La recherche des éléments de référence par les juges du fond peut s'avérer délicate.
Les centres équestres occupent une place atypique dans la mise en oeuvre du statut des baux ruraux, auxquels ils sont soumis depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 février 2005 (C. rur., art. L. 311-1). S’agissant de l’évaluation des fermages, des difficultés sont apparues en raison du retard, parfois très important, pris par les services préfectoraux pour intégrer ce type d’exploitations dans les arrêtés fixant les minima et maxima applicables dans chaque département (C. rur., art. L. 411-11). En cas de litige, les juridictions du fond doivent rechercher s’il existe ou non un arrêté préfectoral adapté à l’activité exercée sur le fonds (Cass. 3e civ., 11 mars 2014, n° 13-10685 ; Cass. 3e civ., 22 sept. 2016, n° 15-20435). En l’absence d’une telle référence à la date de conclusion du bail, la Cour de cassation estime que la valeur locative peut être déterminée selon les situations locales, les usages professionnels et les minima et maxima applicables à ce type d’exploitation dans un département voisin (Cass. 3e civ., 18 mai 2005, n° 04-11758 : Bull. n°108).
Un arrêt de la cour d’appel de Pau du 17 décembre 2020 met en oeuvre cette position jurisprudentielle et met en lumière les difficultés qu’elle peut engendrer. Pour fixer le fermage à une certaine somme (deux fois supérieure au fermage évalué par le tribunal paritaire des baux ruraux à dire d’expert), la cour d’appel reprend à son compte les conclusions d’un rapport d’expertise qui, en l’absence d’arrêté préfectoral applicable ratione loci et temporis, prend pour base les arrêtés des départements voisins (et non limitrophes), en écartant ceux présentant des valeurs de fermages extrêmes.
L’arrêt, de manière plus discutable, entérine également l’utilisation par l’expert d’une méthode d’évaluation établie par une compagnie d’experts fonciers, qui fait reposer la valeur locative sur un taux de rentabilité de l’investissement assorti d’un coefficient d’usage lié notamment à la localisation de l’établissement. Une telle méthode semble toutefois décalée, en quelque sorte « hors-sol », par rapport aux critères jurisprudentiels en vigueur, dont l’objectif est de fixer un fermage conforme aux données locales.
Enfin, de manière cette fois-ci critiquable, l’arrêt ne trouve rien à redire au fait que l’expert ait recueilli des informations auprès d’exploitants locaux de centres équestres sans en communiquer l’identité. La cour estime que la communication d’éléments sur la situation géographique de ces structures est suffisante pour assurer le respect du principe du contradictoire, dès lors que les parties à l’instance étaient en mesure de critiquer le rapport d’expertise de ce chef. Cette analyse contrevient à l’article 242 du code de procédure civile, qui précise que le technicien doit mentionner l’identité précise des personnes qu’il entend, sous peine de nullité du rapport (Cass. 2e civ., 4 juin 1993, n°91-14928 : Bull. 191).
CA Pau, 17 déc. 2020, n° 19/00154 – Site EditionsLégislatives 04/02/2021