Le Gouvernement dispose de six mois pour transposer par voie d’ordonnance la directive européenne relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées. Il ne faut pas en attendre un allégement de la réglementation française en la matière.
L’article 5 de la loi 2024-364 du 22 avril 2024habilite le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance, avant le 22 octobre 2024, la directive UE 2022/2381du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées.
Cette directive ne concerne que les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé employant au moins 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 50 millions d’euros ou dont le total du bilan excède 43 millions d’euros (Dir. UE 2022/2381 art. 2 et 3). Elle impose notamment aux Etats membres de veiller à ce que, au 30 juin 2026, les membres du sexe sous-représenté occupent soit au moins 40 % des postes d’administrateurs non exécutifs, soit au moins 33 % des postes d’administrateurs tant exécutifs que non exécutifs (Dir. art. 5, 1).
Au cours des travaux parlementaires, il a été relevé que la notion d’administrateur de la directive recouvre celle de mandataire social en droit français, de sorte que les administrateurs non exécutifs sont, dans la société anonyme (SA), les membres du conseils d’administration ou de surveillance (et le président du conseil d’administration si cette fonction est dissociée de celle de directeur général) et, dans la société en commandite par actions (SCA), les membres du conseil de surveillance, tandis que les administrateurs exécutifs correspondent aux dirigeants : président-directeur général, directeur général, président ou membres du directoire dans la SA et gérants dans la SCA (Rapport Sén. no 213 p. 56 s. et Rapport AN no 2334 p. 47 s.).
Le droit français impose déjà une proportion de personnes de chaque sexe d’au moins 40 % dans les conseils d’administration ou de surveillance des SA et SCA dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et dans ceux des SA et SCA qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient plus de 250 salariés et réalisent un chiffre d’affaires net ou présentent un bilan d’au moins 50 millions d’euros.
La loi nouvelle précise que la transposition devra au moins correspondre au champ d’application actuellement prévu par le Code de commerce et garantir, dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés commerciales, l’exigence d’une proportion minimale de 40 % du sexe le moins représenté, pour l’ensemble de leurs membres, quelles que soient leurs modalités de désignation.
Un allégement des obligations de mixité dans les conseils d’administration et de surveillance des SA et SCA non cotées est donc exclu, même si, on le rappelle, elles n’entrent pas dans le champ d’application de la directive.
L’ordonnance devrait en revanche faire évoluer le dispositif actuel afin que soient pris en compte, dans la proportion minimale de 40 %, les administrateurs ou membres du conseil de surveillance de SA représentant les salariés et ceux élus pour représenter les salariés actionnaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
La loi prévoit que la transposition devra garantir l’exigence d’une proportion minimale de 40 % du sexe le moins représenté dans les conseils d’administration ou de surveillance « des sociétés commerciales ». Elle autorise par ailleurs le Gouvernement à adapter, « afin d’assurer leur cohérence […], les différentes obligations relatives à la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des organes des sociétés commerciales en harmonisant ces obligations ».
Ainsi, la loi ne paraît pas exclure une extension de l’obligation de mixité aux SAS dotées d’un organe collégial, ni au directoire des SA de type dualiste. Il faudra toutefois attendre l’ordonnance pour être fixé.
La loi d’habilitation interdit au Gouvernement de prévoir de nouvelles sanctions en cas de méconnaissance des règles relative à l’équilibre entre les femmes et les hommes.
Il faut dire que le droit français est déjà bien pourvu dans ce domaine : rappelons que le non-respect des obligations de mixité dans les conseils d’administration ou de surveillance entraîne la nullité de toute nomination ou désignation qui n’a pas pour effet de remédier à l’irrégularité de la composition du conseil, cette nullité étant susceptible d’entraîner la nullité des délibérations du conseil, les textes ne l’excluant plus depuis la loi Pacte du 22 mai 2019. Dans les SA, le non-respect des obligations de mixité entraîne en outre la suspension du versement des rémunérations versées au titre des fonctions d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance (ex-jetons de présence) (art. L 225-45, al. 2 et L 225-83, al. 2 ; voir aussi art. L 22-10-3 et L 22-10-21).
L’ordonnance devra désigner un ou plusieurs organismes dotés de moyens suffisants pour suivre, analyser et soutenir l’équilibre entre les femmes et les hommes dans la composition des conseils d’administration et de surveillance des sociétés commerciales. Au cours des travaux parlementaires, il a été précisé que le choix de cet organisme n’était pas encore arrêté.
Enfin la loi d’habilitation autorise le Gouvernement à harmoniser les règles de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes applicables aux conseils d’administration et de surveillance des établissements publics avec celles prévues pour les sociétés commerciales, avec les adaptations nécessaires, et à les étendre aux groupements d’intérêts publics.
Loi 2024-364 du 22-4-2024 art. 5 : JO 23 texte n° 1 – L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 30/04/2024