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Diriger l’exploitation n’est pas s’y consacrer personnellement

Diriger l’exploitation n’est pas s’y consacrer personnellement

Tout preneur qui ne conserve pas la maîtrise et la disposition des parcelles louées, bien qu'ayant gardé la direction de l'exploitation agricole, encourt la résiliation de son bail. En l'espèce il avait confié l'exploitation à un prestaire de service.

Un exploitant conclut un contrat de prestations de services renouvelable tacitement annuellement, couvrant l’ensemble des travaux de l’exploitation agricole et portant sur l’intégralité des parcelles données à bail. Le contrat litigieux entourait pourtant de précautions les relations entre le fermier et le prestataire. Au moins sur le papier, le titulaire du bail gardait la direction et le contrôle de l’exploitation et obligeait le prestataire à une obligation de conseil pour tout ce qui concernait la conduite des cultures, le fauchage et l’entretien des prairies.

En l’espèce, le recours à un prestataire n’était pas ponctuel puisque l’exploitant était un double actif également mécanicien salarié. En outre, il n’avait plus aucune bête à mettre en pension chez son prestataire. Le preneur, bien qu’ayant gardé la direction de l’exploitation agricole, n’a donc pas conservé la maîtrise et la disposition des parcelles louées, il encourait dès lors la résiliation du bail en contrevenant aux dispositions de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime interdisant la cession ou la sous-location du bail rural.

Rigoureuse, la solution n’est pas nouvelle et mérite de rappeler l’obligation de tout preneur à bail à ferme de mettre en valeur lui-même les immeubles affermés. Ce rappel de la loi est exigeant pour les fermiers âgés entendant conserver une parcelle de subsistance (C. rur., art. L. 732-39) notamment en déléguant à des tiers la mise en valeur des biens loués…  En définitive, le preneur à bail à ferme doit toujours user de la chose louée raisonnablement (anciennement « en bon père de famille ») et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention (C. civ., art. 1728, 1°).

Si un preneur a recours à des prestataires de services afin de l’assister dans son exploitation, il doit conserver indubitablement la maîtrise et la disposition des parcelles louées et ne doit pas pouvoir être considéré comme les ayant abandonnées à des tiers.

Agissements fautifs dans un cadre sociétaire

Plus généralement en matière sociétaire, tout preneur qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participe plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, abandonne la jouissance du bien loué à cette société. Ce faisant, il procède en définitive à une cession prohibée du droit au bail (Cass. 3e civ., 14 mars 2024, n° 22-18.203). En matière de mise à disposition d’un bail à ferme au profit d’une société en application de l’article L. 411-37 du code rural, la résiliation du bail peut être prononcée pour cession prohibée en présence d’un preneur ayant pris sa retraite pour être devenu salarié de l’EARL en qualité d’enseignant à temps partiel, sa fille figurant seule dans les statuts en qualité d’associé.

L’ampleur des agissements fautifs

La cour de cassation retient ici qu’il convient de s’attacher à l’ampleur de la délégation consentie à titre onéreux au prestataire de services lorsqu’elle porte sur la totalité de l’exploitation pour qualifier répréhensible l’opération. Le caractère purement « ponctuel » de l’intervention d’un prestataire de services reste admis a contrario tout comme l’entraide agricole encadrée par l’article L 325-1 du code rural.

En réalité, la preuve d’un agissement fautif constitutif d’une sous-location ou d’une cession reste généralement difficile à établir, avant tout procès, par le bailleur. En ce sens, selon une cour d’appel, « le fait que les produits phytosanitaires acquis par le preneur puissent être utilisés pour d’autres types de culture, ne saurait démontrer que le preneur n’a pas produit lui-même des pommes de terre. Le fait que titulaire du bail ne conteste pas ne pas disposer lui-même de l’ensemble du matériel nécessaire à la culture des pommes de terre reste insuffisant à démontrer une cession ou une sous-location prohibée, la locataire reconnaissant faire appel à un prestataire pour le buttage et l’arrachage. Même l’absence de numéro CNIPT figurant sur la facture de vente de pommes de terre produite par preneur à bail à ferme et le non-respect de cette réglementation ne suffisent pas à démontrer l’existence d’une sous-location prohibée. D’autant que la demande du bailleur tendant à la communication de différentes pièces de comptabilité par le locataire, aboutit à inverser la charge de la preuve ».

Renouvellement et agissements fautifs

Dans le même esprit et dans le prolongement du présent commentaire, au moment du renouvellement du bail au visa de l’article L. 411-46 du code rural, il est  constant que le preneur devra toujours réunir, les mêmes conditions d’exploitation et d’habitation que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise en fin de bail à l’article L. 411-59 du même code, à savoir qu’il ne peut jamais se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation.

Le titulaire du bail doit, dans tous les cas, posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir. Il doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe. En outre, il doit être en règle avec la réglementation des structures (Cass. 3e civ., 7 sept. 2022, n° 21-15.027). A défaut, le non-renouvellement de son bail pourra être sollicité par le bailleur, par acte extrajudiciaire, 18 mois avant l’échéance du bail (C. rur., art. L. 411-53).

Cass. 3e civ., 25 avr. 2024, n° 22-19.931, n° 210 F-D – Site EditionsLégislatives 13/05/2024

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