Prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet (art. 1-I)
La Loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 a créé un régime d’« état d’urgence sanitaire » pouvant être mis en œuvre en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Elle a permis au gouvernement et aux préfets de prendre des mesures contraignantes limitant les libertés individuelles de déplacement et restreignant l’exercice de certaines activités. Elle a par ailleurs prévu cet état d’urgence pour une durée de 2 mois, c’est à dire jusqu’au 23 mai à minuit.
Le confinement de la population a été mis en place jusqu’au 11 mai. Depuis cette date, la lutte contre l’épidémie est entrée dans une nouvelle phase : le déconfinement. Cette nouvelle étape étant délicate en raison de la fragilité de la situation sanitaire, les pouvoirs publics ont souhaité disposer d’instruments juridiques supplémentaires. Tel est l’objet de la loi du 11 mai 2020 « prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » .
La loi a d’abord pour objet de proroger l’application des dispositions du code de la santé publique relatives à l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet 2020 (art. 1-I).
Par ailleurs, pour répondre aux défis posés par le déconfinement progressif, la loi apporte des ajustements au cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire, afin de compléter la réglementation des déplacements et des transports, de préciser les règles d’ouverture des établissements et des lieux recevant du public, de réajuster les régimes en vigueur de mise en quarantaine et de placement à l’isolement…
Ainsi a été notamment imposé le port du masque dans les transports publics et, dans certaines villes, une nouvelle attestation employeur pour utiliser ces transports publics à certaines plages horaires.
Remarque : à noter que l’article 7 de la loi du 23 mars 2020 prévoit que le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire fixé aux articles L. 3131-12 et suivants du code de santé publique est applicable jusqu’au 1er avril 2021. Il faudra donc l’intervention du législateur pour que ce régime juridique reste dans le code de santé publique après cette date et puisse ainsi être réactivé.
Régime de la responsabilité pénale des employeurs pendant la période de crise sanitaire (art. 1-II)
La loi précise le régime de la responsabilité pénale, notamment des employeurs, de manière à ce que la crise sanitaire liée au Covid-19 soit bien prise en compte par le juge pour apprécier l’existence d’une faute pénale non intentionnelle.
Pour cela, la loi complète l’article L. 3136-2 du code de la santé publique en précisant que pour faire jouer la responsabilité pénale de l’article 121-3 du code pénal, il est tenu compte « des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur » (art. 1-II).
Remarque : le conseil constitutionnel a estimé que cette disposition était conforme à la constitution. Elle ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi pénale car ne diffère pas des règles de droit commun concernant la faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire.
Cette disposition est destinée à répondre à l’inquiétude des chefs d’entreprise notamment (mais aussi des élus locaux), dans le cadre de l’application de la stratégie de déconfinement et de la reprise de l’activité économique et sociale, face aux risques de condamnation pénale pesant sur eux même s’ils se sont pliés aux règles particulières de prudence ou de sécurité relatives à la santé au travail.
Cette disposition, ajoutée à l’article L. 3136-2 du code de santé publique, ne conduit ni à atténuer ni à exonérer la responsabilité de l’employeur. On peut même se demander si cette précision était nécessaire dans la mesure où le juge, pour apprécier la responsabilité pénale de l’employeur tient toujours compte des circonstances qui entourent la prise de décision (ou l’absence de ce dernier).
Remarque : à titre de rappel, la responsabilité pénale, prévue par l’article 121-3 du code pénal, peut être mise en œuvre en l’absence d’intention de commettre un délit « lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».
Une nouvelle réglementation pour les mises en quarantaine ou le placement en isolement (art 3 à 5)
La mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées par le Covid-19 car ayant séjourné au cours du mois précédant dans une zone de circulation du virus ainsi que le placement en isolement pour des personnes affectées au Covid-19 pourront être obligatoires pour les personnes arrivant sur le territoire national, dans une collectivité d’outre-mer ou en Corse (C. santé. pub., art. L. 3131-15 mod. par L. n° 2020-546, 11 mai 2020, art. 5).
La mesure d’isolement ou de quarantaine ne peut excéder 14 jours mais peut être renouvelée, après avis médical, dans la limite d’un mois. Si cette mesure interdit toute sortie de l’intéressé, sa poursuite au-delà de 14 jours nécessite l’accord du juge des libertés et de la détention sur saisine du préfet. Un décret doit préciser les modalités d’application.
Remarque : ces mesures peuvent concerner des salariés ; le décret devrait permettre de connaître les modalités d’information de l’employeur.
Protection contre le licenciement des salariés placés en quarantaine (art. 6)
Les salariés placés en quarantaine obligatoire (selon les conditions définies ci-dessus) bénéficie, depuis le 13 mai (date d’entrée en vigueur de la loi) des dispositions relatives à la suspension du contrat de travail en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle prévues à l’article L. 1226-9-1 du code du travail.
Remarque : à noter que ne sont pas visés, les salariés faisant l’objet d’une mesure d’isolement. Contrairement au placement à l’isolement, la quarantaine vise seulement les personnes potentiellement exposées au virus, et non effectivement infectées. En cas d’isolement prophylactique, l’ordonnance n° 2020 322 du 25 mars 2020 prévoit le versement par l’employeur de l’indemnité complémentaire à l’indemnité journalière d’arrêt maladie, sans condition d’ancienneté, aux salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail « en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment d’épidémie ».
En conséquence, à l’instar du contrat suspendu en raison d’un accident du travail ou une maladie professionnelle, le contrat suspendu pour quarantaine obligatoire (au sens de l’article L. 3131-15 du code de santé publique) ne peut être rompu par l’employeur que dans les seuls cas de faute grave de l’intéressé ou d’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
Par ailleurs, la durée des périodes de suspension du contrat liées à cette quarantaine est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels, et elle ne peut entraîner pour l’intéressé aucun retard de promotion ou d’avancement.
Incidence du placement en quarantaine sur l’épargne salariale (art. 6)
Le bénéficiaire de l’intéressement perçoit une prime dont le montant et les conditions de versement sont fixés par l’accord d’entreprise. Cette prime résulte de la répartition de l’intéressement qui doit être proportionnelle à la durée de présence. La mise en quarantaine obligatoire (telle que définie ci-dessus), est désormais assimilée à du temps de présence, à l’instar de la suspension du contrat pour accident du travail et du congé de maternité (C. trav., art. L. 3314-5 mod. par L. n° 2020-590, 11 mai 2020).
Il en est de même pour la répartition de la réserve de participation (C. trav., art. L. 3324-6 mod. par L. n° 2020-590, 11 mai 2020).
Cons. const., n° 2020-800 DC, 11 mai 2020 : JO, 12 mai