La cession exclusive des fruits de l'exploitation par le preneur dans le cadre de contrats de vente directe de fourrage de légumineuses conclus deux années de suite constitue une mise disposition d'un tiers les biens loués moyennant une contrepartie onéreuse et s'analyse en une sous-location prohibée.
Avec la flambée du prix du tourteau de soja, les légumineuses fourragères (luzerne, trèfles, associations céréales protéagineux appelés couramment méteils) prennent plus de place dans les assolements et les rations animales. Un preneur a pris l’initiative de conclure deux années consécutives des « contrats de vente directe de fourrage de légumineuses » avec la même personne. La convention formée s’analyse alors en une cession exclusive des fruits de l’exploitation qu’il appartenait aux seuls acquéreurs de recueillir ou de faire recueillir, tombant sous le coup de la présomption de bail rural de l’article L. 411-1 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime. Cette présomption peut être renversée en démontrant que le contrat a été conclu de façon purement occasionnelle (C. rur., art. L. 411-1, al. 2).
Le propriétaire des parcelles a sollicité la résiliation du bail rural pour sous-location prohibée en réponse à la saisine du tribunal paritaire par le preneur en vue de faire fixer judiciairement le prix du bail renouvelé. Les juges ont conclu à l’existence d’une sous-location prohibée de nature à justifier la résiliation du bail. La sous-location, en l’espèce, semble avoir doublement été qualifiée : d’une part, dans le cadre de la présomption de bail rural dès lors que la conclusion des contrats de vente directe de fourrage avait eu lieu deux années de suite ce qui excluait son caractère occasionnel ; d’autre part, sur la base des critères « classique » de mise à la disposition d’un tiers des parcelles louées, moyennant une contrepartie.
Le preneur aurait été avisé de conduire lui-même la production ou de faire appel indirectement ponctuellement à une entreprise de travaux agricoles pour son compte avant de vendre la récolte.
Le bailleur qui souhaite obtenir la résiliation du contrat doit agir avec rapidité pour ne pas voir son action en résiliation prescrite. Rappelons que le point de départ de la prescription de toute action en résiliation du bail rural pour cession ou sous-location prohibées se situe « au jour où ces infractions ont cessé ».
Cass. 3e civ., 16 mai 2024, n° 22-22.448, n° 232 F-D – Site EditionsLégislatives 11/06/2024