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L’extension des installations classées d’élevage relève-t-elle du régime d’autorisation ?

L’extension des installations classées d’élevage relève-t-elle du régime d’autorisation ?

La majoration substantielle des risques pour l'environnement ou le voisinage impose l'application du régime d'autorisation.

Plusieurs jugements rendus par le tribunal administratif de Rennes en décembre 2023 illustrent les contraintes inhérentes à l’application à la police des installations classées dans deux hypothèses sensiblement distinctes mais convergentes en termes de prévention des atteintes à l’environnement.

La modification substantielle d’un élevage impose l’octroi d’une nouvelle autorisation d’exploiter. Parallèlement, un projet d’élevage perd le bénéfice du régime simplifié de l’enregistrement lorsque sa localisation ou le cumul de ses inconvénients avec d’autres ouvrages et installations impose de le soumettre au régime plus strict de l’autorisation. La méconnaissance de ces impératifs par 3 préfets bretons a conduit fatalement à l’annulation de simples arrêtés de prescription et d’enregistrement, la régularisation en cours d’instance n’étant pas envisageable.

Dans deux affaires comparables, les préfets du Finistère et du Morbihan s’étaient contentés d’imposer des prescriptions complémentaires à des projets d’extension d’élevages intensifs de volailles pour le premier et de porcs pour le second. Le tribunal rennais, saisi par des riverains et une association de protection de l’environnement, devait se prononcer sur le caractère substantiel ou non des extensions, l’alternative étant la suivante : si l’augmentation du cheptel n’apparaissait pas substantielle, les prescriptions complémentaires édictées par chacun des représentants de l’État pouvaient apparaître suffisantes ; si a contrario, la modification était qualifiée de substantielle, les préfets avaient commis une erreur d’appréciation en éludant le dépôt, pourtant indispensable, d’une nouvelle demande d’autorisation (C. envir., art. L. 181-14, L. 512-15 et R. 181-46).

La solution retenue est identique dans les deux instances : les préfets auraient dû exiger le dépôt d’un dossier d’autorisation au vu de l’importance de l’augmentation du cheptel et des conséquences induites pour l’environnement, quand bien même le classement de l’installation reste identique par rapport à la nomenclature (TA Rennes, 7 déc. 2023, n° 2101542 ; TA Rennes,21 déc. 2023, n° 2104411). L’appréciation du caractère substantiel de la modification impose, en effet, la prise en compte des évolutions successives apportées à l’installation ou au site d’implantation. Or, chacun des élevages avait procédé depuis sa création à des extensions successives pour aboutir à la création de 151 500 emplacements pour l’élevage de volailles répartis sur 3 sites (85 500, en 2005, pour un seul poulailler) et de 10 266 animaux équivalents pour l’élevage de porcs (2 772 animaux équivalents en 2001), soit une augmentation respective des capacités d’élevages des poulaillers de 42 et 77 % et de 25% pour la porcherie. L’évolution de l’activité d’élevage dont la surface totale est doublée conduit à une augmentation de 34% des émissions d’ammoniac, à l’accentuation des nuisances sonores, des vibrations et des odeurs pour le voisinage présent à moins de 400 mètres. Quant à l’extension des capacités d’une porcherie, déjà qualifiée d’élevage industriel par la nomenclature ICPE (Élevage « IED » au titre de la rubrique n°3660), elle suscite aussi des émissions supplémentaires d’ammoniac à propos desquelles l’autorité environnementale avait déjà alerté lors d’une précédente extension en 2016, une augmentation très significative de lisier à proximité de 3 rivières incluses dans un site Natura 2000 avec un épandage prévu sur des sites comportant 3 zones relevant de l’inventaire ZNIEFF. La régularisation en cours d’instance sollicitée par l’exploitant de la porcherie est donc logiquement exclue puisque c’est le principe même d’une nouvelle autorisation qui a été escamoté alors que l’article L. 181-18 du code de l’environnement organise la régularisation d’une autorisation délivrée.

Dans un dernier litige, le tribunal administratif considère que le préfet d’Ille et Vilaine aurait dû mettre en œuvre l’article L. 512-7-2 du code de l’environnement pour soumettre à l’instruction des ICPE de classe autorisation un projet d’élevage relevant de l’enregistrement au titre de la nomenclature (TA Rennes, 7 déc. 2023, n° 2002897). Ce recalibrage est prévu lorsque la sensibilité environnementale du milieu le justifie, en raison du cumul des incidences du projet avec celles d’autres installations, ouvrages ou travaux situés dans la même zone ou encore s’il est nécessaire d’aménager les prescriptions générales définies par arrêté ministériel. En l’occurrence, un arrêté d’enregistrement avait été attribué au projet de regroupement de 2 élevages bovins jusque-là distincts et relevant tous deux de la classe déclarative. La restructuration conduisait l’un des deux sites à franchir le seuil de l’enregistrement au titre du nombre de vaches laitières et bovins à l’engraissement. En l’espèce, la sensibilité de la zone ne faisait aucun doute puisque les bâtiments d’élevage et la fosse à fumier devaient respectivement être implantés à 22 et 4 mètres d’un site Natura 2000, 6 hectares du plan d’épandage présenté étaient inclus dans la zone Natura 2000 (un marais en arrière littoral), sans que le dossier ait apprécié les conséquences de l’augmentation conséquente des apports d’azote et de phosphore sur ces parcelles. Au surplus, 8 autres hectares devant recevoir l’épandage étaient situés dans la zone d’action renforcée du plan d’action régional en raison de l’excès de nitrate, une porcherie et deux poulaillers étant d’ores et déjà implantés sur le même bassin-versant. La conjonction de l’ensemble de ces éléments, justifiait amplement, selon les juges rennais que soit réalisée une évaluation environnementale donc l’application du régime de l’autorisation.

TA Rennes, 7 déc. 2023, n° 2101542 – TA Rennes, 7 déc. 2023, n° 2002897 – TA Rennes,21 déc. 2023, n° 2104411 – Site EditionsLégislatives 06/02/2024

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