Inspectrice générale de l’agriculture, membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), Naïda Drif-Lamia a été nommée haute-fonctionnaire en charge de l’égalité des droits et de la lutte contre les discriminations au ministère de l’Agriculture en novembre 2022.
Quelle est votre feuille de route au sein du ministère de l’Agriculture ?
« Je porte deux mesures dans le cadre du plan interministériel “Toutes et tous égaux” », explique Naïda Drif-Lamia. La première vise à soutenir l’entrepreneuriat des femmes en agriculture. Seulement 44 % des femmes s’installent avant 41 ans, contre 80 % des hommes. Or l’âge limite pour bénéficier de la dotation jeune agriculteur (DJA) est fixé à 40 ans, ce qui exclut de nombreuses femmes. L’idée est de travailler avec France Active, réseau qui met en place des dispositifs d’aide et se porte caution pour les prêts bancaires avec la Garantie Égalité Femmes. Il faut faire connaître ce dispositif. »
« Avec 45 % de filles et 55 % de garçons dans l’enseignement agricole, la deuxième mesure vise à favoriser l’égalité filles-garçons ainsi que la mixité dans les formations dites “genrées”. Sur la base d’une étude sociologique, nous allons préparer un plan d’action à destination des établissements, à la rentrée prochaine ou celle de 2025. »
Comment continuer d’avancer pour l’égalité entre les femmes et les hommes ?
« Il faut continuer de rechercher l’égalité sociale pour les agricultrices : retraites, salaires, droits sociaux, en particulier intensifier l’accès au congé de maternité, insiste Naïda Drif-Lamia. À ce sujet, depuis 2019, la durée minimale d’arrêt de travail des agricultrices s’est alignée sur celle des salariées (8 semaines). Cependant, lorsqu’une agricultrice est remplacée, elle n’est plus prise en charge par la MSA (1) et n’est donc plus assurée sur son exploitation. Nous allons travailler cette problématique soulevée lors de récentes discussions. »
Quelles sont les prochaines priorités ?
« La santé des femmes en milieu rural est particulièrement préoccupante. Du fait des difficultés d’accès aux soins, beaucoup renoncent à des suivis gynécologiques, et les taux des dépistages des cancers féminins sont faibles. La prochaine feuille de route du ministère envisage de déployer des solutions de médecines itinérantes, ainsi que des points d’accueil mobiles, pour lutter contre les violences intrafamiliales et conjugales. »
« En parallèle, d’autres enjeux devraient être portés, tels que limiter le recours au statut de “conjointe collaboratrice”, encourager l’augmentation de l’âge de la DJA pour les femmes en reconversion professionnelle, favoriser la mise en place de réseaux féminins et faciliter la mise en œuvre du remplacement pendant les congés de maternité. La prochaine feuille de route Égalité Diversité (2024-2026) sera présentée dans les instances du ministère avant la fin du premier semestre de 2024. »
Les agricultrices sont largement sous-représentées dans les structures agricoles. Comment encourager à davantage de parité ?
« Mon rôle est d’impulser et de veiller à ce que la politique d’égalités entre les femmes et les hommes soit appliquée au ministère de l’Agriculture. Pour les syndicats et les organisations professionnelles agricoles, je peux pousser le sujet de la parité, mais je n’ai pas la légitimité de l’imposer. Il faut que ça vienne du milieu agricole aussi, d’où l’importance de réfléchir à des dispositifs d’accompagnement, de réseaux de femmes pour porter ces sujets, pour dire “il faut y aller”. »
« Lors de mes échanges avec des agricultrices, elles répondent spontanément, « mais si je prends un mandat dans une structure, comment je m’organise ? Comment je gère ma famille ? ». Il faut veiller à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, et mener un travail sur les modes de garde des enfants. Ce sujet est également un axe stratégique de la feuille de route du ministère. »
Site LaFranceAgricole – Actualités 03/06/2024