Le secteur agricole devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 13 % par rapport à 2022. L’élevage et le stockage du carbone dans les sols font partis des deux principaux leviers de réduction.
Le gouvernement a mis en concertation, ce 4 novembre 2024, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) version 3, qui fixe pour chaque secteur la trajectoire à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif réduction de 50 % des émissions brutes de gaz à effet de serre (GES) à horizon 2030 (par rapport à 1990). La trajectoire post-2030, qui doit permettre d’atteindre la neutralité carbone en 2050, n’est pas encore écrite explique le gouvernement.
La SNBC fixe un scénario pour chaque secteur émetteur de notre économie. « C’est un objectif que l’on pense tenable », précise le cabinet de la ministre de l’Écologie. D’ici 2030, le secteur agricole devra baisser ses émissions 10 millions de tonnes en équivalent CO2. q par rapport au niveau de 2021 de 77 millions de tonnes en équivalent CO2. Le gouvernement avance divers leviers qui concernent l’élevage, le stockage du carbone dans les sols, les grandes cultures, la consommation d’énergie sur les exploitations et la production de bioénergie. Dans le détail, l’élevage devra réduire ces émissions de 6 millions de tonnes en équivalent CO2. , les émissions des sols devront être diminuées de 4 millions de tonnes en équivalent CO2. , celles des cultures de 3 millions de tonnes en équivalent CO2. et celles émisses par les engins agricoles et les installations et bâtiments de 1 millions de tonnes en équivalent CO2.
Mieux d’élevage
En élevage, quatre orientations sont listées dans le scénario proposé par la SNBC.
– Les modes de productions devront se tourner vers des systèmes à pâturage dominant en lait (de 28 % à 45 % des élevages en 2030), vers la production de poulets et porc label ou bio (de 32 % à 39 % des élevages de poulets et de 4 % à 7 % des élevages de porcs en 2030).
– L’autonomie protéique des élevages devra être augmentée, avec une augmentation de la production de légumineuses, et une baisse de 50 % des importations de soja en 2030.
– Un autre levier sera l’optimisation de « la gestion des troupeaux via l’adaptation de l’alimentation et la conduite sanitaire », notamment par la « réduction des périodes improductives », la « longévité » des animaux… Et l’amélioration des performances par la génétique.
– L’évolution « tendancielle » des cheptels, estimée à — 12 % en 2030 par rapport à 2020 en bovins, — 10 % en porcins et stabilité en volaille, doit également permettre une baisse des émissions du secteur. Le gouvernement précise cependant que cette évolution sera « accompagnée du plan de souveraineté sur l’élevage ». « L’évolution des régimes alimentaires sera à mettre au regard de l’évolution de la taille du cheptel bovin français », précise-t-on. La réduction des cheptels devra être « maîtrisée » « afin d’éviter une hausse des importations qui ne ferait que déplacer les émissions de GES associées à la production de viande ». Par ailleurs le gouvernement insiste sur les aménités positives de l’élevage bovins, qui lorsqu’il pâture sur des prairies permanentes « maintient leurs capacités de stockage de carbone » ou par ses effluents peut fournir des engrais organiques « limitant le recours aux engrais minéraux ».
Couverts, haies et agroforesterie
Pour les sols les leviers proposés par la SNBC concourent à augmenter le stockage du carbone. Les trois premiers leviers participeront aussi au développement des bioénergies (lire plus bas).
– Les surfaces en couverts intermédiaires devront être augmentées pour atteindre 4,8 millions d’ha d’ici 2030 ;
– Le développement du stockage de carbone par les haies est mis en avant avec l’objectif du plan haies de + 50 000 km de linéaire d’ici 2030 ;
100 000 ha en agroforesterie intraparcellaire (sur prairies ou terres arables) devront être implantés d’ici 2030 ;
– Il faudra contenir le retournement des prairies permanentes avec le maintien de 9,5 millions d’ha.
En culture des systèmes « à bas intrants »
En cultures, la SNBC vise à aller vers des systèmes « à bas intrants » et identifie cinq leviers principaux.
– La consommation d’engrais minéraux azotés devra être réduite (- 26 % en 2030) grâce « au développement de pratiques d’optimisation », à la « diversification des sources d’azote » et à « l’allongement des rotations » notamment ;
– Les surfaces en légumineuses devront doubler par rapport à 2020 pour atteindre 2 millions d’ha ;
– Les pratiques visant à préserver la structure du sol, comme le semi-direct, devront être augmentées pour atteindre 1,9 million d’ha en 2030 ;
– Les surfaces en culture intermédiaires devront être développées (cf leviers pour le stockage dans les sols) ;
– Les surfaces en agriculture biologique devront atteindre 21 % en 2030.
La chasse à la consommation d’énergie dans les exploitations
Le scénario de référence de la SNBC identifie deux leviers principaux pour la réduction de la consommation d’énergie dans les exploitations : la décarbonation des engins agricoles et l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements, des serres et des bâtiments.
– Pour la décarbonation des engins, l’objectif est de faire passer la part des tracteurs et automoteurs fonctionnant avec des énergies non-fossiles de 0 à 7 % en 2030. Ces nouvelles énergies seront l’électricité, le bioGNV, les biocarburants, l’HVO100 et l’hydrogène. La SNBC préconise un accompagnement par des aides publiques pour remplacer le parc de véhicule actuel par des solutions équipées de moteurs admettant les biocarburants ou même de l’hydrogène. La solution électrique est également envisagée. Les constructeurs européens seront mobilisés dans le cadre d’appels à projet portant sur l’innovation avec le développement d’engins à faible émission de GES ainsi que dans la définition d’un cadre réglementaire pour faciliter le rétrofit des engins avec des adaptations sur les moteurs. Parallèlement, le SNBC préconise de recourir davantage à la mutualisation du matériel, notamment par des achats en Cuma, afin de faciliter l’investissement dans ces nouveaux engins. Enfin, la consommation des automoteurs sera réduite par la mise en place d’itinéraires culturaux moins gourmands en énergie.
– Pour l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements, des bâtiments et des serres, le SNBC propose de recourir à des aides financières telles que celles du fonds chaleur, du dispositif des certificats d’économie d’énergie ou encore du plan de souveraineté Fruits et Légumes pour faciliter la rénovation thermique et la construction de bâtiments économes en énergie. L’utilisation de la géothermie et de la chaleur fatale sera privilégiée.
Méthanisation, agroforesterie et cultures intermédiaires pour les bioénergies
La SNBC prévoit également d’agir sur trois leviers pour produire des bioénergies : la méthanisation, les haies et l’agroforesterie et les biocarburants.
– Le développement de la méthanisation sera encouragé grâce au soutien du tarif d’achat du biogaz injecté dans les réseaux de gaz, à la mise en place d’une trajectoire d’incorporation fondée sur des certificats de production de biogaz et au déploiement d’incitations à la consommation industrielle de biogaz pour la production de chaleur. Le soutien à la cogénération sera assuré dans des cas spécifiques, notamment pour les exploitations éloignées de tout raccordement au réseau de gaz. Un renforcement des contrôles sur l’alimentation des méthaniseurs permettra de prioriser le développement des CIVE et le traitement des effluents d’élevage. L’objectif est de s’assurer que le tonnage de cultures dédiées ne dépasse pas 15 % du tonnage d’intrants brut annuels.
– Pour la gestion durable des haies et de l’agroforesterie, la SNBC envisage de structurer des filières de valorisation des produits des haies tout en garantissant leur gestion durable. L’agroforesterie intra-parcellaire sera également développée à la fois sur les prairies et les terres arables. L’objectif est d’atteindre 100 000 hectares en agroforesterie d’ici 2030.
– Favoriser le stockage du carbone dans les sols en faisant évoluer les rotations et le travail du sol. L’objectif à terme est de tripler les couverts de cultures intermédiaires. Des financements privés pourront être mobilisés pour renforcer la demande pour les projets bas carbone, notamment ceux favorisant le stockage dans les sols.
Ces propositions sont mises en concertation jusqu’à la mi-décembre, et devront ensuite faire l’objet d’ajustement sur la base des recommandations formulées par la Commission nationale du débat public à l’issue de la concertation.
Site LaFranceAgricole – Actualités 04/11/2024