Quand l'intention des parties s'oppose à la qualification de bail rural.
17 ans après l’entrée en vigueur de la loi DTR du 23 février 2005, l’intégration des activités équestres tertiaires au sein du régime agricole constitue toujours une source de contentieux. L’article L. 311-1 du code rural qualifie d’agricoles les activités de préparation des équidés en vue de leur exploitation. Assez rapidement, la Cour de cassation est venue préciser que l’exercice de la seule activité de « gardiennage de chevaux » n’entre pas dans le champ de la réforme. Il en résulte que ce type de prestation de service (la prise en pension sans exploitation) ne peut conduire à la qualification d’un bail rural, quand bien même les autres conditions seraient réunies. Lorsque le bail est verbal, la détermination de la nature de l’activité exercée sur le fonds suppose de faire émerger l’intention commune des parties, dès lors que le preneur ne saurait se prévaloir d’une activité agricole à laquelle le bailleur n’aurait pas consenti, soit lors de la conclusion du bail, soit au cours de son exécution.
C’est sur le terrain de l’intention des parties que l’arrêt du 1er juin 2022 rejette le pourvoi formé contre la décision ayant qualifié de précaire la convention conclue par un éleveur de chevaux avec le propriétaire d’un fonds composé d’herbages, d’une écurie et de locaux d’habitation. La convention en question était verbale et le bailleur avait délivré congé au bout d’une année, invoquant son caractère précaire. Ni la réalité de la mise à disposition, ni le caractère onéreux ne posaient de difficulté. S’agissant de la destination contractuelle du fonds, les parties s’opposaient. Le bailleur soutenait n’avoir accepté qu’une activité de gardiennage de chevaux ; le preneur arguait de son objet social, qui incluait des activités d’élevage de chevaux de course et de loisir.
La Cour de cassation approuve les juges d’appel, qui ont fait supporter au preneur la preuve de la connaissance et de l’acceptation par le bailleur d’une activité entrant dans le champ d’application de l’article L. 311-1 du code rural. Les éléments de fait (parfaitement détaillés dans l’arrêt d’appel auquel le lecteur est renvoyé) ont conduit les juges à retenir que le bail a été conclu à titre précaire mais surtout que les parties ne s’étaient accordées que sur l’exercice d’une activité de gardiennage de chevaux. Ce second élément apparaît central dans la solution du litige. En effet, l’argument de la précarité semble insuffisant à lui seul, dès lors que, en dehors des hypothèses de baux précaires visés par la loi (C. rur., art. L. 411-2), le caractère d’ordre public du statut du fermage y fait obstacle. A l’inverse, la nature agricole de l’activité se rattache aux éléments constitutifs du bail rural. Selon la qualification retenue, le statut du fermage sera ou non applicable. Au-delà des circonstances qui l’ont suscité, l’arrêt du 1er juin 2022 permet de mettre l’accent sur le caractère imparfait de l’intégration des activités équestres tertiaires à l’activité agricole. En excluant le simple gardiennage du régime agricole, le juge judiciaire a adopté une conception stricte et a permis, par l’effet de la liberté contractuelle, aux parties de se maintenir à l’écart du statut du fermage. Enfin, cette affaire confirme les difficultés qui résultent des baux ruraux verbaux en matière équestre.
Cass. 3e civ., 1er juin 2022, n° 21-17.313, n° 464 D – Site EditionsLégislatives 19/10/2022