Entreprenez !
Nous nous occupons du reste.
Ordre des experts comptables
Le régime des locations meublées après la loi de finances pour 2024

Le régime des locations meublées après la loi de finances pour 2024

Le législateur met les dispositifs relatifs au pacte Dutreil et à la TVA en conformité avec l'interprétation des juges.

Le régime fiscal des locations meublées a subi plusieurs remous en 2023 du fait d’arrêts du Conseil d’Etat qui remettaient en cause soit la doctrine fiscale s’agissant du pacte Dutreil, soit la conformité du régime de TVA appliqué au droit européen. La loi de finances pour 2024 remet donc de l’ordre dans le CGI afin de garantir la stabilité du dispositif.

Un nouveau cadre pour le pacte Dutreil

Les articles 787 B et 787 C du CGI exonèrent partiellement des droits de mutation à titre gratuit les transmissions successorales et donations portant sur des titres de sociétés ou des biens affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle, sous réserve notamment de divers engagements de l’auteur et des bénéficiaires de la transmission, et à condition que l’activité des sociétés, ou de l’entreprise individuelle, soit industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Dans sa doctrine à jour au 21 décembre 2021, l’administration exclut de l’exonération les activités de gestion par une société ou une entreprise individuelle de son propre patrimoine immobilier, et spécialement les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation.

Saisi par un redevable d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre du refus du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, d’abroger cette doctrine, le Conseil d’État a jugé en première part que le fait de donner habituellement en location des locaux d’habitation garnis de meubles ne saurait être systématiquement regardé, pour l’application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial, en deuxième part qu’aucune disposition de portée similaire à celles adoptées en matière d’IFI ou d’autres régimes fiscaux ne permet de dénier de manière générale à la location de locaux meublés à usage d’habitation le caractère d’activité commerciale au sens des articles 787 B et 787 C du CGI et en troisième part que le refus du ministre d’abroger la doctrine précitée doit être annulé.

L’article 23 de la loi de finances pour 2024 écarte explicitement du champ de l’activité commerciale l’activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier par une société ou une entreprise individuelle, ce qui vise très clairement la location de locaux meublés, selon l’amendement n° I-5400 déposé le 17 octobre 2023 par le gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale et repris à cet article 23.

Le même texte, issu du même amendement, inscrit dans la loi l’application de l’exonération à la transmission d’entreprises dont l’activité opérationnelle n’est pas exclusive, à condition qu’elle constitue leur activité principale. Selon la doctrine administrative antérieure, l’activité opérationnelle devait être prépondérante.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux transmissions intervenues à compter du 17 octobre 2023, date de dépôt de l’amendement précité, même si les engagements correspondants ont été pris antérieurement. Les redevables qui ont procédé à des transmissions à titre gratuit avant cette date, nonobstant la doctrine administrative, peuvent, bien entendu, bénéficier de la jurisprudence précédemment rappelée.

Une TVA mieux ciblée

Champ d’application de la TVA

Le droit français non conforme au cadre européen

L’article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA prévoit, dans son paragraphe 1, que les États membres exonèrent les opérations de locations de biens immeubles. Dans son paragraphe 2, il précise que sont exclues de cette exonération les opérations d’hébergement définies dans la législation des États membres effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper. Ce même article permet aux États membres de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d’application de l’exonération prévue au paragraphe 1.

Saisi pour avis par une cour administrative d’appel, le Conseil d’État a récemment retenu que les dispositions du b du 4° de l’article 261 D du CGI, qui subordonnent la soumission à la TVA des activités de mise à disposition d’un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins 3 des 4 prestations accessoires qu’il énumère (petit-déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison, réception, même non personnalisée, de la clientèle), sont incompatibles avec les objectifs de l’article 135 de la directive européenne.

Elles sont en effet susceptibles d’entraîner l’exonération des locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de 3 de ces 4 prestations n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier.

Pour le Conseil d’État, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, d’apprécier, au cas par cas, si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

Une remise en conformité par la loi de finances 2024

Afin d’assurer la compatibilité du droit français avec le texte de droit européen précédemment rappelé, l’article 84 de la loi de finances pour 2024 modifie une nouvelle fois les dispositions du 4° de l’article 261 D du CGI. Suivant l’ordonnancement de l’article 135 précité, la loi française distingue désormais d’une part les prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, de l’autre les locations de logements meublés à usage résidentiel dans les autres secteurs.

  • Régime des prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire

Ces prestations sont soumises de plein droit à la TVA si elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

– elles sont offertes au client pour une durée n’excédant pas 30 nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposées ;

– elles comprennent la mise à disposition d’un local meublé et au moins 3 des prestations suivantes : le petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

Cette règle légale de 3 prestations annexes sur 4, qui figurait déjà dans le régime antérieur et qui s’applique aux gîtes ruraux et chambres d’hôtes, pourrait demeurer incompatible avec les objectifs de l’article 135 de la directive du 28 novembre 2006 : en effet, il résulte de l’avis du Conseil d’État du 5 juillet 2023 que les prestations d’hébergement sont susceptibles d’entrer en concurrence avec le secteur hôtelier en présence de seulement 2 des 4 prestations annexes.

  • Régime des locations de logements meublés à usage résidentiel dans les autres secteurs

Faisant usage de la faculté, prévue au paragraphe 2 de l’article 135, d’exclure de l’exonération d’autres locations de biens immeubles, la loi française soumet de plein droit à la TVA ces locations meublées à usage résidentiel, à condition qu’elles soient assorties de 3 des 4 prestations annexes susdésignées.

Pratiquement, cette condition ne devrait pas être remplie en cas de location à la ferme pour une longue durée à des étudiants ou à d’autres résidents.

Taux de la TVA

L’article 84 de la loi de finances pour 2024 modifie par ailleurs les dispositions de l’article 279, a, du CGI afin de prescrire l’application du taux intermédiaire de 10 % tant aux prestations d’hébergement des secteurs hôteliers et similaires qu’aux locations meublées à usage résidentiel. Par exception, ce taux s’établit à 2,10 % en Corse.

L’ensemble de ces nouvelles dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2024.

L’exonération d’IR reconduite

L’article 35 bis du CGI exonère de l’impôt sur le revenu le produit des locations consenties par des personnes mettant à la disposition du public une ou plusieurs pièces de leur habitation principale, lorsque ce produit n’excède pas 760 € par an.

La date limite des mises à disposition concernées est reportée du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2026 par l’article 38 de la loi de finances pour 2024.

Le régime du micro-BIC redéfini

L’article 45 de la loi de finances pour 2024 abaisse la limite de chiffre d’affaires permettant l’application de ce régime et réduit le taux de l’abattement forfaitaire.

Limite de chiffre d’affaires

La limite de 188 700 € est abaissée à 15 000 € pour les activités de location de meublés de tourisme au sens de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

En revanche, cette limite de 188 700 € demeure applicable aux meublés de tourisme classés et chambres d’hôtes, la loi de finances pour 2024 n’ayant pas modifié les dispositions de l’article 50-0,1, 1° du CGI.

Taux de l’abattement forfaitaire

Ce taux est réduit à 30 % pour les locations de meublés de tourisme non classés.

Pour les loueurs de meublés de tourisme classés ou de chambres d’hôtes :

– le taux antérieur de 71 % n’est pas abaissé ;

– un abattement supplémentaire de 21 % s’applique à la location de meublés de tourisme classés lorsque ces derniers ne sont pas situés dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements, sous réserve que le chiffre d’affaires hors taxes, ajusté s’il y a lieu au prorata du temps d’exploitation au cours de l’année de référence, afférent à l’ensemble des activités de location de locaux meublés n’excède pas au cours de l’année civile précédente 15 000 €. Le bénéfice de cet abattement supplémentaire est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2023 remplacé à compter du 1er janvier 2024 par le règlement (UE) 2023/2831 du 13 décembre 2023 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne aux aides de minimis.

Ces dispositions s’appliquent à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2023 et des années.

  1. fin. 2024 n° 2023-1322, 29 déc. 2023, art. 23, 38, 45 et 84

Newsletter

Recevez les dernières informations juridiques, fiscales, économiques et sociales directement dans votre messagerie !

Conditions générales et politique de confidentialité

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription est confirmée.