs fait entre l’origine ou la provenance d’une denrée et certaines de ses propriétés.
La notion de « propriétés de la denrée » renvoie exclusivement aux propriétés qui sont liées à l’origine ou à la provenance d’une denrée donnée et qui distinguent, par conséquent, celle-ci des denrées similaires ayant une autre origine ou une autre provenance.
Tel n’est pas le cas de la capacité de résistance d’une denrée au transport et aux risques d’altération durant le trajet, si bien qu’une telle capacité ne peut pas intervenir pour apprécier l’existence d’un éventuel lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance.
A noter : Le Conseil d’Etat devra examiner la validité du décret de 2016 au regard de ces indications.
Cette décision permet de rappeler les conditions strictes auxquelles les Etats membres sont soumis pour pouvoir imposer la mention d’une indication d’origine sur une denrée alimentaire. En effet, même appliquée de manière indifférenciée aux denrées alimentaires nationales et importées, l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance est de nature à porter atteinte à la libre circulation des produits.
CJUE 1-10-2020 aff. 485/18, Groupe Lactalis c/ Premier ministre
L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 05/11/2020