La question de l'application de la directive relative aux emballages aux étiquettes directement apposées sur les fruits et légumes, et de leur éventuelle qualification en tant qu'emballage, soulève une difficulté sérieuse. Le Conseil d'État a donc décidé de la renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne et de surseoir à statuer.
Dans cette affaire, lancée par l’association interprofessionnelle des fruits et légumes (Interfel), le débat se résume au fait de savoir si les étiquettes apposées sur les fruits et légumes entrent dans le champ d’application de la directive 94/62 relative aux emballages et déchets d’emballages.
L’Interfel a saisi le Conseil d’État contre le refus du Premier ministre d’abroger le III de l’article 1er du décret du 28 décembre 2020, qui institue une contravention de 3e classe en cas de manquement à l’interdiction d’apposer des étiquettes non compostables sur les fruits et légumes à compter du 1er janvier 2022.
Cette interdiction est issue de l’article 80 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec). Par une décision du 16 juin 2023, rendue à la suite du renvoi intervenu dans le même litige, le Conseil constitutionnel avait déclaré ces dispositions législatives conformes à la Constitution
Les étiquettes apposées sur des fruits ou légumes sont-elles des emballages ?
L’Interfel a invoqué la méconnaissance des objectifs de la directive 94/62 relative aux emballages. La définition donnée à l’article 3 de la directive repose sur un critère fonctionnel : est regardé comme un emballage tout produit constitué de matériaux de toute nature, destiné à contenir et à protéger des marchandises, à permettre leur manutention et leur acheminement du producteur au consommateur ou à l’utilisateur, et à assurer leur présentation. Or, les étiquettes apposées directement sur des fruits ou légumes ne remplissent aucune de ces fonctions et ne répondent pas aux trois critères qui complètent la définition. Ces étiquettes pourraient ne pas constituer des emballages, au sens de cette directive.
Cependant, l’annexe I de la directive qualifie explicitement d’emballage, à titre d’illustration du critère énoncé par le iii) de l’article 3 de la directive, les étiquettes accrochées directement ou fixées à un produit.
Le Conseil d’État se pose ainsi la question de savoir s’il résulte de l’annexe I de la directive que toute étiquette accrochée directement ou fixée à un produit constitue nécessairement un emballage au sens de cette directive, ou s’il convient d’apprécier cette qualification au regard de la définition et des trois critères posés par son article 3, auquel cas de telles étiquettes ne constituent un emballage que si elles sont destinées à contenir et à protéger des marchandises données, à permettre leur manutention et leur acheminement du producteur au consommateur ou à l’utilisateur, et à assurer leur présentation, à moins qu’elles ne fassent partie intégrante d’un produit et que tous les éléments ne soient destinés à être consommés ou éliminés ensemble.
La CJUE devra trancher
Cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d’État et elle présente une difficulté sérieuse. Le Conseil d’État a donc saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de la question suivante « Les étiquettes directement apposées sur les fruits et légumes constituent-elles, en toute hypothèse, des emballages au sens de l’article 3 de la directive 94/62 du Parlement européen et du Conseil relative aux emballages et déchets et de l’annexe I à cette directive ? » et, dans l’attente de sa réponse, a sursis à statuer sur la requête de l’association interprofessionnelle des fruits et légumes frais.
La question conservera son intérêt après l’adoption du nouveau règlement relatif aux emballages et aux déchets d’emballages qui reprend en substance la définition de l’emballage de la directive et de ses annexes, en précisant désormais dans la nouvelle annexe que constituent un emballage « les étiquettes accrochées directement ou fixées à un produit, y compris les étiquettes adhésives fixées aux fruits et légumes ».
A noter que le juge a rejeté les moyens tirés du défaut de notification à la Commission européenne de l’article 80 de la loi du 10 février 2020.
CE, 6 nov. 2024, n° 466929 – Site EditionsLégislatives 18/11/2024