Une option pour l'assimilation de l'entrepreneur individuel à une EURL ou à une EARL entraînant de plein droit son assujettissement à l'IS est créée.
L’article 13 de la loi de finances pour 2022 n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 (JO 31 déc.) anticipe les conséquences fiscales et sociales du nouveau statut unique de l’entrepreneur individuel prévu à l’article 1er du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante adopté en première lecture par le Sénat le 26 octobre 2021 et qui sera présenté en première lecture à l’Assemblée nationale en début d’année 2022.
A compter de l’entrée en vigueur de ce statut, l’entrepreneur individuel pourra, sans avoir à modifier son statut juridique, opter pour l’impôt sur les sociétés (IS) en optant pour son assimilation à une EURL ou, lorsque son activité est de nature agricole, à une EARL dont il sera l’associé unique.
Contexte de la mesure
L’article 1er du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante vise principalement à créer, dans le code de commerce, un statut unique d’entrepreneur individuel. Toute personne physique exerçant une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes (entrepreneurs individuels, y compris les auto-entrepreneurs), qu’elle qu’en soit la nature (commerciale, artisanale, libérale, agricole), bénéficiera automatiquement de la protection de son patrimoine personnel qui sera mis à l’abri de ses créanciers professionnels grâce au mécanisme juridique du patrimoine d’affectation.
Le patrimoine d’affectation permettra à l’entrepreneur individuel de séparer son patrimoine personnel de celui affecté à son activité professionnelle. Il devrait comprendre les biens, droits, obligations et sûretés utiles à l’activité professionnelle. La composition de chaque patrimoine devrait être précisée par un décret en Conseil d’État qui pourrait, notamment, comporter une présomption d’identité entre le patrimoine comptable de l’entrepreneur et son patrimoine professionnel.
Actuellement, l’entrepreneur individuel dispose de trois mécanismes pour protéger son patrimoine personnel :
– le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limité (EIRL) reposant lui aussi sur la création d’un patrimoine d’affectation ;
– la société unipersonnelle (EURL, EARL, SASU), personne morale dotée d’un patrimoine autonome, seul gage des créanciers sociaux ;
– la déclaration d’insaisissabilité prévue aux articles L. 526-1 et suivants du code de commerce permettant à l’entrepreneur individuel de protéger sa résidence principale et ses biens immobiliers non affectés à un usage professionnel.
Remarque : le nouveau statut juridique de l’entrepreneur individuel est largement inspiré de celui de l’EIRL qu’il conduit à généraliser, tout en offrant une plus grande simplicité de mise en œuvre. Le statut d’EIRL devrait corrélativement disparaître progressivement, la création de nouvelles EIRL devenant impossible à compter de l’entrée en vigueur de la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante (art. 5 du projet de loi).
Champ d’application de la mesure
L’article 13 de la loi vise à pallier la disparition de l’EIRL qui seule permettait jusqu’à présent à un entrepreneur individuel d’opter pour l’IS sans avoir besoin d’apporter son activité à une société soumise à cet impôt. Les dispositions de cet article sont très largement inspirées de celles s’appliquant aux EIRL.
Entrepreneurs concernés
L’article 13 de la loi modifie l’article 1655 sexies du CGI afin d’y insérer un nouveau paragraphe qui permet aux entrepreneurs individuels exerçant une activité imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles relevant de plein droit ou sur option d’un régime réel d’imposition (normal ou simplifié) d’opter pour leur assimilation au plan fiscal à une EURL (ou à une EARL).
Remarque : les entrepreneurs relevant du régime des microentreprises (micro-BIC, micro-BNC ou micro-BA : CGI, art. 50-0, 64 bis et 102 ter), y compris les auto-entrepreneurs, sont obligatoirement soumis à l’impôt sur le revenu. Ceux qui souhaitent être assujettis à l’IS doivent préalablement opter pour un régime réel d’imposition.
Modalités d’exercice de l’option pour l’assimilation à une EURL ou EARL
L’option pour l’assimilation, au plan fiscal, de l’entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL devra être exercée dans des conditions qui seront fixées par décret et qui devraient être assez proches de celles prévues pour l’exercice de l’option pour l’IS.
Cette option est irrévocable.
Remarque : l’option des EIRL pour leur assimilation à une EURL (ou EARL) doit être notifiée avant la fin du troisième mois au titre duquel l’entrepreneur souhaite cette assimilation (CGI, ann. III art. 350 bis).
Conséquences fiscales de l’option pour l’assimilation à une EURL ou EARL
L’article 13 de la loi prévoit que cette assimilation de l’entrepreneur à une EURL (ou à une EARL) vaut pour l’ensemble des dispositions du CGI et de ses annexes. Il dispense toutefois les entrepreneurs individuels exerçant l’option des formalités d’enregistrement prévues aux articles 635, 1, 5o et 638 A du CGI en cas de formation ou de transformation de société ou d’augmentation de capital.
Est également exclue l’application des dispositions de l’article 206, 2 du CGI qui prévoient que ne sont pas assujetties à l’IS les sociétés civiles agricoles qui se livrent accessoirement à des opérations commerciales.
L’exercice de l’option pour l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou EARL devrait entraîner les conséquences d’une cessation d’entreprise.
S’agissant de l’option d’une EIRL pour son assimilation à une EURL ou EARL, l’administration précise qu’elle emporte l’apport des biens du patrimoine de l’entreprise individuelle à celui de l’EURL ou de l’EARL et la cessation totale ou partielle des activités de l’entreprise. L’exploitant peut appliquer aux plus-values professionnelles dégagées à cette occasion les exonérations et abattements prévus aux articles 151 septies et 151 septies B du CGI ou opter pour le régime prévu à l’article 15 octies du CGI qui permet d’éviter l’imposition des plus-values d’apport.
La confirmation de l’administration sur la transposition de ces solutions en cas d’option de l’exploitant individuel pour l’assimilation à une EURL ou EARL est attendue avec intérêt.
En ce qui concerne les exploitants agricoles, l’article 75-0 C du CGI est aménagé afin de permettre son application en cas d’option de l’entrepreneur individuel pour son assimilation à une EARL.
Cet article prévoit que, en cas de cessation consécutive à des opérations entraînant un assujettissement à l’IS, le paiement de l’impôt sur le revenu afférent à certains revenus agricoles (déductions pour épargne de précaution, pour investissement et pour aléas non encore utilisées, etc.) peut, sur demande de l’exploitant, être étalé par cinquième sur l’année de la cessation et les quatre années suivantes.
Transfert de biens entre le patrimoine privé et le patrimoine professionnel
L’article 13 de la loi prévoit que, lorsque l’option est exercée, l’article 151 sexies du CGI s’applique aux biens utiles à l’exercice de l’activité professionnelle. Ainsi, le transfert des biens du patrimoine privé au patrimoine professionnel de l’exploitant bénéficiera du régime des « biens migrants » prévu à l’article 151 sexies du CGI qui permet de reporter l’imposition des plus-values jusqu’à la cession du bien. Lors de cette cession, l’entrepreneur individuel devra déterminer des plus-values distinctes soumises à des régimes fiscaux différents :
– une plus-value professionnelle, correspondant à la plus-value acquise par le bien depuis son affectation au patrimoine professionnel jusqu’au jour de sa cession ou de l’opération assimilée ;
– une ou plusieurs plus-values privées égales au montant des plus-values acquises par le bien pendant la ou les période(s) d’appartenance au patrimoine privé de l’entrepreneur.
Remarque : le retrait d’actif de biens (notamment ceux non utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur) et leur transfert dans le patrimoine personnel génèrent des plus ou moins-values, calculées par rapport à la valeur réelle des biens au jour du transfert.
Elles sont taxables selon le régime de droit commun des plus-values professionnelles, sauf exonérations ou abattements prévus aux articles 151 septies et 151 septies B du CGI.
Option pour l’assujettissement à l’IS
Il résulte du 3 de l’article 1655 sexies issu du présent article, que l’option pour l’assimilation à une EURL (ou à une EARL) entraîne de plein droit option pour l’assujettissement des bénéfices de l’entreprise individuelle à l’IS qui sera irrévocable au bout de cinq ans.
Si l’option est exercée, l’entrepreneur individuel sera assujetti aux obligations comptables nécessaires à l’établissement de l’IS.
En pratique, l’option pour l’assimilation à une EURL (ou à une EARL) présente un intérêt pour les entrepreneurs dont le taux moyen d’impôt sur le revenu excède celui de l’IS. Rappelons que, pour les PME dont le chiffre d’affaires n’excède pas 10 M€, le taux d’IS s’élève à 15 % à
L’assujettissement à l’IS permet également la déduction des salaires versés à l’entrepreneur et leur imposition à l’impôt sur le revenu selon les règles des traitements et salaires. En effet, l’entrepreneur individuel est alors assimilé à un gérant majoritaire de SARL dont la rémunération est imposée dans les conditions de l’article 62 du CGI.
Les bénéfices réinvestis dans l’entreprise ne seront pas imposés à l’impôt sur le revenu entre les mains de l’entrepreneur.
En revanche, les résultats appréhendés par l’entrepreneur seront traités comme des dividendes. Ces résultats feront l’objet à la fois d’une imposition à l’IS (bénéfice réalisé) et à l’impôt sur le revenu (dividendes versés soumis au prélèvement forfaitaire unique au taux de 12,8 %, sauf option pour le barème progressif, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %). Ils entreront, sous certaines conditions, dans l’assiette des cotisations et contributions sociales (voir no 20). Ces dividendes, constitutifs d’une affectation de résultat, ne seront pas déductibles des résultats imposables.
Remarque : il ressort des débats parlementaires que, dans l’ensemble, l’assujettissement des entrepreneurs individuels à l’IS sera nettement favorable à ceux qui souhaitent conserver et réinvestir dans leur entreprise une part importante de leur résultat net.
Révocabilité de l’option pour l’IS
L’option pour l’IS est révocable jusqu’au cinquième exercice suivant celui au titre duquel elle a été exercée.
La renonciation à l’option pour l’IS doit être notifiée à l’administration avant la fin du mois précédant la date limite de versement du premier acompte de l’IS de l’exercice au titre duquel s’applique la renonciation. Les entreprises qui auront renoncé à l’option ne pourront plus, par la suite, opter à nouveau pour l’IS.
En cas de renonciation à l’option pour l’IS, l’entreprise individuelle sera assimilée à une EURL (ou EARL) relevant du régime des sociétés de personnes et sera donc imposée selon les règles de l’impôt sur le revenu. Une telle renonciation est considérée comme un cas de cessation d’entreprise, engendrant les conséquences fiscales prévues au deuxième alinéa de l’article 221, 2 du CGI (imposition immédiate des bénéfices d’exploitation de la dernière période d’imposition, des bénéfices en sursis d’imposition, etc.), atténuées toutefois, dans certaines conditions, conformément aux dispositions de l’article 221 bis du CGI.
Relevons que la renonciation à l’option pour l’IS ne remet pas en cause l’étalement de l’impôt sur le revenu afférant à certains revenus agricoles effectué en application de l’article 75-0 C du CGI (no 11).
Remarque : cette possibilité de renonciation à l’option pour l’IS, qui existe déjà dans le cadre du statut des EIRL, vise à ne pas pénaliser les entreprises individuelles qui constateraient, a posteriori, que l’option pour leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés se révèle inadaptée à l’exercice de leur activité.
Liquidation de l’entreprise
L’article 13 de la loi précise que la liquidation de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL (ou EARL) emporte les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise et l’annulation des droits sociaux d’une EURL ou d’une EARL. Il en résulte que sont immédiatement imposables les résultats non encore imposés à la date de cette cessation, y compris les éventuelles plus-values latentes, à l’IS ou à l’impôt sur le revenu en cas de renonciation par l’entreprise de son option à l’IS.
Conséquences de l’option sur les cotisations sociales
En cas d’option pour l’assimilation à une EURL (ou une EARL) et assujettissement à l’IS, les dividendes perçus par l’entrepreneur individuel entreront dans l’assiette de ses cotisations et contributions sociales personnelles pour leur fraction excédant 10 % du montant du bénéfice net imposable.
Cette règle s’appliquera aux travailleurs indépendants non agricoles, ainsi qu’aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.
Elle ne concerne pas les travailleurs indépendants relevant du régime micro-social (auto-entrepreneurs) puisque ceux-ci, relevant nécessairement du régime fiscal de la micro-entreprise (CSS, art. L. 613-7), ne peuvent pas exercer l’option pour une assimilation à une EURL ou une EARL (v. no 7).
Sur le plan formel, les dispositions de l’article 13 conduiront à une modification des articles L. 131-6 du CSS et L. 731-14-1 du code rural et de la pêche maritime.
Remarque : les dispositions relatives à l’assiette sociale des futurs entrepreneurs individuels visent à éviter que ceux-ci ne se rémunèrent uniquement en dividendes et éludent de cette façon le paiement des cotisations sociales (Rapport Sénat no 163).
Elles sont proches de celles prévues pour l’EIRL ayant opté pour l’IS.
Les dividendes que celui-ci se verse sont exclus de l’assiette de ses cotisations sociales, sauf pour leur fraction excédant 10 % de la valeur brute des biens du patrimoine affecté ou 10 % du montant du bénéfice net imposable, si ce dernier montant est supérieur (CSS, art. L. 131-6, III, 3o).
Il est à noter que les dispositions spécifiques aux dividendes perçus par l’EIRL ont fait l’objet d’un décret d’application (D. no 2011-1481, 8 nov. 2011) qui a précisé les modalités d’évaluation de la valeur brute des biens du patrimoine, ainsi que le bénéfice net imposable devant être pris en compte (CSS, art. R. 131-8). Les travaux parlementaires n’ont pas évoqué la possibilité d’une révision de ce décret. La définition du bénéfice net imposable devrait être ainsi, pour les nouveaux entrepreneurs individuels, le bénéfice net de l’exercice précédant la distribution des dividendes, comme prévu pour les EIRL.
Entrée en vigueur
Les dispositions de l’article 13 de la loi entreront en vigueur à la date d’entrée en vigueur de l’article L. 526-22 du code de commerce fixant le nouveau statut d’entrepreneur individuel. Plus précisément, ces dispositions devraient être applicables à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la publication au Journal officiel de la loi en faveur de l’activité indépendante, sous réserve de la publication à cette date du décret d’application.
Article issu de l’espace abonné Navis Editions Francis Lefebvre
Site EditionsLégislatives 05/01/2022