Les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique ont présenté la nouvelle mouture d’Ecophyto 2030. Ils maintiennent l’ambition de réduire de moitié les usages et les risques des produits phytosanitaires d’ici à 2030, avec un budget « jamais vu ».
Trois mois après sa mise en pause, le 1er février 2024, par le premier Ministre, la nouvelle stratégie Ecophyto a été présentée à la presse le 6 mai 2024 et publiée dans la foulée. « On a fait une pause et non pas un stop, précise le ministère de la Transition Écologique. Force était de constater qu’on avait sur le terrain beaucoup d’incompréhensions par rapport à cette stratégie. Ces trois mois nous ont permis de gagner en lisibilité vis-à-vis du monde agricole. Rien n’a été supprimé : on garde le cap et les moyens. »
La stratégie Ecophyto 2030 s’articule autour de cinq axes :
– Accélérer la recherche d’alternatives pour se préparer à la réduction du nombre de substances actives autorisées ;
– Accélérer le déploiement dans toutes les exploitations des solutions agroécologiques ;
– Mieux connaître et réduire les risques pour la santé et pour l’environnement de l’usage des produits phytopharmaceutiques ;
– Recherche, innovation et formation ;
– Territorialisation, gouvernance et évaluation.
Des moyens inédits
« Des moyens extrêmement importants sont mis pour la première fois sur la stratégie Ecophyto 2030 », indique le ministère de l’Agriculture. Pour 2024, la maquette financière se découpe en trois paquets. Le premier, issu du programme Ecophyto, compte 71 millions d’euros.
Le deuxième, au titre de la planification écologique, s’élève à 250 millions d’euros, dont 146 millions d’euros dédiés à la recherche d’alternatives (Parsada) et 50 millions au guichet agroéquipements. Un budget de 20 millions d’euros est aussi alloué aux collectivités territoriales pour le traitement de l’eau polluée par des produits phytos. « C’est la première fois qu’un budget est dédié au curatif et au soutien des collectivités locales », précise le ministère de la Transition écologique.
La troisième enveloppe totalise 300 millions d’euros au titre de France 2030. Une enveloppe de 90 millions d’euros est dédiée à un nouvel appel à manifestations d’intérêt et appel à projet sur la prise de risque amont aval et massification. L’objectif de ce dernier est « d’accélérer le déploiement et la massification de solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques en accompagnant le passage entre le stade de la recherche appliquée et le déploiement des méthodes en phase commerciale. »
Par ailleurs, 210 millions d’euros sont alloués à des projets relatifs à la réduction de la dépendance aux phytos dans le cadre d’appels à projets ou à manifestation d’intérêts déjà lancés (grand défi robotique, grand défi biocontrôle et biostimulants…)
Le HRI1 remplace le Nodu
Le texte entérine le changement d’indicateur de référence, « en cohérence avec le cadre européen », appuie les ministères. Désormais, le HRI1, indicateur de risque harmonisé 1, est pris en compte, et non plus le Nodu. « Cela ne nous empêche pas d’en mesurer les forces et les faiblesses, et de travailler avec l’Inrae pour trouver un indicateur qui réponde aux critiques que l’on peut entendre », indique le ministère de la Transition Écologique.
La directive européenne précise que la période de référence pour le calcul du HRI1 est 2011-2013, qui devient la nouvelle base du plan Ecophyto, au lieu de 2015-2017 utilisée précédemment pour le Nodu.
« On ne casse pas les séries statistiques donc on continuera à fournir pour certaines classes le Nodu et d’autres indicateurs comme la QSA (quantité de substances actives) », précise le ministère de l’Agriculture. Ce dernier estime que la baisse d’utilisation des phytos, calculée avec le HRI1, est actuellement « autour de 27-30 % ». « Il nous reste 20 à 22 % pour atteindre l’objectif du HRI1 d’ici 2030 », conclut le ministère.
Le réseau Dephy maintenu mais conditionné
La stratégie Ecophyto 2030 réaffirme l’intérêt des fermes de référence du réseau Dephy, dont le financement sera poursuivi. « Il sera cependant conditionné à des objectifs de résultats notamment en termes de diffusion des solutions démontrées pour permettre le passage à l’échelle, ce qui n’a pas forcément été le cas lors du plan Ecophyto II +”, commente le ministère de l’Agriculture.
«La qualité de diffusion des résultats sera appréciée dans le processus de sélection et il intégrera autant que possible les exploitations de l’enseignement agricole », complète le ministère. Ces expérimentations de rupture sont différentes et complémentaires des projets portés dans le cadre du Parsada.
Des dispositifs contraignants sur les zones sensibles
Ecophyto 2030 met l’accent sur les zones sensibles dont les zones de captage, notamment celles jugées prioritaires parce que les indicateurs s’approchent des seuils sanitaires, au-delà desquels l’eau ne serait plus de la qualité attendue. Le texte prévoit des « actions plus fortes pour accompagner les agriculteurs financièrement, afin de « renverser la balance pour aller vers une amélioration de la qualité de l’eau », indique le ministère de la Transition Écologique.
« Un arrêté est prévu d’ici la fin de l’année, cosigné par les ministères de l’Agriculture, de la Transition Écologique et de la Santé. Il définira la notion de captage sensible et prioritaire, sur lesquels sera mis en œuvre un dispositif contraignant », informent les ministères. Ces derniers insistent : « Ces contraintes sont accompagnées financièrement ».
« La prévention coûte moins cher que la réparation : avant d’atteindre le seuil de non-retour, il s’agit de mettre en œuvre les moyens pour revenir sur une qualité de l’eau qui s’améliore, et éviter la solution extrême qui consiste à fermer le captage. »
Indemnisation des riverains
À l’image du fonds d’indemnisation pour les victimes professionnelles des pesticides, créé en 2020, le texte envisage, après une étude de faisabilité, la possibilité de mettre en œuvre et financer un dispositif d’indemnisation des riverains, voire d’autres catégories de personnes ayant contracté une maladie d’origine non professionnelle, en lien avec l’exposition prolongée et répétée aux produits phytopharmaceutiques.
« L’étude Pestiriv, pour mesurer l’exposition aux risques de la contamination des pesticides à proximité des exploitations est toujours en cours, et donnera ses premiers résultats en 2025-2026, rappelle le ministère de l’Agriculture. C’était déjà un engagement de la stratégie précédente, qui est confirmée dans la stratégie Ecophyto 2030. »
Site EditionsLégislatives 24/04/2024