La nature essentielle d'une petite parcelle s'apprécie au regard de l'exploitation dans son ensemble et non par rapport aux parcelles de même nature.
Une parcelle en nature vigne d’une surface inférieure au seuil d’application du statut du fermage dans le département, fixée par le préfet après avis de la commission consultative départementale paritaire des baux ruraux (C. rur., art. L. 411-3), est mise en valeur par un exploitant à la fois viticulteur mais principalement arboriculteur.
Toute la question était si savoir si la location de la petite parcelle en cause pouvait bénéficier de la réglementation dérogatoire au statut du fermage, appréciée pour sa souplesse. En effet, celle-ci ne confère pas au preneur pas de droit au renouvellement (Cass. 3e civ., 10 nov. 1993, n° 90- 10.830 : Bull. civ. III, n° 143) ni de droit de préemption, permet de fixer librement le loyer, n’a aucune durée minimale et ne restreint pas la faculté de donner congé.
Abstraction faite de l’activité à dominante arboricole, cette petite parcelle plantée de vignes produisait un quart du chiffre d’affaires sur la seule part viticole de l’exploitation, l’application du statut du fermage par requalification aurait pu sembler s’imposer aux parties. Si l’appréciation des juges du fond du caractère essentiel à l’exploitation de la parcelle reste, il est vrai, souveraine (Cass. 3e civ 22 avril 1975, n° 73-14.529 : Bull. civ. III, n° 129), ces derniers doivent appliquer correctement la loi.
Les juges du fond, en se fondant uniquement sur la partie de l’exploitation consacrée à la vigne ont méconnu la notion d’exploitation au regard de laquelle l’importance de la parcelle doit être examinée. En limitant leur pouvoir d’appréciation à la seule activité viticole et non à l’ensemble de l’exploitation, la cassation était indubitablement encourue.
La notion de partie essentielle est assise sur des concepts d’essence économique liés à la configuration des lieux (Cass.3e civ., 22 avr. 1975, n° 73-14.529 : Bull. civ. III n°129) ou même à la personne (Cass. soc., 12 oct. 1967 : Bull. civ. n° 631).
Formellement la Cour de cassation rappelle par cette décision qu’il faut toujours se placer « à la date de conclusion du bail » pour apprécier la partie essentielle (Cass. 3e civ., 22 janv. 2014, n°12-27.211 : Bull. civ. III, n° 7). Dans la décision objet du présent commentaire, la troisième chambre civile précise que l’exploitation doit être considérée dans son ensemble et non pour une seule production.
Pour être qualifié d’essentielle, il ne suffit pas que la privation de la parcelle entraîne pour le preneur la perte d’un avantage, d’une commodité ou lui cause une gêne (Cass. soc., 1er avr. 1965, n° 63-13.331 : Bull. civ. n° 283) ou qu’elle rende plus difficile l’exploitation (Cass. 3e civ., 15 sept. 2015, n°13-26.729).
En revanche, la présence d’un collecteur sur une petite surface commandant le drainage sur une superficie de 20 ha la rend essentielle (Cass. 3e civ., 6 janv. 2010, n° 09-65.028 : Bull. civ. III, n° 5).
Un bien de faible importance dont la présence est économiquement indissociable de l’exploitation, est généralement soumis au statut du fermage.
Cass. 3e civ., 29 févr. 2024, n° 22-17.641, n° 125 F-D
Site EditionsLégislatives 25/03/2024