La Cour d’Appel de Caen remet en cause la doctrine fiscale refusant le bénéfice de l'exonération lorsque les biens sont apportés à un GFA créé postérieurement à la transmission, en jugeant que l'exonération de droits de mutation persiste en cas d'apport à un GFA
Les transmissions à titre gratuit de biens ruraux loués par bail à long terme sont partiellement exonérées de droits de mutation à condition que les biens reçus restent la propriété du donataire, héritier ou légataire pendant au moins cinq ans (CGI, art.793, 2°, 3 et art. 793 bis).
La cour d’appel de Caen vient de confirmer que la condition de conservation est remplie alors même que la propriété des parcelles est apportée à un groupement foncier agricole (GFA) constitué après la transmission afin d’assurer la gestion des biens.
Elle s’oppose ainsi à la doctrine administrative qui remet en cause le bénéfice de l’exonération si, dans le délai de cinq ans, l’héritier ou le donataire fait apport de ses biens à un GFA, quand bien même conserverait-il les parts pendant cinq ans (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-20, 300). Pour l’administration fiscale, l’article 793 bis du CGI impose en effet que la conservation pendant 5 ans des biens reçus ait un caractère personnel, ce qui n’est pas le cas en cas d’apport à un GFA, celui-ci ayant une personnalité distincte de celle de ses membres.
Pour la cour d’appel, il s’agit d’une surinterprétation de la loi. L’article 793 bis du CGI ne précise en aucun cas si la propriété des parts doit être directe ou indirecte. L’esprit de la loi semble d’ailleurs pencher vers une volonté de favoriser le maintien des exploitations agricoles et leur gestion. En témoigne l’exonération mise en place pour la transmission de parts de GFA dont le patrimoine immobilier agricole a été donné à bail à long terme (CGI, art. 793, 4°).
Le juge pointe aussi les contradictions dans le raisonnement de l’administration fiscale qui, tout en excluant les GFA, autorise l’exonération en cas d’apport en jouissance à une société civile agricole quelle qu’en soit la forme, ou d’un apport pur et simple à un GAEC (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-20, 320).
Il ne s’estime lié ni par la doctrine fiscale ni par une réponse ministérielle de 1990 qui adoptait la même position tout en précisant que la location, la mise à disposition et l’apport en jouissance à un GFA ne remettaient pas l’exonération en cause (Rép. min. n° 8383 : JO Sénat Q, 7 juin 1990, p. 1242). Il confirme donc le dégrèvement ordonné par le tribunal de première instance, relevant que les héritiers sont restés propriétaires des parts pendant 5 ans, bien que celles-ci aient été apportées au GFA.
CA Caen, 16 nov. 2021, n° 19/02794 – Site EditionsLégislatives 22/11/2021