Pour la Cour de cassation, une irrégularité de convocation d’un associé de SARL à une assemblée générale n’est pas toujours sanctionnée par la nullité des délibérations. Encore faut-il que deux conditions soient remplies.
Le défaut de convocation régulière d’un associé de SARL à l’assemblée générale de la société n’entraîne la nullité des délibérations de cette assemblée que si cette irrégularité a privé l’associé de son droit d’y prendre part et si elle était de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
A noter : Comme le prévoit l’article L 223-27, dernier al. du Code de commerce, toute assemblée de SARL irrégulièrement convoquée « peut » être annulée (il en est de même pour une assemblée de société anonyme ou de société en commandite par actions irrégulièrement convoquée). Il s’agit donc d’une sanction facultative, les juges saisis d’une demande en annulation d’une assemblée irrégulièrement convoquée n’étant pas liés par la constatation d’une telle irrégularité. Dans cet arrêt du 5 décembre 2000, la Cour de cassation laissait ainsi le prononcé de la nullité à l’appréciation souveraine des juges, et ceux-ci s’étaient prononcés notamment en fonction de l’atteinte à l’intérêt social.
Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation encadre l’office du juge et fixe pour la première fois les deux conditions cumulatives que celui-ci doit relever pour prononcer la nullité d’une décision de l’assemblée.
D’une part, l’irrégularité doit avoir privé l’associé de son droit de prendre part à l’assemblée. Il faut que l’irrégularité ait effectivement empêché l’associé de participer à l’assemblée, ce qui sera évidemment le cas si celui-ci n’a pas du tout été informé de la tenue de l’assemblée. Ce sera également le cas si la lettre de convocation n’est pas parvenue à l’intéressé (par suite, par exemple, d’un envoi à une adresse erronée) ou lui est parvenue trop tard pour que, en raison de la distance qui le sépare du lieu de réunion, il puisse s’y rendre à temps. En l’espèce, où le délai de 15 jours avant la tenue de l’assemblée n’avait pas été respecté pour convoquer une société de droit anglais, associée d’une SARL, les juges devaient rechercher si cette associée avait eu connaissance de la tenue de l’assemblée et, dans l’affirmative, si elle avait eu le temps, les moyens et la disponibilité pour s’y rendre compte tenu de son éloignement.D’autre part, cette irrégularité doit avoir été de nature à influer sur le résultat du processus de décision. Cette condition n’est pas nouvelle puisque la Cour de cassation l’avait déjà énoncée à deux reprises :
– dans l’arrêt « Larzul » du 15 mars 2023, la Cour, posant les conditions dans lesquelles une décision collective de société par actions simplifiée peut être annulée pour violation d’une clause statutaire, a précisé que la violation doit être « de nature à influer sur le résultat du processus de décision ;
– en jugeant que la participation à une assemblée de SARL d’une personne n’ayant pas la qualité d’associé constitue une cause de nullité des assemblées générales au cours desquelles les décisions ont été prises dès lors que l’irrégularité est « de nature à influer sur le résultat du processus de décision ».
Cette formule, on le rappelle, laisse entendre qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que, sans l’irrégularité, la décision aurait été différente mais seulement qu’il existe une possibilité qu’elle soit différente, ce qui relève d’une appréciation au cas par cas. Ainsi, dans un cas où l’actionnaire minoritaire d’une société anonyme (mais la solution est transposable à une SARL) n’avait pas été convoqué en temps utile à l’assemblée générale extraordinaire appelée à décider la dissolution de la société, la demande de nullité de la délibération ayant décidé la dissolution a été rejetée car l’actionnaire, titulaire d’une seule action sur plus de 100 000, ne pouvait pas raisonnablement espérer convaincre l’assemblée de poursuivre les activités déficitaires de la société, alors que les efforts tentés depuis deux ans pour reconstituer le capital social avaient échoué.
Dans l’affaire commentée, l’associé de droit anglais détenait 63 % du capital de la SARL. Compte tenu de son poids dans la société, son absence à l’assemblée était nécessairement de nature à influer sur le résultat du processus de décision, qui avait abouti, sans le vote de l’intéressé, à la révocation d’un des gérants et à une distribution de dividendes.
Cass. com. 29-5-2024 n° 21-21.559 F-B – L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 06/05/2024