L'attribution du numéro Siren est destinée à l'identification de la société auprès des administrations notamment ; elle ne conditionne pas l'acquisition de sa personnalité juridique.
Il est des évidences que la Cour de cassation doit malgré tout rappeler, sinon marteler. Chacun sait, en effet, à quelles conditions une société peut être personnifiée ; le présent litige aurait pu introduire un doute… que la Cour dissipe immédiatement.
Soit en l’espèce une SCI qui conclut avec une autre société, courant novembre 2019, une promesse synallagmatique de vente et d’achat d’un bien immobilier La seconde société obtient l’autorisation d’un JEX, par ordonnance du 30 juillet 2020, d’inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur ledit bien, en garantie d’une créance de dommages et intérêts potentiellement née du fait de la nullité de la promesse pour vice du consentement. La SCI assigne la société en mainlevée de l’inscription d’hypothèque.
En appel, elle soulève une fin de non-recevoir fondée sur argument intéressant : la société titulaire de l’inscription n’ayant pas la personnalité morale au jour de la conclusion de la promesse, elle est dépourvue de la qualité à agir. La cour d’appel rejette toutefois cette fin de non-recevoir et la SCI forme un pourvoi en cassation contre son arrêt. Elle décide de placer sa critique sur le terrain du moment de la naissance de la personnalité morale de la société. Son moyen allègue en ce sens que la personnalité morale s’acquiert au jour de l’attribution, à la société en cours de formation, du numéro unique d’identification (C. com., art. D. 123-235), cette attribution réalisant l’immatriculation de la société au RCS, laquelle reste en cours de réalisation tant que ce numéro n’a pas été attribué.
L’argument ne convainc – heureusement – pas la Cour de cassation. Cette dernière se borne à rappeler qu’en application de l’article 1842 du code civil, les sociétés autres que celles en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation au RCS. Soutenir le contraire serait évidemment ajouter à la loi. La Cour poursuit en affirmant en ce sens que l’attribution du numéro Siren par l’Insee est destinée à la seule identification de la société auprès des administrations et des personnes ou organismes énumérés à l’article 1er de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 (C. com., art. L. 123-32 et s.) ; elle ne conditionne pas l’acquisition de sa personnalité juridique. Le pourvoi est donc logiquement rejeté : le numéro Siren est attribué à des fins d’identification de la société en vue de sa personnification ; l’argument téléologique mérite complète approbation.
Remarque : le raisonnement de la Cour de cassation vaut également pour les sociétés commerciales (C. com., art. L. 210-6, al. 1er), précision qui appelle deux observations : la première est que la société dont l’absence de personnalité juridique était alléguée revêtait la forme d’une SAS si bien que l’application de l’article 1842 précité ne s’impose pas d’emblée ; la seconde réside dans la rationalisation qui pourrait être opérée en unifiant les règles relatives à la personnification des sociétés civiles et commerciales.
Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-16.463, n° 766 B – L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 17/01/2024