L'Union européenne accorde des moyens financiers et plus de souplesse aux États membres tandis que la France prévoit un volet agricole à son plan de résilience économique et sociale.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie entraîne de fortes hausses des prix des produits de base et se traduit notamment par une incidence sur l’offre et la demande de produits agricoles. Dans ce contexte la Commission européenne, relayée par des mesures nationales prises par les États membres, a décidé de soutenir les marchés agricoles directement concernés.
Un vaste plan européen
Une aide d’adaptation exceptionnelle pour les producteurs des secteurs agricoles les plus impactés
La flambée des prix de l’énergie et des engrais, les perturbations des échanges dans certains secteurs, ont amené la Commission européenne à accorder aux États membres une contribution financière pour soutenir les producteurs en difficulté et la possibilité de leur proposer, d’ici le 30 septembre 2022, une aide nationale supplémentaire pouvant atteindre le double des montants qu’elle leur aura attribués (Règl. d’exécution (UE) n° 2022/467 de la Commission, 23 mars 2022).
Seront éligibles à cette aide exceptionnelle contribuant à la sécurisation alimentaire ou à la correction des déséquilibres du marché, les agriculteurs qui participent à une ou plusieurs des activités poursuivant des objectifs d’économie circulaire, de gestion des nutriments, d’utilisation rationnelle des ressources ou de méthode de production respectant l’environnement et le climat.
Les dépenses des États membres liées aux paiements seront admissibles au bénéfice de l’aide à condition qu’ils soient effectués au plus tard le 30 septembre 2022. Les États doivent notifier à la Commission leur décision, ainsi que les informations qui lui seront utiles, au plus tard à cette même date.
Le montant total de l’aide de l’Union européenne mise à la disposition des États membres s’élève à 500 millions d’euros. Pour la France, l’enveloppe se monte à 89 330 157 euros.
Les États membres autorisés à remettre en culture des terres mises en jachère au titre du verdissement
Compte tenu de la nécessité d’accroître le potentiel de production agricole de l’Union européenne tant du point de vue de l’alimentation humaine qu’animale, des dérogations aux dispositions du règlement (UE) n° 1307/2013 relatif au paiement en faveur des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement peuvent être accordées aux exploitants agricoles afin de leur permettre de mettre immédiatement en production leurs terres mises en jachère pour l’année 2022 (Déc. d’exécution (UE) n° 2022/484 de la Commission, 23 mars 2022). Les États membres doivent cependant toujours tenir compte des objectifs des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement.
Ils doivent faire part de leur décision d’accorder ces dérogations dans un délai de 21 jours à compter de la date de notification de la décision de la Commission, et en informer cette dernière dans un délai de 7 jours suivant la date à laquelle cette décision a été prise. Ils sont en outre tenus de fournir à la Commission les informations relatives au nombre d’exploitants demandeurs et au nombre d’hectares couverts par ces dérogations d’ici le 15 décembre 2022.
Une aide au stockage privé de viande de porc pour réduire le déséquilibre entre l’offre et la demande
Le secteur de la viande de porc connaissant de graves difficultés dues à de multiples causes, telles que le ralentissement des exportations vers la Chine, la propagation de la peste porcine africaine, les restrictions liées à la pandémie de la Covid-19 ou encore le conflit ukrainien, la Commission a décidé d’octroyer une nouvelle aide au stockage privé de viande de porc (Règl. d’exécution (UE) n° 2022/470 de la Commission, 23 mars 2022).
La date limite de présentation des demandes de l’aide est fixée au 29 avril 2022. Les périodes de stockage s’échelonnent entre 60, 90, 120 ou 150 jours. La quantité minimale requise pour les produits désossés est de 10 tonnes et 15 tonnes pour les autres produits.
Les aides et aménagements nationaux
Les aides immédiates du plan de résilience économique et sociale
Pour répondre aux impacts de la guerre en Ukraine, le volet agricole du plan de résilience comprend les quatre mesures suivantes (Min. agri., Communiqué de presse, 25 mars 2022).
Pour faire face à la flambée des prix du carburant, une remise de 15 centimes HT au litre s’appliquera dès le 1er avril. Le gazole non routier duquel les agriculteurs font usage est concerné (D. n° 2022-423, 25 mars 2022).
Le ministre de l’Agriculture annonce par ailleurs une avance de trésorerie sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Dès le 1er mai, ces agriculteurs pourront bénéficier d’un remboursement anticipé de la TICPE de 2021, qui intervient en principe en juin. Sur demande, un acompte de 25% pour la TICPE 2022 leur sera également versé après déclaration.
L’aide aux entreprises consommatrices de gaz et d’électricité annoncée par le Premier Ministre sera ouverte aux entreprises agricoles, forestières et agroalimentaires.
Elle bénéficiera aux entreprises dont les dépenses de gaz et d’électricité représentent au moins 3 % des charges, et qui deviendraient déficitaires en 2022 du fait du renchérissement de leurs dépenses en énergie. Selon le ministre de l’Agriculture, devraient notamment entrer dans son champ d’application les maraîchers, les producteurs de volaille ou de sucreries ou les entreprises laitières qui sèchent le lait.
L’aide prendra en charge la moitié du surplus de dépenses énergétiques, dans la limite des pertes des entreprises concernées. Elle sera ouverte rétroactivement au 1er mars jusqu’au 31 décembre 2022.
Compte tenu du surcoût auquel devront faire face les éleveurs pour nourrir le bétail, le ministre de l’Agriculture met en place une aide aux éleveurs fortement dépendants d’achats d’aliments (porcs, volailles) et qui connaîtront des pertes liées à cette hausse.
L’aide sera mise en place rétroactivement du 15 mars jusqu’au 15 juillet et sera versée sous 2 mois, soit avant le 15 mai. Une enveloppe maximale de 400 millions d’euros est prévue.
Afin de déterminer le cadre applicable, les représentants de l’élevage seront consultés par les services ministériels dans les prochains jours.
L’abondement de l’enveloppe des prises en charge des cotisations sociales à hauteur de 60 millions d’euros supplémentaires pour prendre en compte les exploitations confrontées à la hausse des charges qui dégradent leur compte d’exploitation.
Les mesures à venir du plan de résilience économique et sociale
Les quatre mesures immédiates sont complétées par quatre mesures additionnelles quoi seront progressivement mises en place :
– l’ouverture de nouvelles négociations commerciales. Alors que le round des négociations commerciales vient de s’achever le 1er mars sous l’égide de la nouvelle loi EGAlim 2, le ministre de l’Agriculture annonce l’ouverture de « nouvelles négociations pour sécuriser nos producteurs et entreprises agroalimentaires ». Il entend demander aux distributeurs d’adapter les contrats fournisseurs avec la mise en œuvre des mécanismes d’indexation et de renégociation et le cadrage des pénalités logistiques. Une nouvelle occasion pour le ministre de faire appliquer les avancées de la loi EGAlim 2 ;- la sécurisation de la campagne 2022 en engrais pour la fin de l’année ;
– l’encouragement à la production de protéines végétales, notamment par la valorisation des jachères ;
– l’accélération des mesures du plan France Relance et France 2030 au service de la souveraineté et de l’indépendance alimentaire : mise en œuvre d’un « plan souveraineté azote », renforcement du plan protéines végétales, développement d’un plan de souveraineté énergétique agricole et alimentaire, élaboration d’un plan souveraineté français et européen « fruits et légumes ».
Une période complémentaire de dépôt des dossiers de demande d’aval pour les collecteurs de céréales
Tenant compte de l’augmentation très importante du cours des céréales en raison du conflit entre la Russie et l’Ukraine, le ministère de l’Agriculture retient deux mesures pour faciliter l’obtention des prêts souscrits par les collecteurs agréés de céréales auprès des banques et assurer la fluidité du marché (Instr. technique DGPE/SDFE/2022-230).
D’une part, pour le financement de la campagne en cours (2021-2022) et afin de subvenir aux importants besoins de trésorerie des collecteurs agréés, la base de financement qui détermine le pourcentage de prise en compte servant à calculer la garantie qui leur est apportée par l’aval de FranceAgriMer est portée de 70 % à 80 % à partir du 1er avril 2022 jusqu’au 30 juin 2022.
D’autre part, pour la campagne 2022-2023, la période de dépôt des dossiers de demande d’aval qui était close depuis le 31 janvier 2022 est prolongée jusqu’au 4 avril 2022 afin de permettre aux collecteurs qui n’avaient pas jugé nécessaire d’en faire la demande de bénéficier de la mesure.
Règl. d’exécution (UE) n° 2022/467 de la Commission, 23 mars 2022 : JOUE n° L96, 24 mars
Déc. d’exécution (UE) n° 2022/484 de la Commission, 23 mars 2022 : JOUE n° L98, 25 mars
Règl. d’exécution (UE) n° 2022/470 de la Commission, 23 mars 2022 : JOUE n° L96, 24 mars
Min. agri., Communiqué de presse, 25 mars 2022
Instr. technique DGPE/SDFE/2022-230 : BO min. agri. n° 13
Site EditionsLégislatives 25/03/2022