Le solde naturel des naissances et des décès n'arrive plus à assurer le renouvellement démographique des zones rurales, contrairement aux aires urbaines, même si certains départements ruraux réussisent à attirer des habitants en l'absence d'une métropole locomotive.
Les campagnes françaises continuent de perdre des habitants. Le bilan démographique publié par l’Insee le 28 décembre 2023 fait apparaître que les zones rurales indépendantes des pôles urbains ont perdu presque six mille habitants entre 2015 et 2021. Les 4,397 millions de personnes qui y habitent encore représentent 6,5 % de la population totale de la France (hors Mayotte).
Solde naturel
C’est surtout le solde naturel de la population qui explique cette décroissance. Il chute de 0,5 % alors qu’il est toujours en hausse dans le reste des espaces démographiques en suivant la densité des espaces. Dans les zones urbaines densément peuplées, le solde naturel augmente de 0,6 %. En moyenne, en France, il augmente de 0,2 %. Le solde naturel, c’est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès. Ici, ce chiffre fait apparaître l’amplification du déficit des naissances par rapport au décès.
Solde migratoire
Le solde naturel ne tient donc pas compte du solde migratoire apparent, c’est-à-dire la différence entre le nombre des entrées et des sorties du territoire au cours de la période considérée. Quand on parle de solde migratoire, on n’évoque pas la notion de nationalité mais de déplacement de personnes au sein du territoire français. On l’estime par la différence entre la variation totale de la population et le solde naturel observé. Dans les campagnes, le solde migratoire est largement positif (0,4 %), et compense une bonne part du solde naturel.
Ventre vide
Toutefois, cette vision nationale demande à être affinée en prenant la loupe régionale. Par exemple, le sud de la région Centre-Val de Loire présente trois départements aux comportements différents. On est là en plein dans le ventre vide de l’Hexagone avec l’ouest de la Bourgogne, le Limousin et l’Allier.
Le Loir-et-Cher présente un solde migratoire quasi nul et se place sous le signe de sa population vieillissante avec un solde naturel de -0,24 %. Le département de l’Indre enregistre, lui, un solde migratoire positif (0,09 %), mais très insuffisant pour compenser le solde naturel de -0,62 %. Le Cher, lui, cumule un solde naturel de -0,37 % et un solde migratoire de -0,15 %.
Dans cette région, les départements qui conservent une dynamique positive de leur population sont ceux qui hébergent une métropole, en l’occurrence Orléans en Loiret et Tours en Indre-et-Loire. Le même comportement s’observe dans plusieurs régions.
En Bourgogne Franche-Comté, seuls le Doubs et la Côte-d’Or sont en croissance démographique parce qu’ils accueillent les deux métropoles de Besançon et de Dijon, qui, elles aussi sont en croissance.
En revanche, les intercommunalités isolées ou dans des territoires fragiles continuent de perdre des habitants, comme à Creusot-Montceau-les-Mines, Puisaye-Forterre (Saint-Fargeau) ou Sud Nivernais (Decize).
Dynamique de désertification
Si on replace cette photographie démographique sur une échelle de temps, on s’aperçoit que la désertification ne fait que s’accentuer là où elle avait déjà commencé.
« Entre 2015 et 2021, la croissance démographique est plus élevée dans l’espace urbain que dans l’espace rural, alors qu’elle était identique entre 2010 et 2015. La croissance de la population de l’espace urbain est toutefois un peu plus faible qu’au cours des cinq années précédentes. La baisse est plus marquée dans l’espace rural : le solde naturel est devenu négatif et le solde migratoire apparent a diminué », explique Chantal Brutel, analyste de l’Insee.
On peut revenir à la région Centre-Val de Loire pour illustrer cette évolution. Le Loir-et-Cher qui avait un solde démographique légèrement positif (0,2 %) entre 2010 et 2015 présente désormais un solde légèrement négatif (-0,2 %) entre 2015 et 2021. Le Cher, qui était déjà négatif entre 2010 et 2015 (-0,1 %), est désormais très négatif (-0,5 %). Ce qui peut se comprendre de façon instinctive : moins il y a de monde, moins il y a de naissances. L’avenir d’un territoire rural dépend donc de son solde migratoire.
Attractivité, moteur de la croissance
« L’attractivité est le seul moteur de la croissance », résume Laurent Zambon, chargé de l’analyse de la région Nouvelle-Aquitaine. Dans ce territoire, la croissance de la population repose exclusivement sur le solde migratoire, nettement excédentaire depuis plusieurs années.
Mais, là encore, les communes rurales à l’habitat très dispersé (300 habitants par village, 15 habitants au kilomètre carré) perdent de la population. Ces communes, situées à l’est de la région, sont en dehors de l’aire d’attraction des villes, éloignées des pôles d’emploi.
Métropoles locomotives
Les effets d’attractivité, déjà à l’œuvre dans la première moitié de la décennie, jouent maintenant à plein régime. La région Grand Est présente une croissance de l’agglomération de Strasbourg et des zones frontalières du Luxembourg ou de la Suisse. En revanche, le reste des territoires champardennais ou lorrains n’affichent qu’un dépeuplement, à commencer par les communes déjà les moins peuplées.
À l’autre bout de la France, la région Pays de la Loire voit se cumuler les attirances de la métropole de Nantes, du littoral ou de petites villes ultradynamique comme La Roche-sur-Yon ou Les Sables-d’Olonnes. Ce qui fait de la Loire-Atlantique, épaulée par le littoral vendéen, une locomotive régionale incontestable, mais qui ne peut pas faire oublier que les autres départements ne sont portés, modestement, que par leurs préfectures (Laval, Le Mans, Angers).
Départements ruraux attirants
À l’inverse, certains départements ruraux arrivent à renforcer leur attractivité. En Lozère ou dans le Lot, l’excédent migratoire (+0,6 % et +0,8 % respectivement) arrive encore largement à compenser le déficit naturel alors que leurs préfectures (Mende, Cahors) exercent une attractivité modeste comparée aux mastodontes régionaux de Toulouse ou Montpellier.
Site LaFranceAgricole -Actualités – 02/01/2024