Selon la Cour de cassation, sauf convention contraire, les dividendes prélevés sur le produit de la vente de la totalité des actifs immobiliers d’une SCI reviennent au nu-propriétaire, le droit de jouissance de l’usufruitier s’exerçant sous la forme d’un quasi-usufruit.
A noter : 1o En principe, les dividendes sont les fruits des droits sociaux. Ils appartiennent à l’usufruitier en cas de démembrement. Par exception, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait jugé que les dividendes prélevés sur les réserves devaient, sauf convention contraire, revenir au nu-propriétaire tandis que l’usufruitier disposait d’un quasi-usufruit sur les sommes distribuées. La première chambre civile de la Cour de cassation avait justifié l’attribution au profit du nu-propriétaire par l’idée sous-jacente que les dividendes prélevés sur les réserves ne sont plus des fruits mais un accroissement de l’actif social. Le prélèvement du dividende altère la substance des droits sociaux par diminution de l’actif social ce qui en fait un produit des droits sociaux, par opposition aux fruits qui se détachent des droits sociaux sans en diminuer la substance.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation reprend cette répartition dans un cas où le prix de vente n’avait pas été affecté aux réserves. Pour justifier sa solution, elle adopte une nouvelle approche du critère de l’atteinte à la substance aux droits sociaux : la substance des droits sociaux n’est plus assimilée à l’actif social mais à la poursuite de l’objet social et à l’accomplissement du but poursuivi par les associés. Cette nouvelle approche se fonde sur la définition de la société donnée par l’article 1832 du Code civil. Si elle est appliquée à d’autres sociétés que les sociétés civiles, cette nouvelle approche donnera vraisemblablement lieu à une appréciation au cas par cas de l’atteinte à la substance aux droits sociaux. On peut en effet supposer que d’autres distributions de dividendes seront susceptibles d’altérer la substance des droits sociaux comme par exemple en cas de dividende prélevé sur le prix d’un actif isolé mais essentiel à la société.
Il en résulte que la faculté de déroger par convention à la répartition des dividendes, affirmée ici par la troisième chambre civile, imposera au nu-propriétaire et à l’usufruitier d’identifier avec soin les situations dans lesquelles la distribution de dividendes sera de nature à compromettre la poursuite de l’objet social et l’accomplissement du but poursuivi par les associés.
2o L’usufruit peut cesser par l’abus que l’usufruitier fait de son droit de jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien. En outre, l’usufruitier à l’obligation de conserver la substance du bien grevé. Il peut apparaître dès lors paradoxal d’affirmer que la distribution d’un dividende porte atteinte à la substance des droits sociaux, tout en jugeant que le vote de cette distribution par l’usufruitier ne constitue pas un abus de son droit de jouissance.
Il semblerait que la troisième chambre civile considère que les droits du nu-propriétaire soient suffisamment sauvegardés par la constitution d’un quasi-usufruit. Rappelons que ce droit de jouissance particulier, qui s’exerce sur des biens consomptibles que sont notamment les sommes d’argent, impose à l’ususfruitier de restituer le bien grevé en fin d’usufruit. Le nu-propriétaire pourrait se faire consentir des garanties par l’usufruitier lors du démembrement des droits sociaux pour se prémunir contre une absence de restitution des sommes.
Cass. 3e civ. 19-9-2024 n° 22-18.687 FS-B – L’@ctualité en ligne, www efl.fr 26/09/2024