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La nullité de la vente au profit d’un tiers en violation de l’obligation d’information préalable ne profite pas toujours à la SAFER

La nullité de la vente au profit d’un tiers en violation de l’obligation d’information préalable ne profite pas toujours à la SAFER

La substitution nécessite que la SAFER motive la préemption au regard des objectifs qui lui sont assignés.

Une commune a vendu une parcelle de terre sans avoir préalablement informé la SAFER. Celle-ci a alors engagé, dans les 6 mois de la connaissance de cette fraude, une action en nullité de l’acte ainsi que demandé à être substituée à l’acquéreur.

La Cour de cassation vient par le présent arrêt définir les contours de la substitution à la suite de l’annulation d’un acte passé au mépris de l’obligation d’information auprès de la SAFER.

Il convient de rappeler que la vente d’un bien entrant dans le champ de préemption de la SAFER doit faire l’objet d’une information préalable auprès de l’autorité régulatrice. A défaut, l’article L. 141-1-1, II du code rural prévoit expressément la possibilité de rendre nul l’acte passé en fraude et de substituer ainsi la SAFER au tiers acquéreur. Cette substitution est possible à la demande de la SAFER ou rendue d’office par le juge.

Remarque : ce régime de sanction est par ailleurs différent selon que le bien vendu est préemptable ou non (v. dans le Dictionnaire permanent Entreprise agricole, l’étude SAFER, §146 et s.).

Une position logique et rigoureuse

Au terme de cet arrêt, la Cour confirme la nullité de l’acte de vente établi au mépris d’une purge du droit de préemption de la SAFER. Cette annulation ne peut toutefois être suivie d’une substitution de la SAFER à l’acquéreur initial qu’au regard des objectifs et prescriptions assignés par les articles L. 143-2 et L. 143-3 du code rural. La simple constatation par les juges du fond que le bien vendu, en fraude au droit de la SAFER, aurait pu être préempté par celle-ci, ne suffit pas.

Aussi, l’acquisition projetée en substitution au profit de la SAFER se doit de respecter le cadre rigoureux, et désormais classique, d’une motivation formelle et réelle. Il revenait ainsi au juge du fond d’apprécier «si la préemption poursuivait un objectif légalement permis et s’appuyait sur des données concrètes prouvant la réalité de cet objectif».

Nullité acquise, substitution compromise

Pour la Cour de cassation, le principe d’une substitution de la SAFER au tiers acquéreur, au terme de l’acte établi en fraude de ses droits, est assimilé à un mode d’acquisition par préemption dans le cadre duquel la SAFER ne peut s’exonérer ni de sa motivation ni de son formalisme.

Cet arrêt, en un sens, vient restreindre le champ des possibles pour la SAFER qui aurait pu via cette substitution judiciairement reconnue, faire admettre une acquisition sans motiver et se défaire des règles strictes des articles L. 143-2 et L. 143-3 précités, ainsi que de sa jurisprudence récente.

Cette position jurisprudentielle conduit à plusieurs réflexions.

De l’opportunité d’agir en nullité de la vente exclusive de toute substitution

La portée de cet arrêt est annonciatrice d’un tarissement du contentieux (déjà peu foisonnant) relatif à la demande en nullité de la vente pour défaut d’information de la SAFER. En termes d’opportunité purement opérationnelle, la SAFER trouvera-t-elle à l’avenir son compte à engager judiciairement une annulation de vente en sachant à l’avance qu’elle n’aura que de faibles chances de pouvoir se substituer ? Certes, elle aura au moins eu le mérite d’agir sur la nullité de l’acte, ès qualités de régulateur du foncier. La substitution aurait pu lui permettre de jouer en plus son rôle d’acteur du foncier mais, refusée au casting, elle aura de quoi réfléchir face à ce nouvel arrêt. Sauf à imaginer que la SAFER motive, concomitamment à l’action engagée, son acquisition projetée. En toute hypothèse, il s’agira alors pour elle d’instruire, de manière assez originale, un dossier de préemption d’un bien qui lui n’a pas été notifié à la vente…

Vers une préemption « rétroactive » ?

Ce nouveau mode d’intervention de la SAFER consisterait donc à exercer une préemption post-vente afin de faire rétroagir ses effets à l’issue de l’annulation de l’acte.

Ce raisonnement est complexe et laissera songeur le praticien. Car comment motiver une préemption d’un bien non notifié préalablement ? Comment la SAFER pourra-t-elle acquérir un bien dont elle ignore les conditions exactes de la vente (et envisager de se substituer) ?

L’exercice voudra qu’en un tel cas, le conseil se saisisse du problème en anticipant le problème dans ses écritures pour prévoir une motivation à toute épreuve devant la juridiction saisie. La SAFER, de son côté, sur la base des éléments récoltés dans l’acte de vente auprès des services de publicités foncières, pourrait également formaliser les mesures de publicités liées à cette préemption « rétroactive ». Ce scénario serait pour le moins original.

Retour au présent, dans notre espèce, la cour d’appel de renvoi aura à acter l’annulation de la vente initiale ainsi qu’à apprécier si la substitution de la SAFER est possible au regard des conditions d’acquisition par préemption. Il semble peu probable que celle-ci ait réalisé et instruit un dossier de préemption concomitamment à l’action qu’elle a engagé. Aussi, à suivre le raisonnement de la Cour de cassation, les chances de succès d’une substitution semblent réduites devant les juges du fond.

A terme, la commune devra restituer les sommes et les éventuelles impenses et améliorations du bien à l’acquéreur, les parties se retrouvant dans une situation ante compromis. Libre à la commune de vendre à qui elle l’entend. La SAFER lui soumettra certainement le cas échéant une proposition amiable d’acquisition.

Cass. 3e civ. 16 mai 2024, n° 22-19.957, n° 230 F-D – Site EditionsLégislatives 03/06/2024

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